Alors que les agences de notation se préparent à ajuster la note de la France, les marchés financiers semblent déjà avoir pris de l’avance. En effet, la situation économique et budgétaire du pays se dégrade rapidement, entraînant une hausse significative des taux d’intérêt et un rapprochement inquiétant avec des pays plus risqués de la zone euro, comme l’Italie.
Depuis quelques mois, la France fait face à une dégradation rapide de sa situation sur les marchés financiers, qui dépasse celle prédite par les agences de notation. Alors que Moody’s s’apprête à réviser sa note pour le pays, les investisseurs ont déjà commencé à traiter la dette française comme celle d’un pays bien plus risqué. Ce phénomène s’accompagne d’une hausse des taux d’emprunt, rendant la dette de la France plus coûteuse, et creuse l’écart avec des voisins européens comme l’Espagne et le Portugal.
Une dégradation plus rapide que prévue par les agences de notation
Les agences de notation jouent un rôle clé dans l’évaluation de la santé économique d’un pays, mais les marchés financiers semblent aujourd’hui précéder leurs annonces. Deux semaines après que Fitch a abaissé la perspective de la France à négative, Moody’s pourrait suivre en dégradant la note de Aa2 à Aa3, ou au moins en ajustant la perspective à la baisse. Toutefois, sur les marchés, la situation est déjà perçue comme pire.
Les taux d’emprunt à 10 ans de la France se rapprochent de ceux de l’Italie, traditionnellement considérée comme un pays à risque plus élevé. En effet, l’écart entre les obligations françaises et italiennes, qui était de 90 points de base en juin 2024, est tombé à 50 points de base à la fin de l’été. Cette réduction témoigne d’un alignement croissant des risques perçus entre ces deux pays, malgré la meilleure note de la France.
L’écart de taux avec l’Allemagne : un indicateur trompeur
À première vue, l’écart de taux entre la France et l’Allemagne reste modéré, autour de 75 points de base. Pourtant, cette apparente stabilité est trompeuse. En réalité, les investisseurs internationaux commencent à classer la France parmi les pays les plus risqués de la zone euro, tels que l’Espagne ou l’Italie. La compression des écarts de taux entre les pays moins bien notés et l’Allemagne ne profite pas à la France, qui voit ses coûts d’emprunt dépasser ceux de ses voisins ibériques.
Cette tendance s’est accentuée à partir de septembre 2024, lorsque les taux français ont dépassé ceux de l’Espagne. Désormais, les coûts d’emprunt à 10 ans de la France dépassent de 30 points de base ceux du Portugal, une situation qui aurait semblé improbable il y a encore quelques mois.
Les défis de la gestion budgétaire française
Le manque de crédibilité des prévisions budgétaires françaises est un facteur clé de cette dégradation. Michel Barnier, ministre des Finances, s’est fixé pour objectif de réduire le déficit public de 6 % du PIB en 2024 à 5 % en 2025, avec un retour à 3 % en 2029. Cependant, les décisions gouvernementales et les débats à l’Assemblée nationale laissent peu d’espoir de voir ces objectifs atteints. Le Fonds monétaire international (FMI) a récemment alerté sur le risque d’un dérapage budgétaire, estimant que sans mesures correctives, le déficit pourrait encore atteindre 5,9 % en 2025.
Ce manque de maîtrise budgétaire a des conséquences directes sur la perception des marchés. Ces derniers traitent déjà la France comme un pays à faible crédibilité financière, une situation renforcée par les difficultés structurelles à réduire les dépenses publiques.
Un risque croissant de rapprochement avec l’Italie
L’un des scénarios les plus préoccupants pour la France serait de suivre une trajectoire similaire à celle de l’Italie, qui lutte depuis des années contre des taux d’emprunt élevés. Pour l’instant, la France bénéficie d’une liquidité importante sur les marchés grâce à la gestion rigoureuse de sa dette et à la forte demande pour les obligations assimilables du Trésor (OAT). Toutefois, si les risques associés à la France continuent de se rapprocher de ceux de l’Italie, elle pourrait perdre ce statut privilégié et voir ses coûts d’emprunt augmenter drastiquement.
La liquidité de la dette française est un atout, mais cet avantage pourrait rapidement s’estomper. Environ 75 % de la dette allemande, considérée comme la plus sûre en Europe, est détenue par des banques centrales, ce qui en fait une ressource rare pour les investisseurs. En conséquence, ces derniers se tournent vers la dette française. Cependant, si la France est perçue comme aussi risquée que l’Italie, les investisseurs pourraient exiger des rendements plus élevés, augmentant encore la pression sur les finances publiques françaises.
Une situation à surveiller de près
La détérioration de la position de la France sur les marchés financiers est un signal inquiétant pour l’avenir. Si les agences de notation sont encore prudentes dans leurs évaluations, les investisseurs semblent déjà avoir pris acte de la fragilité croissante de l’économie française. Sans une gestion budgétaire plus rigoureuse et des réformes structurelles, la France risque de se retrouver dans une situation comparable à celle de l’Italie, avec des conséquences lourdes sur sa capacité à emprunter à des conditions favorables.
A lire aussi : Loin d’être médiocre