
L’enquête de novembre 2025 menée auprès des trésoriers des grandes entreprises et ETI révèle une situation financière en demi-teinte. Si la trésorerie globale affiche encore une forme de résilience, les tensions sur la trésorerie d’exploitation se confirment. L’environnement macroéconomique, les délais de paiement et les conditions de financement continuent de peser sur la gestion quotidienne des liquidités. Dans un contexte où la perception du climat économique diverge fortement entre les entreprises, cette étude éclaire les zones de vulnérabilité comme les facteurs de résistance.
Une trésorerie globale encore solide mais fragilisée par l’exploitation
La trésorerie globale reste à un niveau jugé favorable par une majorité de répondants, malgré un léger recul en novembre. Ce solde d’opinions, qui diminue de cinq points, se maintient toutefois au-dessus de sa moyenne de long terme, témoignant d’une forme de robustesse structurelle. Cette stabilité contraste avec les difficultés persistantes observées sur la trésorerie d’exploitation.
En effet, 22 % des entreprises considèrent leur trésorerie d’exploitation comme difficile, contre 14 % qui la jugent confortable. Le solde d’opinions, à –6,5 %, se détériore légèrement et demeure inférieur à son niveau habituel. Cette tension reflète la faiblesse persistante de l’activité opérationnelle, dont les revenus ne suffisent pas toujours à compenser des charges exigeant une gestion rigoureuse des liquidités.
Dans 85 % des cas, les entreprises ont vu leur trésorerie évoluer conformément à leurs anticipations. Mais lorsque des écarts surviennent, ils sont presque systématiquement négatifs, soulignant que toute surprise est rarement favorable dans l’environnement actuel.
Des délais de paiement clients sous pression, un risque majeur pour les trésoreries
L’allongement des délais de paiement des clients constitue l’un des principaux facteurs de tension. En novembre, un tiers des trésoriers signale une détérioration des délais clients, tandis que seuls 5 % observent une amélioration. Ce niveau se situe parmi les plus élevés depuis la période Covid, faisant peser un risque significatif sur la liquidité disponible et sur la capacité des entreprises à faire face à leurs obligations courantes.
Du côté des fournisseurs, la situation apparaît légèrement plus favorable. On observe un timide raccourcissement des délais de règlement, bien que le solde d’opinions demeure en dessous de la moyenne de long terme. Ce rééquilibrage reste néanmoins insuffisant pour compenser pleinement les tensions générées par les décalages de paiement des clients, ce qui dégrade marginalement le solde commercial entre délais clients et fournisseurs.
Matières premières et taux de change : un environnement extérieur toujours déterminant
La volatilité des matières premières continue de peser sur les trésoreries. Plus d’une entreprise sur deux se dit affectée négativement par l’évolution des prix, malgré une certaine stabilisation des cours du pétrole et du gaz au cours des dernières semaines. Seules 12 % des entreprises tirent un avantage de ces fluctuations, signe que l’exposition aux prix de l’énergie demeure un enjeu structurel pour de nombreux secteurs.
La situation est tout aussi contrastée du côté des taux de change. Si 38 % des trésoriers identifient un impact favorable de la parité euro-dollar, 46 % déplorent au contraire un effet négatif. La stabilité récente du taux de change n’efface pas les risques : un euro durablement fort pourrait affaiblir la compétitivité des exportateurs et détériorer progressivement la trésorerie des entreprises tournées vers l’international.
Des conditions de financement plus tendues malgré un recours massif aux banques
Le financement bancaire reste la principale source de liquidité pour les entreprises interrogées : 88 % y ont eu recours en novembre, soit une hausse notable par rapport à octobre. Ce recours massif s’accompagne toutefois d’un durcissement des conditions : près d’un tiers des trésoriers jugent l’accès au financement difficile, une proportion en progression.
Ces tensions pourraient signaler un resserrement prudent des banques ou une dégradation perçue du risque de certaines entreprises. Dans tous les cas, l’accès au crédit apparaît moins fluide, ce qui fragilise la capacité de certaines structures à absorber les fluctuations conjoncturelles.
Des stratégies de gestion de trésorerie prudentes et orientées vers la sécurité
Face aux incertitudes économiques et financières, les trésoriers adoptent une stratégie de placement prudente. Les comptes rémunérés restent privilégiés par 38 % des entreprises, confirmant leur attractivité dans un contexte de taux encore favorables. Les dépôts à vue, très liquides, représentent 30 % des choix de placement, permettant de conserver une marge de manœuvre immédiate.
On observe par ailleurs une progression des investissements en OPCVM, utilisés par 21 % des répondants, sans doute pour capter un rendement supérieur sans trop sacrifier la liquidité. À l’inverse, les titres de créances négociables reculent nettement, ne représentant que 4 % des préférences, probablement en raison d’une attractivité moindre ou d’une complexité perçue.
Un climat ambiant jugé déconnecté de la réalité opérationnelle pour près de la moitié des entreprises
L’un des enseignements marquants de l’enquête réside dans l’écart de perception entre les entreprises et le climat politique et médiatique. Alors que le PIB a progressé de +0,5 % au troisième trimestre 2025, 47 % des trésoriers estiment que leur activité résiste mieux que ne le suggère la morosité omniprésente. À l’inverse, 41 % considèrent que cette atmosphère pesante pénalise leur performance, preuve d’une grande hétérogénéité des réalités économiques.
Cette résilience reste néanmoins fragile. L’incertitude politique et budgétaire pourrait à tout moment se traduire par de nouvelles contraintes fiscales ou réglementaires susceptibles de remettre en question les équilibres financiers observés.
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