COP30 : Belém, une COP qui déplace le centre de gravité de la transition mondiale

COP30

Dix ans après l’Accord de Paris, la COP30 s’est tenue à Belém, au cœur de l’Amazonie, dans un contexte international profondément fragmenté : absence remarquée des États-Unis en année électorale, rivalités géopolitiques accrues, tensions sur les chaînes d’approvisionnement critiques, et pressions économiques renforcées par la crise énergétique mondiale.
Dans ce climat contrasté, la Conférence ne débouche que sur un compromis minimal : les 194 parties ont adopté le “Multirão mondial”, un texte consensuel mais qui ne comporte ni trajectoire de sortie des combustibles fossiles ni engagements structurants sur les financements nouveaux.

Pourtant, l’essentiel n’était pas dans la salle des négociations. Belém marque une transformation silencieuse mais décisive : la transition quitte le terrain diplomatique pour s’ancrer dans l’économie réelle.

Un déplacement historique : moins d’annonces, plus d’exécution

Le Brésil, pays hôte, a mis en avant un “Action Agenda” recensant 117 plans allant bien au-delà des Pactes précédents. Ils couvrent six leviers systémiques :

  • énergie propre et mix décarboné,
  • protection des forêts et des océans,
  • agriculture régénératrice,
  • villes et infrastructures durables,
  • finance verte,
  • innovation et technologies de rupture.

Cette bascule consacre un changement de philosophie : la COP devient un lieu de coordination plus que de production de promesses.

Adaptation : l’enfant longtemps oublié qui prend enfin la tête d’affiche

Pour la première fois, l’adaptation a été placée au même niveau que la réduction d’émissions.
Trois avancées majeures ressortent :

  1. Objectif de tripler les financements d’adaptation d’ici 2035, avec une meilleure traçabilité.
  2. Création d’indicateurs globaux de résilience, destinés à harmoniser la mesure des vulnérabilités et des progrès nationaux.
  3. Entrée en fonctionnement opérationnelle du fonds “Pertes et Préjudices”, réclamé depuis plus d’une décennie par les pays les plus exposés.

Le signal est clair : la transition doit aussi protéger les populations et les infrastructures déjà frappées par les impacts climatiques.

Forêts, biodiversité et eau : la nature sort enfin de l’angle mort

Belém aura consacré la nature comme pilier stratégique de la transition.
Plus de 9,5 milliards de dollars ont été mobilisés pour les écosystèmes forestiers, dont 7 milliards dédiés au Fonds Amazonien brésilien.

Mais ce montant reste dérisoire face aux besoins structurels :

  • La déforestation, bien qu’en nette baisse en 2023 (près de 50 % de réduction), reste à des niveaux élevés.
  • Les écosystèmes critiques continuent de manquer de financements pérennes.
  • La biodiversité demeure sous-intégrée dans les modèles économiques.

La COP aura toutefois fait émerger un consensus inédit : la nature n’est plus un poste de dépense, mais un actif stratégique, indispensable à la sécurité hydrique, alimentaire et industrielle.

L’innovation en avant-scène : carburants durables, données climatiques et lutte contre la désinformation

Les avancées technologiques constituent un autre point fort de cette COP :

  • Le “Belém Pledge” vise à quadrupler la production mondiale de carburants durables d’ici 2035, soutenant la transition des secteurs difficiles à décarboner (aviation, maritime, fret).
  • Une déclaration sur l’intégrité des données climatiques a été signée, pour lutter contre la désinformation numérique et protéger la confiance du public.
  • Plusieurs pays ont annoncé des partenariats sur :
    • l’hydrogène bas carbone,
    • la capture et utilisation du CO₂,
    • les systèmes de monitoring satellitaire,
    • les modèles de risques climatiques pour les banques et assureurs.

Le message sous-jacent : la crédibilité scientifique devient une infrastructure essentielle de la transition.

Un monde fracturé : Nord–Sud, commerce, minerais critiques

Belém a aussi mis en lumière les nouvelles lignes de fracture :

1. Nord–Sud : la question du financement reste explosive

Les pays du Sud réclament un cadre clair sur :

  • la redistribution des financements,
  • les pertes et dommages,
  • la réforme de la fiscalité internationale (taxe maritime, jet privé, fossiles).

Rien de tout cela n’a réellement avancé dans le texte final.

2. Commerce mondial et minerais critiques

Les débats en coulisse sur :

  • le lithium,
  • le cuivre,
  • le nickel,
  • les terres rares,
    préfigurent les futures négociations sur la sécurisation des chaînes de valeur et les règles commerciales de la transition.

3. Diplomatie climatique : une multipolarité assumée

La Chine, l’Inde, le Brésil, l’Indonésie et l’Afrique du Sud ont présenté un bloc coordonné, affirmant un leadership climatique issu du “Global South”.
Une première depuis Paris.

Le rôle grandissant des entreprises et des villes

En marge des négociations, les coalitions d’entreprises et les villes ont multiplié les annonces concrètes :

  • engagements de chaînes logistiques décarbonées,
  • normes communes pour l’industrie lourde,
  • stratégies d’adaptation pour les ports et mégapoles,
  • plans d’investissement dans l’eau et les sols,
  • initiatives de transition alimentaire locale.

Les villes émergent désormais comme le nouveau moteur de l’action climatique, représentant plus de 70 % des émissions globales mais aussi la majorité des solutions concrètes.

Un message stratégique pour les investisseurs

Belém a rappelé avec force une réalité économique :
La nature conditionne la continuité des activités et la valeur à long terme des entreprises.

Les investisseurs commencent donc à intégrer :

  • dépendances aux forêts,
  • risques hydriques,
  • vulnérabilités des sols,
  • exposition aux minerais critiques,
  • risques physiques sur les actifs.

La logique évolue : protéger et restaurer la nature n’est plus un geste moral mais un acte de gestion des risques.

“la COP30 ouvre une nouvelle ère, Belém n’a pas produit de grand traité, mais elle marque une transition : la décennie 2025–2035 sera celle du concret, de l’exécution, de la résilience et des chaînes de valeur transformées.

La COP30 nous rappelle une vérité fondamentale :
La transition ne se fera pas sans la nature,
et la nature demeure le socle de toute création de valeur.”

nous exprime 
 Bruno Boggiani, CEO Strateggyz – Green Finance, en guise de conclusion.

À lire aussi : Le clin d’œil du Jury : des projets remarquables