Dialogue avec Amandine Duquesne sur les défis et opportunités de la conformité ESG

Amandine Duquesne

Paris, le 09 janvier 2024, Dans un échange captivant, Bruno Boggiani s’est entretenu avec Amandine Duquesne, Associée RSE et finance durable chez RSM, pour discuter des enjeux majeurs de la conformité ESG. Ensemble, ils ont abordé des questions cruciales : les étapes clés pour se mettre en conformité, la complexité de la collecte de données ESG, les coûts et bénéfices liés à cette mise en conformité, ainsi que les attentes des auditeurs et de la Haute Autorité de l’Audit (H2A) dès la première année. Un regard éclairant sur la manière dont les entreprises peuvent naviguer dans cet environnement en mutation tout en adoptant une vision durable et responsable.

Quelles sont les principales étapes pour se mettre en conformité ?

Matérialité financière, collecte des données ESG, … En quoi est-ce complexe ?

Mise en conformité, audit, ressources humaines : les coûts sont-ils démesurés ? Pour quels bénéfices ?

Les entreprises sont-elles conscientes du travail à fournir ?

Quels éléments du reporting de durabilité seront vérifiés dès la 1 ère année et les suivantes ?

Auditeurs & Haute Autorité de l’Audit (H2A) : feront-ils preuve de tolérance ? Seront-ils plus flexibles sur certains critères ?

Interview Green Finance
Amandine Duquesne, Associée RSE et finance durable chez RSM, 6ème réseau mondial d’audit, d’expertise comptable et de conseil

Quelles sont les principales étapes pour se mettre en conformité ?

Avant tout, il convient de rappeler que la directive Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) est l’un des pans de la mise en œuvre opérationnelle du Green deal européen, visant à faire de l’Europe non seulement un continent neutre en carbone mais aussi à réorienter les investissements vers une économie bas carbone. Cette directive oblige les entreprises à communiquer des informations détaillées sur leur impact environnemental, social et de gouvernance (ESG). Son objectif est d’améliorer la transparence, la fiabilité et la comparabilité des informations extra-financières. Transposée en droit français par l’ordonnance du 06 décembre 2023 et son décret d’application du 30 décembre 2023, elle est entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2024. Depuis, elle alimente de nombreuses questions et préoccupations dans les entreprises, fort des transformations opérationnelles qu’elle engendre.

La première étape de mise en conformité consiste à prendre connaissance de la directive CSRD pour la décrypter et en comprendre sa portée. C’est le moyen de vérifier l’éligibilité de l’entreprise, au regard des seuils fixés et du calendrier de déploiement, progressif à partir de 2024.
Sa mise en œuvre démarre par un exercice structurant, pierre angulaire du dispositif : l’analyse de double matérialité. Cette analyse, stratégique, consiste à croiser 2 matérialités :

  • La matérialité financière, qui consiste à évaluer les risques et opportunités de facteurs externes sur les opérations propres de l’entreprise (comme les aléas liés au changement climatique par exemple), sur sa performance financière,
  • Avec la matérialité d’impact, pour laquelle il s’agit d’analyser l’impact de ses activités sur l’environnement et la société (émissions de CO2 entraînant des conséquences sur le changement climatique, affectant ainsi les communautés et les écosystèmes).

Cette analyse de double matérialité implique de tenir compte de plusieurs paramètres :

  • La typologie des activités, des secteurs, des implantations de l’entreprise ;
  • L’analyse doit porter sur toute la chaîne de valeur de l’entreprise, et pas uniquement son périmètre consolidé ;
  • Elle doit impliquer les parties prenantes préalablement identifiées ; sur ce critère, la directive n’apporte pas de détails quant à la manière de les impliquer (questionnaires, entretiens, ateliers, etc.), ni à quel stade de l’analyse elles doivent être impliquées (qualification des IRO, cotation, validation des résultats, etc.). Cependant, une bonne pratique consiste à les consulter dans la phase d’analyse, de préférence sous forme d’ateliers compte-tenu de la complexité des sujets, et de leur présenter les résultats ;
  • Elle doit tenir compte de la probabilité d’occurrence des impacts, risques, et opportunités, de la sévérité des impacts et de la magnitude potentielle des effets financiers, et des seuils de matérialité ; tous ces paramètres doivent être définis en amont du processus, et justifiés.

Les résultats de cette analyse de double matérialité peuvent être transposés dans une matrice de double matérialité. Cette double matérialité est stratégique car elle met au cœur de l’analyse le business de l’entreprise : les sujets qui en ressortent matériels vont inéluctablement impacter la stratégie de développement de l’entreprise, la stratégie de durabilité ne pourra plus être décorrélée des orientations business.

L’étape suivante consiste à réaliser une analyse des écarts ou « gap analysis » : elle vise à faire une analyse comparée entre les données et informations extra-financières disponibles et les exigences de la CSRD sur les points de données matériels. En clair, il s’agit de faire un diagnostic de l’existant des indicateurs, KPI, politiques et processus existants sur les sujets ESG de l’entreprise, au regard des exigences de publication de la CSRD. Sur les écarts identifiés, l’entreprise doit mettre en place un plan d’action pour se mettre en conformité avec les exigences de la directive. Elle va également devoir bâtir un processus optimal de collecte de ces données, en organisant au mieux les données à collecter pour faciliter les conditions de la mise en conformité.

S’en suit l’étape de la rédaction du rapport de durabilité : états de durabilité, modèle d’affaires, chaîne de valeur, rôle et implication de la gouvernance dans la stratégie de durabilité, etc. Ce document est non seulement l’aboutissement du processus amorcé depuis l’analyse de double matérialité, mais aussi et surtout la traduction concrète de la transparence de l’entreprise sur ses informations en matière de durabilité publiées. Il matérialise la capacité de l’entreprise à répondre aux exigences de la CSRD. Faisant partie intégrante du rapport de gestion intégrée, il apparaît aussi comme un outil de communication visant valoriser les engagements ESG de l’entreprise vis-à-vis de ses parties prenantes.

La dernière étape consiste à faire vérifier et certifier le rapport de durabilité. Cela passe par la désignation d’un vérificateur externe qui peut être soit un commissaire aux comptes, soit un Organisme Tiers Indépendant (OTI), tous deux habilités à certifier les informations en matière de durabilité par la Haute Autorité de l’Audit (H2A). Cette désignation doit intervenir lors de l’assemblée générale des actionnaires. Des sanctions ont été définies par le régulateur français en cas de non-publication, de non-audit ou d’entrave à l’audit.

Matérialité financière, collecte des données ESG… En quoi est-ce complexe ?

La notion de matérialité n’est pas forcément quelque chose de nouveau pour la plupart des entreprises. En effet, ce terme provient du secteur financier et désigne l’importance relative d’une information comptable ou financière, c’est-à-dire sa capacité à influencer les décisions des utilisateurs des informations financières. Ce qui est nouveau, c’est le terme de matérialité financière. Cette dernière, introduite dans le cadre des exigences de la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), constitue une avancée majeure dans l’évaluation des risques des entreprises mais également un défi complexe pour celles-ci.

Ce nouveau concept implique en effet l’évaluation des risques et opportunités liés au changement climatique, susceptibles d’avoir un impact significatif sur la performance financière d’une organisation dans un sens positif, comme dans un sens négatif. Contrairement à une simple analyse comptable, la matérialité financière élargit le champ de réflexion sur un plan thématique, car elle intègre les dimensions environnementales, sociales et de gouvernance (ESG), mais aussi sur un plan périmétrique, car elle demande aux organisations de ne pas réfléchir uniquement sur leur périmètre financier consolidé mais bien sur toute leur chaîne de valeur.

La difficulté est accrue par la nécessité de maîtriser la double matérialité, qui englobe non seulement l’importance des risques et des opportunités sur la performance financière, mais aussi celle des impacts positifs et négatifs de l’entreprise sur la société et l’environnement au sens large. Cette approche impose à l’entreprise de mobiliser des parties prenantes sur toute sa chaîne de valeur, d’utiliser des méthodologies sophistiquées pour identifier, hiérarchiser et traiter ces enjeux, le tout en alignant ces analyses sur des exigences réglementaires strictes. C’est donc un tout nouveau travail d’analyse et de remise en question que les entreprises soumises à l’analyse de double matérialité doivent faire.

Par ailleurs, la collecte des données ESG constitue un véritable défi opérationnel. En cela, une distinction doit être opérée entre deux catégories d’entreprises : celles qui étaient déjà soumises à la Déclaration de performance extra-financière (DPEF) et celles qui découvrent l’exercice de reporting de durabilité.

Les entreprises déjà familières avec la DPEF doivent désormais se conformer aux nouvelles exigences des normes ESRS (European Sustainability Reporting Standards). Ces dernières imposent une transparence accrue et une granularité plus fine des données collectées sur un nombre de points de données déterminé à l’avance (plus de 1000) et bien plus élevé que dans une DPEF. Cette catégorie d’entreprises pourra donc capitaliser sur l’expérience de collecte de données existante pour l’optimiser et l’élever au niveau des exigences nouvelles.

Pour les entreprises qui découvrent ces obligations, le défi est encore plus complexe : il ne s’agit pas seulement de rassembler des données fiables sur des sujets variés tels que les émissions de GES, la gestion des ressources naturelles ou les impacts sociaux, mais surtout de garantir la traçabilité et la vérifiabilité de ces informations. Ces données doivent être alignées sur les attentes des parties prenantes et sur les critères méthodologiques des ESRS. Ce processus nécessite souvent des investissements importants en termes de formation des équipes et d’adaptation des systèmes d’information existants.

Enfin, la complexité de la matérialité financière et de la collecte des données ESG réside également dans le caractère systémique de ces nouvelles obligations. Les entreprises doivent se familiariser rapidement avec des concepts réglementaires nouveaux, tout en mobilisant des compétences multidisciplinaires. La collaboration entre différents départements, tels que la finance, l’environnement, les ressources humaines et le juridique, devient essentielle pour répondre à ces exigences. En parallèle, les systèmes d’information doivent souvent être implémentés, adaptés ou repensés pour garantir une collecte et une gestion des données répondant aux critères de qualité et de fiabilité requis. Enfin, ce processus nécessite une documentation rigoureuse et un travail de justification pour chaque décision prise, notamment en prévision des audits externes obligatoires.

Mise en conformité, audit, ressources humaines : les coûts sont-ils démesurés ? Pour quels bénéfices ?

Comme nous l’avons déjà évoqué, la mise en conformité avec la CSRD et les normes ESRS engendre une nouvelle manière de rendre compte de sa performance extra-financière et donc indéniablement des coûts supplémentaires pour les entreprises. Ces coûts peuvent être significatifs et se répartissent en plusieurs axes.

Sur le plan opérationnel, il s’agit d’investissements dans la mise en place, l’adaptation ou le renouvellement des systèmes d’information et de collecte des données ESG pour s’assurer de leur fiabilité, traçabilité et leur alignement avec les exigences réglementaires. Par ailleurs, certaines entreprises devront recruter ou former des experts en durabilité capables de piloter ces projets complexes de mise en conformité, tout en intégrant les équipes existantes dans cette transformation culturelle et organisationnelle. Ici, le niveau d’acculturation des ressources humaines à cette nouvelle donne jouera un rôle clé.

L’audit de ces informations constitue un autre poste de dépense conséquent. Il implique non seulement la nomination d’un ou deux auditeurs externes pour certifier la conformité, la sincérité, la fiabilité et la cohérence des données rapportées, mais aussi un renforcement des équipes internes dédiées à la gestion de la conformité.

Concrètement, selon l’analyse d’impact de la CSRD réalisée par la Commission européenne en avril 2021, qui s’appuie sur les montants estimés des informations collectées dans le cadre de la directive NFRD, le coût de mise en œuvre de la directive pour les organisations a été estimé à 4,6 milliards € pour toutes les entreprises européennes, dont environ 80 % de coûts récurrents annuels. Au niveau des entreprises, une étude commanditée par l’EFRAG estime une fourchette entre 40 000 € et 320 000 € pour la préparation du rapport de durabilité auxquels se rajoutent les coûts moyens annuels d’audit qui pourraient osciller entre 67 000 € et 540 000 €. Toutefois, l’étude précise que cette estimation est surévaluée car basée sur la première proposition de l’EFRAG, très détaillée.

Ces coûts, bien que parfois significatifs, doivent être replacés dans une perspective stratégique et être engagés en tant qu’investissement en vue d’un retour bénéfique futur : transformation du business modèle et des activités plus durables, alignement avec les attentes sociétales, transparence accrue. Cette mise en conformité favorise en outre une meilleure gestion des risques, qu’ils soient environnementaux, sociaux ou de gouvernance, et renforce la résilience des entreprises face aux crises climatiques à venir. Elle permet également de répondre aux exigences croissantes des investisseurs, pour qui la durabilité est devenue un critère clé de décision. Le retour sur investissement peut donc se traduire par un accès facilité aux financements, notamment auprès des fonds spécialisés dans les investissements responsables.

Enfin, sur le plan commercial, la transition écologique offre des opportunités significatives. Les entreprises qui intègrent ces principes dans leur modèle d’affaires peuvent non seulement améliorer leur réputation et leur image de marque, mais aussi accéder à de nouveaux marchés. En définitive, cette démarche incite les organisations à innover et à optimiser leurs processus internes, ce qui peut se traduire par des gains d’efficacité et des économies à moyen terme.

Les entreprises sont-elles conscientes du travail à fournir ?

La mesure du travail à fournir pour se conformer aux exigences de la CSRD varie considérablement selon le degré de maturité des entreprises en matière de reporting extra-financier. Si les entreprises matures s’engagent déjà activement dans cette transformation en cherchant à s’entourer de partenaires et d’experts compétents, les autres, moins préparées ou moins conscientes des enjeux, risquent d’être confrontées à des difficultés non négligeables.

Les organisations déjà habituées à la DPEF comprennent globalement les enjeux et l’ampleur des efforts à fournir. Cependant, ces entreprises ne doivent pas tomber dans le piège inverse de sous-estimer la complexité des nouvelles obligations. Contrairement à la DPEF, les normes ESRS introduisent des exigences nettement plus détaillées et techniques, notamment en termes de double matérialité, de granularité des données et de manière de publier ces informations. Les entreprises, conscientes de ces défis, sont souvent les premières à chercher un accompagnement spécialisé pour structurer leur démarche et garantir une mise en conformité efficace.

En revanche, la situation est différente pour les entreprises nouvellement soumises au reporting extra-financier avec la CSRD, en particulier celles dont la taille est comprise entre 250 et 500 employés. Pour ces organisations, la prise de conscience des efforts à fournir peut-être encore partielle, voire inexistante du fait qu’elles n’ont jamais été confrontées à de tels chantiers. Le passage à une logique de reporting durable implique non seulement un changement culturel mais également des ajustements significatifs sur les plans organisationnel et technique. Ces entreprises devront rapidement appréhender l’ampleur de la tâche, souvent avec des ressources internes limitées, ce qui peut rendre le processus encore plus complexe.

Cette disparité souligne l’importance d’un accompagnement adapté et d’une sensibilisation accrue pour l’ensemble des acteurs concernés. Le véritable défi réside dans la capacité de chaque organisation, quelle que soit sa maturité ou sa taille, à anticiper les exigences et à mobiliser les ressources nécessaires pour transformer cette contrainte réglementaire en une opportunité stratégique.

Quels éléments du reporting de durabilité seront vérifiés dès la 1ère année et les suivantes ?

Dès la première année de mise en œuvre de la CSRD, certaines informations clés du reporting de durabilité devront faire l’objet d’une vérification obligatoire par des auditeurs externes car elles assurent la cohérence globale du rapport. Les éléments vérifiés incluront en priorité les informations générales exigées par les normes transverses (ESRS 1 et 2). On parle ici, entre autres, de la description du modèle d’affaires, des stratégies adoptées en matière de durabilité, des processus d’identification des impacts,
risques et opportunités matériels, ainsi que les politiques et objectifs liés à ces enjeux.

Description du modèle d’affaires, des stratégies adoptées en matière de durabilité, des processus d’identification des impacts, risques et opportunités matériels, ainsi que les politiques et objectifs liés à ces enjeux. Un focus particulier sera mis sur le process d’analyse de double matérialité, qui constitue une des innovations majeures des normes comme évoqué précédemment. Les auditeurs devront évaluer comment les impacts, risques et opportunités (IRO) ont été identifiés et s’ils sont pertinents au regard de l’activité de l’entreprise, ils devront également vérifier dans quelle mesure l’entreprise a pris en compte l’ensemble de sa chaîne de valeur et de ses parties prenantes, et auditer également le processus d’évaluation, de hiérarchisation et de sélection des IRO matériels. Les entreprises devront démontrer que leur analyse a été réalisée selon une méthodologie rigoureuse, pertinente et documentée, incluant la consultation de parties prenantes et des données quantitatives ou qualitatives étayées. De plus, l’auditeur contrôlera la correcte description de cette méthodologie dans le rapport de gestion au regard de l’objectif consistant à permettre la compréhension de cette démarche. La conformité aux normes ESRS et aux exigences de la Taxonomie verte de l’Union européenne, qui représentent des attentes importantes pour les utilisateurs du rapport, sera également au cœur des vérifications. Les auditeurs devront s’assurer que les déclarations respectent les cadres méthodologiques imposés, notamment en matière de contribution substantielle, de respect du critère consistant à ne pas causer de préjudice important, des critères techniques définis et vérifier le calcul des ratios financiers associés. Enfin, certains indicateurs quantitatifs qui requièrent des méthodologies robustes, comme les bilans d’émissions de gaz à effet de serre, feront également partie des éléments regardés de près et cela dès la première année, afin de réorienter rapidement les entreprises si elles sont dans la mauvaise direction. Les plans d’action et trajectoires de décarbonation qui accompagnent ces indicateurs, notamment dans les domaines liés au climat, seront également soumis à une vérification, afin d’évaluer la cohérence entre les engagements pris et les résultats attendus. Au fil des années, cette vérification s’étendra progressivement à un périmètre plus large d’informations, notamment à mesure que des normes sectorielles spécifiques seront introduites et que les entreprises affineront leurs pratiques, ainsi qu’au balisage de l’information.

Auditeurs & Haute Autorité de l’Audit (H2A) : feront-ils preuve de tolérance ? Seront-ils plus flexibles sur certains critères ? Pour la conduite de leur mission, les vérificateurs doivent respecter la norme sur l’assurance limitée que la Commission Européenne a établi. Mais elle sera adoptée en 2026 sous forme d’acte délégué. Dans l’attente de cette norme, et compte tenu du fait que le gouvernement français n’envisageait pas d’adopter une norme nationale, la Haute Autorité de l’Audit (H2A) a publié des lignes directrices. Celles-ci décrivent les travaux attendus du vérificateur et la manière dont il s’exprimera dans ses conclusions. Le code de commerce, en ses articles L. 821-54 et L. 822-24, définit la mission de certification. Il en ressort que le vérificateur appelé à certifier les informations en matière de durabilité publiées par l’entité, émet, à l’issue de sa mission, un avis portant sur :

  • La conformité aux ESRS du processus mis en œuvre par l’entité pour déterminer les informations en matière de durabilité publiées et le respect de l’obligation de consultation du CSE. Le processus mentionné ci-avant intègre à minima que l’entité procède à une analyse de double matérialité nécessitant une revue des Impacts, Risques et Opportunités (IRO) liés aux enjeux de durabilité et lui permettant ainsi d’identifier ses enjeux matériels ;
  • La conformité des informations en matière de durabilité incluses dans le rapport de gestion avec les exigences de l’article L. 232-6-3 (ou L. 233-28-4 du code de commerce selon l’entité concernée), y compris avec les ESRS. Ces informations résultant du processus évoqué ci-dessus doivent répondre aux critères de pertinence, représentation fidèle, comparabilité, vérifiabilité et compréhensibilité ;
  • Le respect des exigences de publication des informations prévues par le référentiel Taxonomie. L’article 8 du règlement (UE) 2020/852 dispose que les entités publient dans leur rapport de durabilité, des informations sur « la manière et la mesure dans laquelle [leurs] activités sont associées à des activités économiques durables sur le plan environnemental au regard des six objectifs environnementaux retenus par la Commission européenne » ;

Utilisateur du rapport : les utilisateurs des informations en matière de durabilité, c’est à dire les principaux utilisateurs des informations financières à usage général (investisseurs existants et potentiels, prêteurs et autres créanciers, y compris les gestionnaires d’actifs, les établissements de crédit ou les entreprises d’assurance), ainsi que les autres utilisateurs des informations en matière de durabilité, à savoir les partenaires commerciaux de l’entité, les syndicats et les partenaires sociaux, les organisations de la société civile et les organisations non gouvernementales, les pouvoirs publics, les analystes et les chercheurs. H2A-CSRD-Lignes-directrices-Certification-durabilite-Octobre-2024.pdf#page18

  • La conformité avec l’exigence de balisage des informations en matière de durabilité, prévue à l’article 29 de la directive 2013/34/UE. Il n’existe pas à ce jour de texte qui précise le contenu et la présentation des informations à publier selon le format d’information électronique unique (xHTML), ni de méthodologie à suivre en vue de s’y conformer.

Concernant plus spécifiquement le contrôle de conformité des informations en matière de durabilité avec les exigences du code de commerce, y compris avec les ESRS, les vérifications portent sur les modalités d’établissement et de présentation des informations en matière de durabilité ainsi que sur des informations spécifiquement sélectionnées. Pour ce faire, le vérificateur met en œuvre les travaux prévus par les lignes directrices.

Compte tenu du volume des informations en matière de durabilité et du niveau d’assurance attendu (assurance limitée), le vérificateur ne vérifie spécifiquement que certaines de ces informations dans le but d’identifier l’existence, ou non, d’erreurs, omissions ou incohérences importantes, y compris en raison de fraudes ou de pratiques d’écoblanchiment, susceptibles d’influencer le jugement ou les décisions des utilisateurs des informations en matière de durabilité, ou des parties prenantes affectées.

L’identification et le volume d’informations vérifiées par l’auditeur dépend du niveau de risque déterminé dans les informations publiées, au regard de multiples facteurs internes ou externes (organisation interne, ratios bancaires liés aux enjeux de durabilité, rémunération variable de la direction, maturité du dispositif de contrôle interne, recours à des experts conseils…). Pour vérifier les informations sélectionnées, l’auditeur mettra en œuvre les techniques de contrôle appropriées aux informations, objet de ses vérifications. Ces techniques peuvent notamment être des procédures analytiques, des observations physiques, sur site ou non, des inspections sur site ou non, des demandes d’informations auprès des personnes, internes ou externes à l’entité, ou aux entités comprises dans le périmètre de consolidation ou de combinaison ou à sa chaîne de valeur ou encore le recours à des experts.

La H2A précise toutefois dans ses lignes directrices que « Bien que destinées à définir les grandes étapes de la démarche de vérification, les lignes directrices laissent volontairement place au jugement professionnel et à l’esprit critique des vérificateurs à qui il revient de conduire leur mission au vu des caractéristiques propres de chacune des entités contrôlées ». On comprend donc que de la flexibilité est laissée aux auditeurs dans le déroulement de leurs travaux et dans leur conclusion.


A propos de Amandine

Investie depuis plus de 15 ans sur les sujets Sustainability, Amandine a rejoint RSM France en octobre 2020 en tant que Manager au sein du pôle RSE. Elle est à présent Associée RSM, directrice de l’activité RSE/Durabilité du cabinet.

Elle a auparavant acquis une importante expérience de la RSE, notamment chez Vigeo Eiris, agence de notation sociale et environnementale internationale. Aujourd’hui, elle coordonne les équipes RSM en charge de réaliser des missions de conseil et d’audit CSRD (rapport de durabilité) ainsi que des missions d’audit règlementaire RSE et finance durable pour accompagner la stratégie extra-financière des entreprises. 

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