En Chine, le niveau des inégalités est élevé malgré une croissance dynamique liée au développement économique.
L’accroissement des inégalités
Le coefficient de Gini, qui mesure la distribution de revenus, est en hausse depuis les années 1990 (cf. graphique 1). Le mouvement s’est en particulier accéléré à partir de 1997, date du début des privatisation des entreprises d’Etat et la disparition des prestations sociales qu’elles fournissaient (logements, accès aux soins, etc…). L’intégration du pays dans la mondialisation n’a fait qu’accentuer la dégradation dans la répartition des revenus au cours des années 2000. Aujourd’hui, l’indice est au niveau des pays de l’OCDE les plus inégalitaires comme l’Espagne ou l’Italie.
L’accroissement des inégalités est avant tout le résultat de l’accélération de la croissance des revenus parmi les riches plutôt que de la stagnation des revenus des plus modestes. La Chine a, en effet, effectué de grands progrès en matière de réduction de la pauvreté. En l’espace de trente ans, près de 1 milliards de Chinois sont sortis du seuil d’extrême pauvreté. Le pourcentage de Chinois vivant avec moins de 1,90 dollar par jour est passé de près de 70 % à 0 % aujourd’hui. Les lignes de fracture sont aussi et surtout géographiques. Les inégalités entre les provinces sont particulièrement frappantes. En effet, les régions de la côte orientale ont un niveau de vie très élevé par rapport au reste du pays. Locomotives de la croissance du pays, celles-ci sont les grands bénéficiaires de la politique de l’ouverture.
Elles ont attiré l’essentiel des investissements directs et sont devenues le pôle industriel des entreprises étrangères. Les métropoles comme Pékin ou Shanghai ont un niveau de vie équivalent à celui d’un pays développé comme la République tchèque ou le Portugal (cf. graphique 2). Les autres provinces de la zone telles que Zhejiang, Jiangsu et Guangdong ont un revenu par tête proche de la Pologne ou le Chili. De leur côté, les provinces du Centre et de l’Ouest ont un niveau de vie plus faible. Gansu, la province la plus pauvre du pays, a un niveau de vie relativement supérieur à celui des Philippines ou de l’Indonésie.
L’autre grande caractéristique de l’économie chinoise concerne les disparités entre les villes et les campagnes. L’écart n’a pas véritablement évolué depuis 1990. En 2020, le revenu par tête des populations urbaines est environ trois fois supérieur à celui des populations rurales. La stratégie de développement en faveur de l’expansion de l’activité à l’exportation a accéléré le développement de l’industrie lourde et l’inégalité salariale entre les campagnes agricoles et les villes industrielles. S’ajoute à cela le régime administratif « hukou » très discriminatoire à l’égard des populations rurales. Il s’agit du système de permis de résidence qui limite les déplacements et les installations des travailleurs ruraux vers les villes, et crée in fine d’inégaux accès à l’éducation, aux soins de santé et à la protection sociale entre les travailleurs migrants et les résidents permanents dans les zones urbaines.
De réels efforts ont été consentis par les pouvoirs publics au cours des dernières années pour réduire les écarts de revenus entre les provinces ainsi qu’entre les villes et les campagnes. Des programmes de lutte contre les inégalités et la pauvreté ont été accélérés avec le développement du concept « société harmonieuse » dans les plans quinquennaux. D’ailleurs, la lutte contre les inégalités restera au cœur des nouveaux plans de développement à moyen/long terme, notamment à travers deux axes stratégiques forts : réduction des disparités régionales et promotion de la croissance inclusive basée sur l’amélioration la qualité du capital humain. Elle sera longue et difficile toutefois. D’une part, les moyens mis en place pour réduire les disparités demeurent insuffisants à l’aune de ceux investis pour le développement technologique et la transition écologique. D’autre part, Pékin va devoir jouer un exercice délicat : poursuivre la mondialisation, source d’inégalité, pour assurer une croissance stable afin de dégager des ressources nécessaires aux programmes de redistribution et mettre en place, en parallèle, des réformes pour promouvoir la croissance inclusive essentielle pour rejoindre le cercle des pays développés.