
Ah, Total. Ce bon vieux géant du pétrole et du gaz qui, chaque matin, se réveille avec un café servi dans une tasse marquée « Nous sommes la transition énergétique ». Comme un prince charmant vêtu d’énergie fossile orange : on croit qu’il va sortir son chevalier solaire, mais en réalité il serre un baril. Et les médias l’ont bien remarqué.
Regardons les faits : Total – pardon, TotalEnergies maintenant – est accusé, dernièrement, de complicité dans des crimes de guerre au Mozambique : financement et soutien logistique à une force de sécurité locale (Joint Task Force) entre juillet et septembre 2021, lors du chantier géant du projet Mozambique LNG.
Ajoutons que, quelque temps plus tôt, un tribunal français l’a jugé coupable de pratiques commerciales trompeuses (greenwashing) : communications grandioses sur la neutralité carbone d’ici 2050, tandis que la réalité de ses revenus reste massivement fossile.
Donc voilà : un acteur mis en cause pour droits humains + un acteur mis en cause pour greenwashing = jackpot médiatique.Pourquoi tant d’acharnement ?
On pourrait croire que c’est simplement “la bonne presse” qui fait son boulot, mais non : c’est presque devenu un sport national. Il faudrait presque un système de points pour chaque article du type : “Total continue à faire du pétrole, mais dit qu’il fait de l’énergie renouvelable”. Ou : “Projet gazier au Mozambique paye la sécurité locale, mais des civils y meurent”.
Mais bon, pour être honnête, il y a matière : quand une firme se présente comme “acteur de la transition” tout en poursuivant des projets gigantesques de fossiles, cela fait désordre.
Le dossier “plainte pour crime de guerre”
La scène : Mozambique, péninsule d’Afungi, nord-est du pays. Le projet gazier de Total (26,5 % de participation) vaut 20 milliards de dollars.
Entre juillet et septembre 2021, une unité militaire (JTF) associée au projet aurait détenu des civils dans des containers à l’entrée du site, les aurait torturés, certains tués. Environ 150 à 250 personnes concernées, seuls 26 rescapés selon certains reports.
Le plaignant : European Center for Constitutional and Human Rights (ECCHR) en Allemagne, qui dépose plainte en France auprès du parquet anti-terrorisme.
Total réplique qu’elle ignorait les abus, que ses salariés étaient partis avant et revenus après.
Bref : un bon mélange d’ironie, le pétrolier “vert” accusé de participer à un massacre.
Rappel des derniers articles “Green Finance & Total”
Quelques extraits récents à garder en tête :
La cour française a jugé que Total avait trompé les consommateurs avec ses communications vertes.
Le Monde décortique comment “le carburant et les controverses” ont construit Total.
Un article note que les PDG de Total et de Siemens signent une lettre pour demander la suppression – oui, la suppression – d’une des grandes lois européennes de durabilité (CSRD/CS3D) afin d’“alléger” la réglementation.
Dans la foulée, Total est visé à nouveau pour complicité dans des massacres au Mozambique.
Donc, pour la liste : droits humains / greenwashing / lobbying réglementaire = le tableau complet.
Voici certaines Alternatives créatives mais réalistes : pourquoi les médias s’acharnent sur Total
Voici les hypothèses (avec, oui, un soupçon de sarcasme) qui peuvent expliquer pourquoi Total est “la cible” des médias dans le domaine de la finance verte :
1. La taille impose la visibilité : Total est énorme. Quand un groupe de cette envergure communique sur la transition tout en poursuivant un empire fossile, ça attire l’œil. Le fait que “ils disent l’un” et “faisent l’autre” donne aux journalistes un bon terrain.
Le “grand méchant” permet de faire une bonne histoire.
2. Le rôle de contre-vérification réglementaire : Avec des lois européennes comme Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) ou la Taxonomie verte, les entreprises doivent désormais se justifier. Total, étant pilier des fossiles, est une cible naturelle pour vérifier si ces règles fonctionnent réellement.
Le “méchant emblématique” permet de tester la robustesse de la régulation surtout quand le Pdg de Total a osé contredire la Doxa Européenne avec le fait que Total ait signé une lettre pour bloquer/retarder des réglementations européennes (CS3D, CSRD…) crée une trame narrative : “ils veulent être vus comme verts mais combattent les règles vertes”.
Cela donne aux médias une mécanique simple de contradiction.
3. Total devient l’otage d’une bataille géopolitique France–États-Unis pour le contrôle du gaz africain
Ce scénario est très discuté en milieux stratégiques :
Les États-Unis ont intérêt économique direct à ralentir les projets gaziers africains des Européens (Total, ENI, BP).
Pourquoi ?
Parce que :
- Le GNL américain est devenu la bouée énergétique de l’Europe,
- L’Europe paie déjà 2 à 5x plus cher son gaz importé qu’avant 2022,
- Si l’Afrique monte en puissance, le GNL US perd son levier stratégique.
Or, Total était l’acteur principal du futur GNL d’Afrique de l’Est (Mozambique).
Hypothèse :
Laisser éclater une affaire “crime de guerre” fragilise durablement le projet.
Ca maintient l’Europe énergétiquement dépendante du GNL américain.
Les médias alimentés par des leaks, des ONG, des cercles d’influence jouent le rôle d’amplificateurs.
C’est du soft power énergétique dans sa version la plus moderne.
4. L’Arabie Saoudite et le Qatar veulent affaiblir Total pour imposer leur domination sur les mégaprojets gaziers mondiaux
Total est un concurrent direct :
- de Saudi Aramco pour le pétrole,
- de QatarEnergy et des Émirats pour le gaz liquéfié.
Or, le GNL est désormais l’arme économique n°1 de la décennie.
Hypothèse :
Des acteurs du Golfe chercheraient à décrédibiliser Total à long terme pour :
- gagner plus de parts de marché,
- attirer davantage d’investisseurs,
- peser sur les négociations avec la Chine et l’Inde (qui achètent la majorité du GNL mondial).
Le levier :
ONG financées partiellement via des fondations tiers,
influence géopolitique discrète,
relais d’opinion dans les médias.
Dans cette version, Total est victime d’une offensive d’influence mondiale.
5. Bruxelles utilise Total comme bouc émissaire pour justifier un durcissement réglementaire massif (CSRD, CS3D, Taxonomie)
C’est le scénario “realpolitik européenne”.
Idée simple mais redoutable :
Pour faire passer des lois vertes ultra-contraignantes (CSRD, CS3D, reporting extra-financier, devoir de vigilance),
il faut un exemple choc.
Total est parfait :
- géant fossile,
- français donc politiquement utilisable,
- très exposé médiatiquement,
- impliqué dans des zones sensibles.
Hypothèse :
Bruxelles laisse se développer (voir encourage indirectement) la crise narrative autour de Total pour :
- prouver que “le marché n’est pas capable de s’autoréguler”,
- justifier des lois historiques de durabilité économique,
- renforcer son pouvoir réglementaire sur les États membres.
En gros :
Total comme tremplin législatif.
Brillant. Froid. Efficace.
6. L’État français lui-même laisse Total brûler un peu… pour renforcer son contrôle stratégique
Le plus dérangeant — mais aussi le plus plausible.
Total est :
- la plus grande entreprise française,
- plus puissante que certains ministères,
- incontournable pour l’énergie, la diplomatie, l’industrie.
Hypothèse :
Laisser les controverses éclater affaiblit légèrement le conglomérat,
Ce qui permet à l’État d’avoir davantage de poids dans :
- les arbitrages industriels,
- les décisions à l’international,
- la transition énergétique,
- le pilotage nucléaire + hydrogène + GNL.
Une version très haute réalité :
Affaiblir un géant, c’est le rendre plus dépendant du bras politique.
7. La guerre mondiale de l’influence climatique : les ONG anglo-saxonnes veulent briser un symbole européen avant la COP
Ce scénario est géopolitique, froid et très documenté dans certains cercles.
Contexte :
Les ONG climatiques majeures (notamment anglo-saxonnes) jouent un rôle stratégique dans les COP.
Total est :
- le dernier “mammouth fossile” européen,
- un symbole à abattre pour imposer un narratif mondial anti-fossile.
Hypothèse :
Faire exploser le scandale (Mozambique, torture, greenwashing) juste avant/pendant une COP permet :
- de mettre la pression sur l’UE,
- de pousser des engagements plus forts,
- de placer Total dans la position de “méchant officiel du sommet”,
- d’obliger les États européens à s’aligner.
Ce n’est pas du hasard, mais de la guerre de communication climatique :
ONG vs gouvernements vs géants industriels.
Un peu de recul (et de sarcasme)
Imagine un instant : “Total, champion de la transition”. On pourrait presque croire qu’ils vont bientôt vendre des panneaux solaires et nous servir du jus d’orange bio. Mais voilà, à chaque fois qu’ils parlent “transition”, leur bilan fossile claque plus fort que leur slogan. Et les journalistes attendent, café en main.
Par ailleurs, on pourrait croire qu’ils se comportent comme un chevalier vert : “Nous allons sauver le monde”. Sauf que ce chevalier a un épée de pétrole et un destrier diesel. Les médias disent : “Bonjour chevalier, pourquoi cette grosse épée ?” Et le chevalier répond : “Euh… ça coupe aussi les énergies fossiles”.
Ajoutons un soupçon de cynisme : dans un monde où le greenwashing est passé du statut de méfait isolé à celui d’espèce professionnelle, les entreprises comme Total fournissent la matière première pour une chasse aux “promesses non tenues”, “réalité décalée”, “contrats opaques” et “frame médiatique”. Quand en plus il y a droits humains, massacre, injustice : bingo, le cocktail explosif.
Pour les investisseurs, les régulateurs, les médias : Total est un peu la “bête noire” de la transition. Pourquoi ? Parce qu’il incarne l’échec potentiel de la finance verte : une firme qui dit “vert”, agit “fossile”, mais veut être financée comme “verte”.
Dans une logique ESG, cela pose plusieurs risques :
Le risque de réputation (pour les investisseurs).
Le risque de réglementation (que la CSRD/Taxonomie, etc., obligent à révéler ce genre de fait).
Le risque juridique (greenwashing, complicité de crimes).
Le risque que l’argent “vert” soit en fait investi dans du “fossile déguisé”.
Les médias jouent donc un rôle de “veille” : ce sont eux qui éclairent les angles morts, qui rappellent que la transition ne se fait pas en bleu pétrole.
Donc oui, les médias s’acharnent sur Total, mais on peut à juste titre leur dire : “oui, continuez”. Ce n’est pas un acharnement gratuit mais un rôle de contre-pouvoir. Et, oh ironie, Total essaie d’être “acteur de la transition” tout en restant acteur des hydrocarbures.
Ou simplement, les politiciens qui tentent de recuperer une ame Green avant les prochaines elections…






