Les réponses cinglantes des PRI aux récentes propositions de la SEC pour les résolutions d’actionnaires
La Securities and Exchange Commission (SEC) propose de « moderniser », pour la première fois depuis 1954, les conditions de mise en œuvre des résolutions d’actionnaires (par opposition aux résolutions écrites par le management) qui sont soumises aux votes lors de l’assemblée générale des entreprises.
La consultation publique sur ces propositions s’est ouverte le 5 novembre dernier pour 60 jours, et les PRI (Principes de l’Investissement Responsable dans le cadre de l’ONU) ont attendu le dernier jour pour contre argumenter sur les changements initiés par la SEC avec une précision clinique.
Aujourd’hui aux États-Unis, pour qu’une même résolution puisse être soumise plusieurs années à l’assemblée générale, doit au cours des cinq dernières années franchir le seuil successif de 3%, 6% et 10%.
La SEC propose d’augmenter ces seuils à 5%, 15% et 25% avec une nouvelle règle « momentum » impliquant que, si une résolution obtient entre 25% et 50% des votes elle ne doit pas décliner de plus de 10% par rapport au vote précédent pour pouvoir être maintenue l’année suivante.
La France n’a pas l’apanage des règles alambiquées et peu compréhensibles !
Dans leur réponse les PRI se sont appuyés sur les 1 579 résolutions qui ont été proposées plus d’une fois sur les 6 145 résolutions « uniques » d’actionnaires comptabilisées de 2006 à 2018 aux États-Unis. Ils constatent qu’avec les nouvelles règles 399 résolutions auraient été exclues dont 172 portant sur des thématiques sociales ou environnementales.
Sur ces 399 résolutions, 181 ont obtenu plus de 20% des voix, 87 plus de 30% et 22 plus de 40%. Les PRI estiment que la barre des 50% qui constitue le seuil du « succès » pour la SEC est un niveau erroné : la réalité montre que les déposants engagent des négociations avec les entreprises sur les problématiques posées par les résolutions dès qu’elles tangentent le seuil de 20%.
Parmi les arguments de la SEC, sont évoqués les coûts considérables pour les émetteurs constitués par la gestion de ces résolutions. Les PRI rétorquent que sur la période considérée, 75% des résolutions obtenant autour de 10% des votes ne réapparaissent plus dans les assemblées générales suivantes. Enfin, les PRI constatent que ce sont les petits porteurs qui initient les résolutions d’actionnaires au contraire de BlackRock et Vanguard les plus gros gérants d’actifs mondiaux qui n’ont déposé aucune résolution de 2006 à 2018.
L’accroissement des seuils risque donc de porter un coup fatal aux résolutions d’actionnaires sans changement de comportement des mastodontes de la gestion qui préfèrent pour le moment s’en tenir aux discours élogieux sur la RSE.
Par ailleurs, les résolutions d’actionnaires constituent souvent le signe avant-coureur de problématiques importantes. Ainsi l’introduction des résolutions « say on pay » sur la rémunération des dirigeants a été instaurée en 2011 par la SEC à la suite de la loi Dodd-Franck et de plusieurs années de résolutions d’actionnaires sur cette thématique.
Enfin les PRI regrettent que la SEC limite sa vision à l’aspect coûts de ces résolutions et rappellent que de nombreuses études académiques montrent que la RSE et la prise en compte des critères Environnement, Social et Gouvernance (ESG) génère une surperformance financière sur le long terme pour l’actionnaire.
De façon plus anecdotique la SEC propose qu’un actionnaire pour pouvoir déposer une résolution détienne 2 000$ d’actions de l’entreprise pendant 3 ans, ou 15 000$ pendant 2 ans ou 25 000$ pendant 1 an. Aujourd’hui le seuil est de 2 000$ ou 1% du capital pendant un an.
S’il est bienvenu de dénoncer ces changements proposés par la SEC, nous ne devons pas oublier que c’est encore aux États-Unis qu’il est le plus facile de déposer une résolution même si cette nouvelle réglementation voit le jour.
En France par exemple, il est nécessaire de détenir au moins 0,5% du capital, soit pour une entreprise comme Total une petite participation de plus de 500 millions d’euros…