La situation géopolitique actuelle nécessite une réflexion sur les conséquences économiques et sociales des tensions internationales en cours. Les conflits au Moyen-Orient risquent de provoquer des pénuries énergétiques et de matières premières. Pour y faire face, l’économie circulaire et l’économie de fonctionnalité se profilent comme des solutions essentielles, créant des opportunités d’emploi bien rémunérées. De plus, la réglementation ESG devient de plus en plus importante pour garantir la durabilité des activités économiques.
Basculement du monde
Les événements auxquels nous assistons actuellement sont infiniment graves et regrettables. Pour autant, les politiques prenant directement en charge ce sujet, nous avons le devoir d’imaginer les conséquences économiques et sociales de ces tensions internationales et de nous organiser en fonction.
L’embrasement du Moyen-Orient ne manquera pas d’entraîner une cascade de pénuries, qu’il s’agisse d’énergie ou de matières premières, ou de produits finis que nous ne savons plus fabriquer puisque nous avons privilégié le profit maximisé à court terme. Le long terme, c’est maintenant, et il va falloir assumer !
Les tensions régionales qui risquent très fort de s’étendre au niveau mondial, vont être une étape moyennement ou énormément brutale de démondialisation. Nous allons devoir remplacer les matières premières à relativement bas prix par des matières recyclées, quel qu’en soit le prix. Pour avoir voulu faire durer un modèle dépassé, nous devrons bientôt y substituer un autre dans l’urgence, et c’est toujours l’urgence qui coûte le plus cher. Pour avoir voulu bénéficier de coûts bas encore un moment, nous allons assumer leur montée en flèche irrépressible. Il eut fallu opérer une démondialisation, progressive mais volontariste, au lieu de continuer de jouer le court terme dont nous savions pourtant qu’il serait de plus en plus court !
L’unique solution et l’opportunité d’emplois très bien rémunérés
Comment faire face à cette avalanche de pénuries qui risquent de nous renvoyer aux tickets de rationnement des années 40 et 50 ?
Si l’extérieur ne peut plus nous fournir ce dont nous avons besoin, il faudra trouver à l’intérieur le plus possible de réponses à ces besoins. Le vieux slogan « nos poubelles seront nos mines » devient de plus en plus d’actualité parce que les technologies ont fortement progressé, parce que les modèles économiques qui contribuent au même résultat sont de mieux en mieux connus, maîtrisés, répandus, parce que les prix vont tellement augmenter que le problème de la rentabilité des matières recyclées ne se posera plus.
Mais au-delà des matières premières recyclées, grand sujet à l’égard du grand public, il y a, évidemment, la récupération des composants, le réemploi de produits complets. A ce sujet, le succès de Renault avec son projet Re-Factory, aujourd’hui à maturité, montre s’il en était besoin le caractère hautement utile et rentable de l’économie circulaire. Sur le site de Flins, entièrement consacré à ce modèle, la remise à neuf de véhicules d’occasion à faible kilométrage, et le reconditionnement (faire une voiture pleinement opérationnelle à partir de composants récupérés sur des véhicules en fin de vie), conduisent à des économies d’énergie et de matières premières colossales. Ce sont les boucles les plus courtes de l’économie circulaire.
L’économie de fonctionnalité ou vente de l’usage, couvre l’ensemble du cycle de vie, à partir de la conception jusqu’à la gestion de la fin de vie. Qui disposera des plus grandes compétences dans ce domaine verra le marché du travail s’ouvrir dans les meilleures conditions. Ce sera une belle opportunité pour ceux qui seront formés, ce sera aussi l’intérêt des entreprises de sensibiliser, au moins, de former les employés, au mieux, car de l’ignorance nait le fantasme, ici la crainte de ne plus être adapté aux besoins de l’entreprise, de la formation nait la compréhension et la vision de l’immense potentiel de ce modèle économique, donc de la sécurité d’emploi.
Une sécurité et une rentabilité accrue pour les financiers avec la garantie ESG
Il n’est plus temps d’essayer de motiver les Français avec des arguments de type « il faut sauver la planète » quand les Etats-Unis et la Chine polluent 40 fois plus chacun que la France, que les ex-pays du Tiers-monde ne rêvent que de consommer. Il est temps de leur dire que ce sont leur niveau de vie, leur avenir en tant que peuple souverain, leur sécurité économique, qui sont en jeu. C’est bien pour cela que la Commission européenne prépare divers textes réellement contraignants pour que le gâchis de l’économie de l’obsolescence qui nous a rendu dépendants du monde entier, qui a écrasé les salaires, soit remplacé par une conception durable des produits, l’économie de fonctionnalité ayant démontré mille et une fois que cette durabilité entrainait à la fois une baisse de prix et une augmentation des marges.
Parmi ces textes, outre le Devoir de vigilance européen, il y a la CSDR, Corporate Sustainability Reporting Directive, auquel la loi AGEC française aura bien préparer les esprits, la SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) dont la consultation actuelle permettra une application consensuelle, mais réelle.
Le label ESG (sigle international utilisé par la communauté financière pour assurer que les investissements réalisés respectent les critères environnemental, social et de gouvernance de la réglementation) va prendre de l’importance au fur et à mesure que la réglementation va se structurer. Si, ces dernières années, la rigueur a manqué, nul doute que la période qui s’ouvre l’imposera, sécurisant en même temps les capitaux investis en les reliant à l’économie circulaire en général, et dans tous les cas où ce sera possible, à l’économie de fonctionnalité, sa boucle la plus courte et donc à la fois la plus rentable et la plus écologique.
Puisse cette nouvelle donne géopolitique nous contraindre à prendre enfin les bonnes décisions !