Le 17 Mars 2023 : Retrouvez cette semaine dans cet article un extrait de la conférence de Sabine Meneut sur l’environnement qui a décidé, depuis 2016, de collaborer avec les pêcheurs artisanaux pour développer des solutions de valorisation des filets de pêche usagés.
Anciennement co-fondatrice de l’association Palana Environnement, elle a intégré depuis Mars 2020, l’entreprise Click-Dive en tant que Directrice Générale.
Préserver l’environnement
800 kilos par an par pêcheur en France. Là, vous vous dites c’est forcément le volume de poisson raté, c’est beaucoup moins glamour. En fait, c’est le volume de filets de pêche estimés usagés jetés en déchetterie. Enfin, quand ça ne finit pas abandonné sur les quais. Parce que pour info, un filet de pêche, c’est au minimum deux kilomètres de long. Alors je vous laisse vous imaginer ce que cela représente, c’est deux kilomètres. Mais moi quand je les fais en courant, je les trouve longs. C’est deux kilomètres de plastique. Car oui, le plastique pas fantastique a pris toute sa place dans le matériel de production des pêcheurs. Exit les filets en coton, moins cher, moins abrasif, le plastique est devenu le matériau unique dans le matériel de pêche. Et ce déchets terminent mélangés à nos déchets ménagers qui finissent enfouis ou incinérés. Alors jeudi et jeudi, ben il faut trouver des solutions pour notre environnement. En faisant ce constat désastreux sur l’environnement
Je ne suis pas là purement et simplement en train de fustiger les pêcheurs. Ce serait trop simple. La société est bien plus complexe que ça. Depuis que j’ai débuté ce talk, vous avez sûrement en tête ces images décriées par les médias. Or là, c’est la pêche industrielle. Moi, j’ai envie de vous parler de ceux qui vous sourient quand vous leur achetez le poisson frais sur les quais, ceux qui pratiquent la pêche artisanale. Oui, c’est ce patron pêcheur, bien souvent seul à bord sur son bateau, qui mesure entre cinq et dix mètres de long et qui va caler ses filets en fonction de la saison et qui subit de plein fouet le déclin de la faune.
Avec une équation simple plus de pollution plastique, moins de poisson égale moins de revenus. Et cerise sur le gâteau, les politiques économiques, territoriales et nationales s’intéressent peu ou pas à cette filière. Eh bien moi oui, j’en ai fait mon métier. Pourtant, je ne suis pas fille de pêcheur, je ne viens pas des métiers de la mer, Non. Je suis une fille de la forêt de la Savane. J’ai eu la chance de grandir dans des milieux riches en biodiversité, la Guyane et le Kenya. Et cette chance, elle était complétée par ma mère, ancienne navigatrice et baroudeuse. Elle fait partie de ces femmes fortes qui m’inspirent de par leur force, de part leur passion pour ce qui les entoure. Puis un jour, elle m’a embarqué. J’avais onze ans. Nous avons rallié en cinq semaines la Guyane jusqu’aux Açores et j’ai mis le pied dans ce qui est aujourd’hui mon univers, mon moteur. J’ai puisé ma force, aimer mon caractère. Et puis, j’ai vu ce qu’on ne souhaite pas voir les déchets. J’ai passé des semaines à m’émerveiller des dauphins et à modifier des déchets. Voir des casques de chantier et des emballages de bonbons font partie de mes souvenirs d’enfant. Et je vous parle de 2005. On parlait alors peu de cette pollution en mer, mais cette graine avait germé dans mon esprit et n’a cessé de pousser. En venant m’installer à Marseille il y a six ans, un nouveau choc vient booster cette envie fondamentale d’agir. Lequel? Une plongée à la Ciotat.
Je me suis de nouveau émerveillé de cette faune marine et encore une fois, je me suis horrifié de cette pollution plastique et ceci a fait rejaillir en moi cette fameuse traversée. Et une forme de colère sourde s’est installée. Et j’aurais pu tout simplement m’inscrire dans une association militante contre les pêcheurs pollueurs. Non, j’ai fait tout le contraire. A 22 ans, j’ai eu envie d’agir. J’ai eu envie de reconsidérer le filet de pêche, non pas comme un déchet, mais comme une ressource. Il y a donc six ans, j’ai su sortir de ma zone de confort un cdi en tant que naturaliste. Aujourd’hui, c’est une évidence. En fait, j’ai créé mon métier spécialiste de gestion des déchets de la pêche. Alors, de nature très curieuse, je suis allé voir un premier pêcheur, puis un second, puis un troisième. J’ai lu énormément de rapports, vu beaucoup de reportages. J’ai même questionné mon entourage qui avait des idées assez étroites sur le sujet et très peu d’intérêt pour ces hommes et ces femmes qui partent chaque jour en mer. Et puis un jour, je me suis retrouvé avec ce déchet dans les mains. Je discutais avec un pêcheur au vallon des Off à Marseille, soulagé de voir que quelqu’un s’intéressait enfin à ce sujet. Il m’a remis ces deux kilomètres de filets que j’ai bien eu du mal à remettre dans ma C1, mais je savais toujours pas quoi en faire. Et comme les réponses étaient peu existantes, très peu connues, je suis allé chercher par moi même. Et c’est comme ça que je suis devenu cette spécialiste de gestion des déchets de la pêche.
Aujourd’hui, j’avance pas à pas pour créer ces filières de valorisation des filets usagés en maintenant un contact permanent avec les principaux intéressés, les pêcheurs artisanaux. Depuis 2016, je fais face à des obstacles, mais ma détermination reste intacte. Le premier, l’absence de chiffres officiels sur le volume de filets produits par an par pêcheur en France. Alors, têtu et bille en tête, il y a six ans, j’ai réussi à m’inscrire à un atelier sur les déchets marins ou au niveau national. Surprise générale, je n’ai pas entendu ce jour là que les pêcheurs avaient des besoins, non. Qu’il fallait les sensibiliser. Bon, après ce propos bien catégorique, j’ai présenté le témoignage d’un pêcheur qui était bien conscient des enjeux de l’environnement et des enjeux qu’il subit. J’ai eu droit à une des réponses très constructive à écouter Mademoiselle, mais les pêcheurs n’ont que faire de l’environnement. Je vous invite donc à retourner en stage ou à l’école. On a drôlement fait avancer les choses avec ça, non? C’est pas grave. J’ai continué sans relâche à comprendre les enjeux de l’environnement et les enjeux sociaux de cette pollution des filets guidés par une idée fixe. Si on ne donne pas ni les moyens ni les outils nécessaires aux pêcheurs, mais la gestion des filets n’évoluera pas. Alors en 2019, je sautais dans le grand bain l’entrepreneuriat. Je souhaite aller plus loin. Je souhaite créer des filières personnalisées où le diagnostic et l’accompagnement impliquent d’emblée les pêcheurs. Jamais je ne les considère comme le problème, non, mais toujours comme porteur de la solution avec moi.
Et ça marche. Des solutions émergent. Aujourd’hui, avec mon partenaire recycleur breton, il régénère les filets de pêche polyamide en granulés à destination d’entreprises qui souhaitent intégrer cette nouvelle matière. Un exemple? Les lunettes que je porte sont enfilées. Oui, elles ont été co-créée par de grandes marques d’optique françaises.
En 2021, la région Occitanie sera la première de Méditerranée à avoir sa filière personnalisée sur la gestion et la valorisation des filets. Notre objectif est simple dupliquer ces filières en mélangeant les savoirs des uns et des autres pour avancer sur cette problématique. Et je protège donc à ma manière notre environnement pour trouver et pour considérer non le filet comme un déchet, mais comme une ressource à travers mes différents partenaires. Et ça marche! Aujourd’hui, avec les pêcheurs, mon numéro se diffuse dans leur communauté. Ils veulent changer leur image autant que leurs pratiques. Et j’oublierai jamais une chose. Que les premiers à m’avoir soutenu, à m’avoir fait confiance, à me conseiller et à me guider sont et resteront les pêcheurs. Alors si on arrêtait de porter des jugements binaires et hâtifs? Changeons de lunettes. Les gentils et les méchants. Ce sont dans les histoires pour enfants. La société n’est ni blanche ni noire. Elle est grise. Enfin verte et bleue. Car nous devons sans délai remettre la nature au centre de la société. Mais ceci est mon avis. Mais j’espère que vous êtes et serez nombreux à le partager et à agir.