Gestion d’actifs en Europe : une consolidation sous tension

Gestion d’actifs en Europe

La gestion d’actifs en Europe est à la croisée des chemins. Alors que certaines opérations spectaculaires laissent penser que l’industrie vit une phase de concentration intense, la réalité peinte par le dernier rapport de Morningstar est bien plus nuancée. Si les grandes manœuvres comme le rachat d’AXA IM par BNP Paribas ou la potentielle fusion entre Natixis IM et Generali Investments attirent les projecteurs, l’analyse des 100 principaux gestionnaires d’actifs européens révèle un mouvement plus diffus, prudent et parfois inefficace. Plutôt que de suivre une tendance massive à la consolidation, la majorité des acteurs privilégie encore la croissance organique. Cet article vous propose une immersion approfondie dans les stratégies de développement à l’œuvre, leurs résultats, leurs limites et les perspectives d’avenir du secteur.

Croissance organique vs fusions-acquisitions : deux visions opposées du développement

Les gestionnaires d’actifs en Europe se divisent en trois catégories selon Morningstar : les Développeurs Organiques (55 sociétés), les Consolidateurs (28) et les Acquéreurs Opportunistes (16). Cette classification révèle une tendance claire : la préférence pour une croissance organique reste majoritaire. Loin de se livrer à des fusions à grande échelle, les entreprises favorisent l’expansion par l’élargissement de leurs gammes de produits, l’amélioration de l’efficacité opérationnelle et l’innovation.

Lorsqu’elles optent pour des opérations de fusion ou d’acquisition, celles-ci sont le plus souvent de petite envergure. Les grandes transactions de transformation restent rares, signe d’une consolidation timide et ciblée, davantage dictée par des objectifs stratégiques spécifiques que par une dynamique sectorielle globale.

Les promesses non tenues de la consolidation

Les arguments en faveur des fusions sont bien connus : économies d’échelle, accès rapide à de nouveaux marchés, acquisition de compétences spécialisées, notamment dans la gestion d’actifs en Europe alternatifs ou durables. En théorie, ces avantages devraient accroître la compétitivité. En pratique, les résultats sont souvent décevants.

Le rapport souligne que les fusions n’apportent que rarement une amélioration notable des performances d’investissement ou une baisse des coûts pour les clients. Pire encore, elles s’accompagnent fréquemment de défis structurels majeurs : chocs culturels, complexité managériale, perte de talents, rationalisation forcée de produits et effets d’échelle pouvant nuire à la performance.

Ces perturbations internes détournent les équipes de leur mission principale : générer de la valeur pour les clients. Morningstar note d’ailleurs une dégradation de la note du pilier « Société » chez les consolidateurs, preuve que les fusions ne riment pas toujours avec amélioration du service client ou de la gouvernance.

Des fusions emblématiques, mais des bilans mitigés

Trois cas emblématiques illustrent les limites de la consolidation en Europe : Amundi, Janus Henderson et Aberdeen. Si Amundi a su maintenir des flux nets positifs après ses fusions, les deux autres ont connu d’importantes sorties d’actifs et des dépréciations comptables. Aucune de ces grandes fusions n’a significativement amélioré la rentabilité.

La réussite d’une opération de fusion repose sur un alignement stratégique rigoureux, une tarification juste et une exécution sans faille. Ces critères, rarement réunis, invitent à une grande prudence et posent la question de la pertinence des opérations de croissance externe, comparées à un développement plus patient et maîtrisé.

Performance des fonds : une homogénéité surprenante entre les modèles

En analysant les performances des fonds et la gestion d’actifs en Europe ayant survécu et surpassé leurs équivalents passifs entre 2019 et 2024, Morningstar constate une homogénéité frappante entre les trois groupes stratégiques. Que la croissance soit organique ou issue de fusions, les résultats restent similaires, tant pour les actions que les obligations.

Cela remet en cause l’idée selon laquelle les fusions boosteraient nécessairement la performance. En réalité, la consolidation semble avoir peu d’impact direct sur les rendements offerts aux investisseurs.

Tarification et frais : la vraie pression vient du marché, pas des fusions

La baisse des frais de gestion, en particulier dans les fonds passifs, s’explique davantage par la concurrence intense que par d’éventuelles économies d’échelle liées aux fusions. Tous modèles confondus, les structures tarifaires tendent à converger, et les sociétés de gestion doivent se différencier autrement qu’en grossissant.

Il apparaît que la stratégie de développement, qu’elle soit interne ou externe, influence peu les niveaux de frais. Ce sont plutôt le positionnement commercial, la valeur ajoutée perçue et la spécialisation produit qui dictent la tarification.

Vers un nouveau modèle : innovation, numérique et orientation client

Pour les analystes de Morningstar, l’avenir appartient aux acteurs capables de se réinventer. Les sociétés axées sur l’innovation technologique, la digitalisation des services et la personnalisation des solutions semblent mieux armées pour affronter les défis du marché.

La consolidation, bien que toujours d’actualité, ne doit pas être vue comme une fin en soi. Dans un secteur marqué par la pression sur les marges, les transformations réglementaires et l’évolution des attentes des investisseurs, ce sont les stratégies agiles, adaptatives et centrées sur le client qui s’imposeront.

Le secteur européen de la gestion d’actifs

La consolidation du secteur européen de la gestion d’actifs n’est ni un phénomène massif ni une garantie de performance. Derrière les annonces tapageuses, la réalité est plus prudente, fragmentée, parfois inefficace. La majorité des sociétés privilégient une approche organique, centrée sur l’innovation, la proximité client et l’amélioration continue. Le futur de l’industrie ne se jouera pas dans les salles de conseil d’administration, mais dans la capacité des gestionnaires à s’adapter à un marché en mutation rapide, où la taille ne suffit plus à faire la différence.

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