« Inflation Reduction Act » est une évolution majeure de la politique américaine en matière de lutte contre le changement climatique. Elle pourrait réduire les émissions américaines de 40%. En quoi consiste-t-elle exactement et pourquoi revêt-elle autant d’importance ?
Par les spécialistes « climat » de Schroders.
La loi sur la réduction de l’inflation
« La loi sur la réduction de l’inflation vise à lutter contre l’inflation par le biais de politiques qui réduiraient le coût de l’énergie ainsi que le déficit fédéral. Elle devrait générer environ 790 milliards de dollars de recettes et d’économies grâce à un nouvel impôt minimum sur les sociétés, un meilleur recouvrement de l’impôt et la réforme des médicaments sur ordonnance. En plus des dépenses de santé, 369 milliards de dollars sont alloués aux priorités en matière d’énergie et de changement climatique. » Marina Severinovsky, Responsable du développement durable pour l’Amérique du Nord chez Schroders.
L’importance de la loi dans la lutte contre le changement climatique
« Le projet de loi vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % par rapport aux niveaux de 2005. Il contribuera également à réduire l’impact des risques climatiques physiques et de l’inflation à moyen terme. Les événements climatiques extrêmes sont devenus plus fréquents et plus déstabilisateurs en raison de la hausse des températures, engendrant des pertes économiques et des fluctuations de prix, notamment des prix alimentaires », Irene Lauro, économiste de Schroders spécialisée dans l’environnement.
« En encourageant la transition vers les énergies propres, le projet de loi contribuera à protéger l’économie des fluctuations des prix du pétrole et du gaz, réduisant ainsi la volatilité de l’inflation énergétique. »
« Le projet de loi renforce et étend le soutien aux énergies renouvelables et introduit un certain nombre de nouvelles subventions pour soutenir les technologies climatiques naissantes telles que le stockage d’énergie et l’hydrogène vert. Le projet de loi contient également des mesures de politique industrielle qui favorisent la construction de chaînes d’approvisionnement en technologies propres aux États-Unis ainsi qu’au sein des pays ayant un accord de libre-échange avec eux. » Isabella Hervey-Bathurst, analyste spécialisée dans le changement climatique chez Schroders.
« En tant qu’investisseur, cette législation a deux principaux apports. Tout d’abord elle va apporter davantage de prévisibilité et de sécurité juridique aux entreprises opérant aux Etats-Unis, alors qu’il régnait une certaine incertitude notable depuis quelque temps, entraînant des retards et des perturbations dans la réalisation de certains projets. » Alex Monk, gérant de fonds axé sur la transition énergétique.
« Ensuite, le projet de loi va clairement avoir un impact positif sur les bénéfices des entreprises du secteur de la transition énergétique tels que le solaire, l’éolien, le stockage, l’hydrogène, ou certaines parties de la chaîne d’approvisionnement. Autant de secteurs qui ont vu leur activité freinée ces dernières années. »
« Nous tenons toutefois à souligner que, même si ces mesures sont clairement positives, la politique n’est qu’un des moteurs de la transition énergétique et que d’autres forces sont en jeu. L’énergie solaire résidentielle, par exemple, n’a pas du tout été touchée par le blocage de la politique et la demande est restée très forte. Cela s’explique par les forces sous-jacentes de la demande des consommateurs et de la rentabilité. »
« Nous tenons également à souligner qu’il est crucial de rester mesuré sur les valorisations lors de l’évaluation des entreprises dans le cadre d’un investissement. Nous pensons qu’il est important de s’assurer que nous investissons toujours dans des entreprises de qualité, avec des pratiques de durabilité solides, à des valorisations raisonnables. »
L’impact de cette loi sur les investisseurs
« Il est clair qu’il existe un lien direct entre l’extension des programmes de crédit d’impôt à la production et à l’investissement, qui ont été couronnés de succès, et les usines physiques qui seront construites dans tout le pays au cours de la prochaine décennie. Il s’agit d’activités à forte intensité de capital qui nécessiteront un investissement direct dans ce qui sera un remodelage de l’approvisionnement en électricité aux États-Unis. » David Boyce, Responsable US de Greencoat Capital, l’un des principaux gestionnaires d’investissements dans les énergies renouvelables, détenu à 75% par Schroders.
« La longévité du contenu de la loi est également essentielle. En s’inscrivant sur le long terme, elle devrait donner davantage d’assurance aux capitaux privés pour se concentrer sur ce secteur et penser non seulement aux projets qui seront construits, mais aussi au développement de ces actifs et des technologies qui les alimentent. Cela devrait également encourager les investissements dans la production nationale d’équipements. »
« La loi sur la réduction de l’inflation impose un impôt minimum de 15% aux sociétés américaines dont les bénéfices comptables dépassent un certain seuil. Cette disposition devrait avoir un impact sur les grandes sociétés qui ont précédemment déclaré des revenus élevés dans leurs états financiers, mais qui ont considérablement réduit – voire éliminé – leurs obligations fiscales en espèces. » Mark Lacey, gérant spécialisé dans la transition énergétique.
« D’autres parties de la loi sur la réduction de l’inflation qui ont un impact sur les producteurs de pétrole et de gaz conventionnels comprennent des crédits d’impôt importants pour le captage conventionnel du carbone (passant de 50 $/tonne à 85 $/tonne), le captage direct du carbone dans l’air, ainsi que des crédits pour l’hydrogène et les biocarburants. »
« Pour les grandes sociétés intégrées, le fait que la loi comprenne des crédits d’impôt pour le captage du carbone, les biocarburants et l’hydrogène est en fait un avantage net pour elles et leur fournit maintenant une bonne plateforme pour accélérer leurs plans d’investissement dans les énergies renouvelables. »
« Cependant, les petites sociétés indépendantes d’exploration et de production (E&P) sont beaucoup plus exposées à l’Impôt Minimum de Remplacement de 15 % et aux coûts de location plus élevés. Et certaines sont très exposées au projet de la législation d’imposer une taxe initiale de 900 $ par tonne de méthane excédentaire émis par de nombreuses installations, notamment les puits, les équipements de traitement, les réservoirs de stockage et les pipelines. »
« Les sociétés E&P établies paient déjà des taxes en espèces et ont déjà intensifié leurs efforts pour détecter et réparer les fuites de méthane en prévision des réglementations à venir de l’Agence de protection de l’environnement. »
« Toutefois, plus de 35% de la production américaine de pétrole et de gaz à terre provient encore de plus de 15 000 petits opérateurs privés indépendants. Ce sont ces entreprises qui, selon nous, vont supporter l’impact financier total de la nouvelle législation. »
Pouvait-on s’attendre à ce que ce projet soit approuvé ?
« Malgré les hauts et les bas de la législation antérieure et le vote partisan de la loi, le fait est que les énergies renouvelables bénéficient d’un large soutien aux États-Unis. De nouveaux projets éoliens et solaires sont construits dans tout le pays, sources d’investissements en capital, d’emplois, de taxes foncières et de stimulus économique pour les communautés, aussi bien dans les États républicains que démocrates. » David Boyce.