Finance Watch : pour une régulation bancaire qui anticipe le risque climatique et sécurise l’avenir financier européen

La finance durable

En 2015, lors d’un discours désormais historique, Mark Carney alertait sur la « tragédie des horizons » : un système financier qui raisonne au trimestre, face à un climat qui se transforme sur des décennies. Entre ces deux temporalités, un vide dangereux s’est créé. Les données scientifiques s’accumulent, les rapports s’alignent, la transition énergétique apparaît inévitable, mais les flux financiers tardent à basculer.

Dix ans plus tard, ce diagnostic reste d’une actualité troublante. Les banques européennes, pourtant engagées dans des stratégies net-zéro, continuent de financer le secteur fossile à hauteur de 1 600 milliards de dollars d’actifs à haut risque. Les modèles économiques internes sous-estiment fortement les points de bascule climatiques, les projections ne prennent pas toujours en compte les risques extrêmes, et les analyses prudentielles demeurent fondées sur des historiques qui ne reflètent plus la réalité physique future.

Face à cette inertie systémique, Finance Watch porte une proposition structurante, ambitieuse et désormais incontournable : intégrer le climat comme risque financier majeur dans les règles prudentielles bancaires, afin de protéger l’épargne, stabiliser le système et réorienter l’investissement vers les énergies durables.

L’idée fondatrice du projet est simple mais révolutionnaire : le climat n’est pas un enjeu extra-financier — c’est un risque financier. Et tant que ce risque ne sera pas reconnu par la régulation bancaire, la transition dépendra d’engagements volontaires insuffisants face à l’urgence.

Un changement de cadre : passer de la transparence à la prévention

Depuis 2018, la majorité des réformes ont porté sur la transparence : reporting ESG, publication des expositions fossiles, taxonomie européenne, stress-tests climatiques. Cette étape était indispensable, mais insuffisante. On ne sécurise pas la finance en l’informant d’un risque ; on la sécurise en la protégeant du risque.

Finance Watch plaide donc pour un cadre macroprudentiel climatique, basé sur l’augmentation graduelle des fonds propres pour les expositions fossiles.
Concrètement, les banques doivent disposer de capital supplémentaire pour faire face à une perte de valeur probable, imminente et scientifiquement documentée sur les actifs carbonés.

Cette mesure aurait trois effets immédiats :

  1. Réduire l’attractivité financière des actifs fossiles.
  2. Protéger la stabilité bancaire contre un choc de transition brutal.
  3. Accélérer le transfert des capitaux vers l’énergie propre et résiliente.

C’est une logique de santé publique appliquée à la finance : anticiper plutôt que subir.

Un dispositif réaliste, mesuré, et économiquement viable

Contrairement à certaines idées reçues, renforcer les exigences de capital ne signifie pas limiter le crédit à l’économie. Les études menées par Finance Watch montrent que quelques semaines de rétention de bénéfices suffiraient aux banques européennes pour constituer le coussin climatique nécessaire sans diminuer l’octroi de prêts.

En 2022, le rapport A Safer Transition for Fossil Banking confirme la faisabilité technique et économique de la proposition.
En 2023, le rapport A Trillion Dollars of Climate Risk révèle l’ampleur du risque systémique si rien n’est fait :

 Les bilans bancaires sont exposés à des actifs dont la valeur pourrait s’effondrer.
Les modèles climat-finance sous-estiment drastiquement les impacts physiques futurs.
Sans régulation, la transition pourrait produire un choc systémique comparable à 2008 — mais climatique.

Nous ne sommes pas face à un scénario théorique. Nous sommes face à une probabilité modélisée.

2026 : la fenêtre politique à ne pas manquer

L’Union européenne s’apprête à réviser son cadre prudentiel bancaire. C’est l’occasion historique d’introduire des coussins climatiques systémiques, outils destinés à encadrer progressivement la désensibilisation aux actifs fossiles.

Cette réforme pourrait :

• sécuriser l’épargne et la stabilité des bilans,
• réduire le risque d’effondrement massif d’actifs carbonés,
• réorienter l’investissement vers les infrastructures bas-carbone,
• restaurer la crédibilité de la finance durable dans un contexte de backlash.

Car oui, nous sommes dans une phase de tension politique.
Certains secteurs contestent la finance verte, d’autres dénoncent une inflation réglementaire.

Finance Watch répond avec une approche pragmatique, chiffrée, défendable :
le risque climatique n’est pas un sujet idéologique — c’est un sujet de stabilité financière.

Un projet déjà opérationnel — avec des avancées mesurables

Finance Watch ne se limite pas à une vision.
Elle agit, influence, fédère et transforme.

Résultats obtenus :

  • Création d’une coalition de plus de 130 experts de la société civile
  • Animation de la campagne internationale One for One
  • Mobilisation mondiale autour du Manifeste de Bâle (BRI 2023)
  • Plans de transition prudentiels obligatoires pour les banques européennes
  • Mandat des superviseurs sur l’intégration ESG dans la réglementation
  • Amélioration de la fonction de dommage dans les scénarios NGFS (Phase V)

Chaque avancée rapproche d’un système financier qui anticipe le climat au lieu de le subir.

Pourquoi cette réforme pourrait devenir un tournant historique

Parce qu’elle attaque le problème à la racine.
Et parce qu’elle aligne les incitations.
Parce qu’elle fait du risque climatique un facteur de capital.

Si le risque coûte plus cher, le capital se déplace.
Et si le capital se déplace, la transition s’accélère.
Si la transition s’accélère, nous réduisons l’ampleur du choc futur.

C’est un cercle vertueux simple — mais structurant.

Finance Watch ne propose pas un outil de communication.
Elle propose une infrastructure réglementaire de stabilité future.

 En savoir plus

 Site web : https://www.finance-watch.org/
Vidéo : https://youtu.be/uFaQs9XCvus?si=icE7PeG7GAXJmpv6&t=116

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