Quelques points de repères sur la pêche et l’aquaculture, et des sources pour aller plus loin. Globalement les choses ne se passent pas de la meilleure des manières. Depuis 1960 la consommation mondiale de poissons croît de 3,2 % par an, soit deux fois plus vite que la population mondiale.
La consommation mondiale de poissons , un record historique
Depuis 1990 la consommation de poissons sauvages stagne sauf qu’elle stagne à un niveau qui reste insoutenable. D’après la FAO, environ 18 % des stocks de poissons étaient surpêchés dans les années 80, contre 35 % de nos jours.
La production totale de la pêche et de l’aquaculture a atteint un record historique de 214 millions de tonnes en 2020, comprenant :
- 178 millions de tonnes des animaux aquatiques
- 36 millions de tonnes d’algues.
La production d’animaux aquatiques représente une croissance de 0,2 pour cent par rapport à 2019 et une baisse de 0,6 pour cent par rapport au précédent record de production de 2018. Cela est dû à une baisse de 4,4 pour cent des pêches de capture en 2019 par rapport à 2018, et à 2 autres diminution en pourcentage en 2020, causée par les impacts de la pandémie de COVID-19 et d’autres facteurs. Néanmoins, la pêche de capture reste globalement stable et le total 2020 est proche de la production annuelle moyenne 1995-2020.
Malgré le déclin des pêches de capture, l’aquaculture a continué d’afficher une croissance au cours des deux dernières années, bien qu’à un rythme annuel plus lent. En conséquence, la production d’animaux aquatiques directement utilisés pour la consommation humaine a atteint 157 millions de tonnes en 2020, la deuxième plus élevée jamais enregistrée.
Production des pêches de capture
En 2020, la production mondiale des pêches de capture était de 90,3 millions de tonnes, soit une baisse de 4,0 % par rapport à la moyenne des trois années précédentes.
La baisse est très probablement due à la perturbation des opérations de pêche causée par la pandémie de COVID-19, à la réduction continue des captures de la Chine ( 10 % de moins en 2020 par rapport à la moyenne des trois années précédentes ) et à une réduction des fluctuations naturelles. prises d’anchois.
En 2020, ces producteurs représentaient près de 49 % de la production mondiale totale de capture : Chine, Indonésie, Pérou, Inde, Fédération Russe, les États-Unis d’Amérique et Vietnam.
Surpêche : les chiffres qui font mal
D’après le WWF, l’abondance des espèces marines de poissons a diminué de 39 % en seulement 40 ans.
À l’échelle du globe, la surpêche fait partie des plus graves menaces pesant sur la santé des mers et de leurs habitants. Parallèlement, elle affecte aussi directement de nombreux individus, à commencer dans les pays en voie de développement. Le fait que chaque jour, d’innombrables tonnes de poisson soient prélevées dans la mer à un rythme malheureusement très supérieur à celui de la reconstitution naturelle des stocks s’apparente à un véritable pillage des océans de la planète. Un aperçu de la triste réalité :
- aujourd’hui, chaque personne mange en moyenne 19,2 kg de poisson par an, soit environ deux fois plus qu’il y a 50 ans
- en 2013, environ 93 millions de tonnes de poisson ont été capturées dans le monde
- les pratiques de pêche actuellement privilégiées sont responsables d’environ 38,5 millions de tonnes de prises accessoires chaque année
- rien qu’au cours des 40 dernières années, les populations d’espèces marines ont enregistré un déclin de 39 %
- les stocks halieutiques exploités par les êtres humains aux fins de subsistance ou de commercialisation ont reculé de 50 % entre 1970 et 2010
- selon les estimations, la pêche illégale et non réglementée représente entre 11 et 26 millions de tonnes, soit 12 à 28 % de la pêche dans le monde
- près de 30 % des stocks halieutiques pêchés commercialement sont surexploités
- plus de 60 % des stocks halieutiques sont pleinement exploités
- dans l’Atlantique Nord-Est et les mers avoisinantes, 39 % des stocks halieutiques sont classés comme surexploités. En mer Méditerranée et en mer Noire, les données suffisantes disponibles au sujet de 85 stocks montrent que 88 % d’entre eux ( soit 75 ) sont surexploités
- l’Union européenne est le premier importateur de poisson au monde
- plus de 50 % des importations sont issues des pays en voie de développement.
L’aquaculture dérègle les chaines trophiques
On n’est toujours pas passés en-dessous de la limite planétaire, mais on en franchit aussi de nouvelles, en raison de la forte croissance de l’aquaculture, qui représente désormais la moitié des poissons consommés.
D’après l’article des Echos, l’aquaculture reste trop dépendante de poissons sauvages pour nourrir les poissons d’élevage. Les principaux producteurs se procurent de la « matière brute » en Afrique de l’Ouest et Amérique latine où ils mettent en péril la sécurité alimentaire et la santé des écosystèmes par des pratiques de pêche non durables et par la pollution des usines de farine de poisson.
Les principaux producteurs de nourriture dont Biomar, Skretting, Mowi ( anciennement Marine Harvest ) et Cargill Aqua Nutrition ( 3,2 milliards de dollars bénéfice d’exploitation ajusté en 2018, l’une de ses meilleures performances financières ), se procurent de la « matière brute » dans les pays d’Afrique de l’Ouest et d’Amérique latine où ils « mettent en péril la sécurité alimentaire et la santé des écosystèmes par des pratiques de pêche non durables et par la pollution que génèrent les usines de farine de poisson ».
Les experts estiment qu’en 2030 la production de farine de poisson sera supérieure de 19 % à son niveau de 2016. Ce marché qui représentait 6 milliards de dollars ( 5,3 milliards d’euros ) en 2017 devrait « peser » 10 milliards de dollars ( 8,9 milliards d’euros ) d’ici à 2027.
Selon la Changing Markets Foundation, non seulement « 90 % de la ressource sauvage actuellement prélevée pourrait être directement consommée par l’homme », mais un frein doit être mis à l’aquaculture intensive qui produit aussi des effets négatifs sur le bien-être des communautés côtières vulnérables. Les experts de l’Institut du développement durable et des relations internationales ( Iddri ) ont mis en évidence sa responsabilité, notamment celle des élevages de crevettes, dans la disparition de 35 % des mangroves de la planète en deux décennies , voire plus de 70 % dans certaines régions comme l’Asie.
État des populations de poissons en France
Quid de la France ? Si l’on met de côté l’aquaculture, les choses vont mieux. En 2021, d’après l’IFREMER 56 % des volumes de poissons pêchés en France sont issus de populations exploitées durablement, contre 15 % il y a 20 ans. Mais la surpêche touche encore 11 % des populations, et 10 % sont considérées comme effondrées ( merlu en Méditerranée, cabillaud en Mer du Nord et Mer Celtique ).
Cependant, la France importe désormais 66 % de ses besoins. Malgré le fait que l’Hexagone soit bordé de côtes, les deux tiers des poissons que nous consommons sont d’origine étrangère. Cela est notamment dû au fait que saumons, thons, crevettes sont de plus en plus appréciés par les Français.
C’est en tout cas ce qu’explique Stéphan Beaucher, consultant en politiques publiques de gestion des pêches. « Le saumon fumé est devenu un produit très à la mode, il s’est énormément démocratisé sur ces quatre dernières décennies », étaye-t-il. « Il y a un engouement au niveau des besoins en protéines non grasses et d’oméga 3, plébiscités par la presse féminine et les régimes minceurs », poursuit Stéphan Beaucher.
Ces espèces « à la mode » sont issues d’élevages en aquaculture, un secteur dans lequel la France n’est pas performante, pour des questions de partage d’espaces littoraux. Mais pour le reste des poissons, le pays est également à la traîne, pour des raisons climatiques et de gestion des stocks. « Le Danemark et le Royaume-Uni sont des pays où les eaux sont froides », avance Stéphan Beaucher. « Et plus les eaux froides, plus elles sont poissonneuses. »
« D’autre part, il se trouve que les deux pays au monde qui gèrent mieux leurs stocks de cabillaud, sont l’Islande et la Norvège », enchaîne-t-il en prenant pour exemple l’un des poissons sauvages les plus consommés. « Or, ces pays-là gèrent depuis le XIXᵉ siècle leurs stocks de cabillaud. En France en revanche, c’est très, très récent. C’est apparu avec la politique commune des pêches, il y a trente ans » , résume le consultant.
Le poisson local est certes à privilégier, étant donné que sa pêche est souvent plus respectueuse de l’environnement, car les émissions de CO2, liées à son transport, sont réduites. Mais, étrangers ou pas, les produits de la mer sont à consommer avec modération. Leurs stocks sont en effet limités et il ne faut pas en abuser pour laisser les écosystèmes se régénérer naturellement.
Un risque d’effondrement global de la biodiversité marine
Donc c’est vraiment pas terrible. Enfin, que ce soit en France ou ailleurs, il y a un risque d’effondrement global de l’ichtyofaune et plus généralement de la biodiversité marine en raison de points de bascule liés au réchauffement, à l’acidification, à la désoxygénation et à la stratification des océans. Mondiale
La définition des « points de bascule climatiques » par le Giec est le seuil à partir duquel un changement dans les propriétés d’un système déclenche une réorganisation du système vers un nouvel état, souvent de manière non-linéaire, sans revenir à son état initial. Mondiale
Les points de bascule climatiques sont le plus souvent associés à des événements singuliers aux impacts catastrophiques. Certains recevant particulièrement de l’attention sont généralement jugés comme ayant une faible probabilité de survenir avant 2100, comme l’arrêt du Gulf Stream ou la désintégration rapide de la calotte polaire Ouest-Antarctique, qui provoqueraient tous deux une sacrée pagaille. Mondiale
Cet article suggère que des événements à fort impact et à forte probabilité comme le réchauffement, l’acidification et la désoxygénation de l’océan sont certes plus fragmentés régionalement et dans le temps, mais impactent la planète de manière globale en s’additionnant. Ces points de bascule devraient être pris tout autant au sérieux, de manière à avoir une vision complète des risques climatiques concourant au cocktail potentiellement explosif auquel nous avons affaire, et de l’intérêt de se sortir les doigts du fion (vulgarisation de ma part, mais c’est l’idée, sans exagération ). Mondiale
Le réchauffement, l’acidification et la désoxygénation de l’océan présentent le potentiel de déclencher des changements brutaux de l’environnement océanique, avec des conséquences dramatiques pour la vie marine. A ces évolutions rapides se superposent des événements ponctuels désastreux comme les canicules océaniques, l’hypoxie de milieux côtiers, ou des acidifications liés à des forts épisodes de remontée d’eau. Mondiale
Certains basculements sont déjà visibles. Cela comprend pas exemple des changements d’un état de sursaturation vers un état de sous-saturation de formes minérales de carbonate de calcium utiles à la formation de coquilles de nombreux organismes marins à la base des chaines trophiques des océans. Ou encore des formations de « zones mortes » hypoxiques.