Le 9 Mars 2023 : Après 20 ans de consultations qui ont commencé en 2004, les États Membres des Nations Unies ont convenu d’une convention internationale pour la protection de la haute mer.
Haute mer et fonds marins
Après vingt ans de négociations, les Etats membres de l’ONU ont finalisé le premier traité international de protection de la haute mer. Un accord crucial, qui régira la création d’aires marines protégées ou le partage des ressources génétiques marines.
Le traité vise la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine, « pour le présent et le long terme » des zones ne relevant pas d’une juridiction nationale. Une étendue gigantesque qui représente près de la moitié de la planète et plus de 60% des océans.
Le texte s’appliquera d’une part à la haute mer, c’est-à-dire la partie des océans au-delà des zones économiques exclusives (ZEE) des Etats, qui s’étendent à maximum 200 milles nautiques (370 km) des côtes. Il couvrira aussi les fonds marins et leur sous-sol situés en dehors des juridictions nationales, appelés « la Zone » dans le traité.
Cela doit en principe permettre que les mesures s’appliquent aux activités de pêche et d’extraction minière.
Mais la future Conférence des parties (COP, organe de décision qui rassemblera les Etats signataires) devra composer, pour faire appliquer ses décisions, avec d’autres organisations mondiales et régionales qui ont autorité aujourd’hui sur des morceaux de l’océan.
Outil emblématique du futur traité
Les aires marines protégées, qui aujourd’hui existent principalement dans les eaux territoriales
La COP, sur proposition d’un ou plusieurs Etats, pourra créer ces sanctuaires dans des zones à caractère unique, particulièrement fragiles ou importantes pour des espèces en danger.
La question cruciale du processus de décision a été un des points chauds des négociations.
Finalement, comme dans d’autres COP, notamment celles sur le climat, les décisions seront en général prises par consensus.
Si celui-ci ne peut être atteint, le projet de texte introduit la possibilité de prendre une décision à la majorité des 3/4 pour contourner le blocage d’un pays ou d’un petit groupe.
Cette décision serait ensuite soumise à un vote de la COP, cette fois à la majorité des 2/3, attestant que « tous les efforts pour parvenir à un accord par consensus ont été épuisés ».
Le traité ne détaille pas comment assurer concrètement la mise en oeuvre de mesures de protection dans ces vastes étendues éloignées des terres. Certains experts comptent sur les satellites pour surveiller et identifier les infractions.
Chaque Etat est responsable des activités sur lesquelles il a de toute façon juridiction même en haute mer, par exemple sur un navire battant pavillon de son pays.
Ressources génétiques marines
Chaque Etat, maritime ou non, et toute entité sous sa juridiction, pourra organiser en haute mer des collectes de végétaux, animaux ou microbes, dont le matériel génétique pourra ensuite être utilisé, y compris commercialement, par exemple par des entreprises pharmaceutiques qui espèrent découvrir des molécules miraculeuses.
Pour que les pays en développement, qui n’ont pas les moyens de financer ces coûteuses recherches, ne soient pas privés de leur part d’un gâteau qui n’appartient à personne, le traité pose le principe d’un partage « juste et équitable » des bénéfices.
La répartition de ces futurs profits a cristallisé les tensions. Au bout du compte, le texte prévoit un partage des ressources scientifiques (échantillons, données génétiques sur une « plateforme en libre accès », transferts de technologies aux pays en développement, etc.) et des bénéfices financiers.
Les modalités du mécanisme financier, qui pourra inclure contribution des Etats et redevances commerciales, restent à établir à la première COP. Celle-ci pourra déroger à la règle du consensus sur ce sujet en adoptant des décisions à la majorité des 3/4.
Etudes d’impact
Avant d’autoriser une activité en haute mer menée sous leur juridiction ou leur contrôle, les pays devront préalablement étudier ses impacts potentiels sur le milieu marin, selon le traité.
Le texte prévoit aussi de telles études d’impact pour les activités ayant lieu dans les eaux nationales, si celles-ci sont susceptibles d’affecter de manière substantielle la haute mer, à l’initiative des Etats.
Ceux-ci devront ensuite publier ces études et un Conseil consultatif scientifique et technique, composé d’experts choisis par les Etats, pourra faire des observations.
Mais finalement, ce n’est pas la COP, mais l’Etat ayant autorité sur l’entité voulant mener cette activité qui donnera son feu vert.
Le traité prévoit toutefois un mécanisme de transparence sur ces études d’impact et exige que l’Etat concerné s’assure d’avoir fait « tous les efforts raisonnables » pour prévenir les atteintes au milieu marin.
Universel ?
Les défenseurs des océans soulignent que pour être efficace, le traité doit être « universel » en recueillant l’adhésion du plus grand nombre de pays. Il pourra toutefois entrer en vigueur 120 jours après la 60e adhésion ou ratification du traité par des Etats.
Transferts financiers du nord vers le sud
Comme souvent, la question cruciale des transferts financiers du nord vers le sud a donc été au cœur des discussions. Dans ce cadre, les engagements annoncés en fin de semaine, lors d’une grande conférence sur l’océan à Panama, ont peut-être accentué la pression sur les négociateurs onusiens. Au total, les Etats se sont engagés à consacrer près de 20 milliards de dollars à la protection des océans, dont 6 milliards pour les Etats-Unis (sans précision de durée). L’Union européenne a de son côté promis 800 millions d’euros sur la seule année 2023.