Fonds durables et transition écologique

Novethic et l’ADEME ont focalisé leur étude annuelle des fonds durables sur l’analyse de la transition écologique telle que la définissaient les fonds les plus engagés. Un panel de 183 fonds distribués en France, dont 161 fonds classés Article 9 au sens de la réglementation SFDR, disposant d’un encours de près de 100 Mds€, a été passé en revue. Cela représente un volume de documentation technique de près de 3 000 pages !

TRANSITION : SANS OBJECTIF CLAIR ET INDICATEURS PARTAGÉS, LES ÉPARGNANTS AURONT DU MAL À S’Y RETROUVER 

L’analyse du panel des fonds révèle un « récit » dans les « annexes techniques », telles que les définit la réglementation SFDR, extrêmement varié – de la terminologie employée, aux indicateurs utilisés pour mesurer les contributions environnementales et sociales des fonds. Autre difficulté : le volume de documentation, souvent très technique, qui est supposé donner aux épargnants le moyen de comprendre la stratégie durable des fonds dans lesquels ils investissent, a considérablement enflé. Le décalage entre le marketing qui vise à doter les fonds de promesses environnementales (Voir l’étude de Novethic « Fonds durables : des noms qui jouent sur les mots » – Mars 2023), le vocabulaire et les informations techniques fournies dans la documentation fait naître une confusion sur les objectifs poursuivis par les fonds. Cela compromet la capacité des conseillers financiers à présenter une offre claire et lisible aux épargnants sur les caractéristiques environnementales des produits financiers. 

À LA RECHERCHE D’INDICATEURS SUR LA TRANSITION DES ENTREPRISES

L’étude Novethic, réalisée avec le soutien de l’ADEME, permet aussi de s’interroger sur la capacité des encours de fonds durables à financer la transition des entreprises en portefeuille. Cela est d’autant plus difficile que la grande variété d’indicateurs choisis rend la comparabilité des fonds quasi impossible sur ce thème.  On trouve en moyenne 3,6 indicateurs par fonds dans le panel de l’étude, qui, du point de vue de la transition, sont le plus souvent des engagements d’intention rarement assortis d’une évaluation du degré d’atteinte de ces objectifs. On peut donc s’interroger sur la possibilité de vérifier que les entreprises sélectionnées ont bien, par exemple, une trajectoire de transition alignée sur l’Accord de Paris.

LA CERTIFICATION DES OBJECTIFS CLIMAT PAR SBTI SUFFIT-ELLE À DÉFINIR UNE ENTREPRISE EN TRANSITION ?

L’un des indicateurs relatifs à la transition le plus fréquemment trouvé parmi les fonds du panel de l’étude est la certification par les entreprises de leurs objectifs de baisse d’émissions de gaz à effet de serre par l’initiative SBTi (Science Based Targets Initiative). Concentrée sur l’alignement des objectifs climat avec ceux de l’Accord de Paris, cette certification est devenue courante, notamment chez les entreprises ciblées par la coalition d’investisseurs Climate Action 100+ (« CA100+ »). Ce n’est pas forcément un indicateur pertinent pour évaluer le degré de transition d’une entreprise. C’est pourquoi Novethic a mis en regard pour la trentaine d’entreprises « CA100+ » les plus sélectionnées au sein du panel de l’étude leur « notation » par les différents standards de transition, dont la méthodologie ACT proposée par l’ADEME, disponible pour 15 secteurs (Oil & Gas, etc.), et bientôt disponible pour les banques et les investisseurs (d’ici mars 2024). Alors que presque toutes ont fait certifier leurs objectifs de réduction des émissions, seules 5 obtiennent une note ACT supérieure à la moyenne : Iberdrola, NextEra Energy, Enel, SSE et Renault. 

« Le travail de recherche mené par notre expert Nicolas Redon permet de montrer que la méthode européenne liée à SFDR est loin d’atteindre son but pour l’instant. À force de laisser des marges d’interprétation aux acteurs, puis de préciser ses attentes de façon à la fois complexe et technique, les régulateurs ont perdu de vue l’objectif initial de cette réglementation : convaincre les épargnants qu’investir dans des fonds durables engagés permet de financer la transition écologique, et encourager les entreprises à la mettre en place. » 

Anne-Catherine Husson-Traore, Directrice Générale de Novethic.

« Alors que la finance de transition est l’objet de toutes les attentions, nous voulions avec Novethic plonger au cœur des pratiques des fonds qui s’en réclament. Si l’on retrouve bien dans ces fonds les entreprises engagées en faveur de la transition, les méthodes de sélection sont encore à parfaire pour évaluer la robustesse des plans de transition. Par ailleurs, les pratiques d’engagement actionnarial doivent encore évoluer pour en faire un levier des transformations permettant d’élargir l’univers d’investissement. » 

Mathieu Garnero, Directeur de Projet à l’ADEME.