
Les régulations croissantes compliquent la cotation en bourse, réduisant son attractivité au profit du non coté. Gestion passive, obligations administratives et restrictions d’investissement creusent un capitalisme à deux vitesses. Pour relancer la Bourse, il faut alléger les contraintes des entreprises cotées et préserver une gestion active performante.
Une citation qui en dit long
« Qui aimerait être une société cotée en bourse aujourd’hui ? » Cette question posée par David Solomon, PDG de Goldman Sachs, illustre bien la problématique actuelle. Ironique venant d’un acteur majeur des introductions en bourse, elle traduit pourtant une réalité : les marchés non cotés connaissent une ascension fulgurante, tandis que les entreprises affichent un intérêt décroissant pour la cotation.
Ce constat est partagé par Jamie Dimon, PDG de JP Morgan, qui souligne la diminution drastique du nombre d’entreprises cotées aux États-Unis. En 1996, elles étaient 7 300 ; aujourd’hui, il n’en reste plus que 4 300.
Des régulations qui étouffent les marchés cotés
Derrière cette évolution, les régulateurs jouent un rôle clé. En imposant des règles de plus en plus contraignantes, ils ont freiné l’attrait des investisseurs pour la bourse. Plusieurs facteurs ont contribué à cette situation :
- Une réglementation excessive qui impose des exigences de reporting très lourdes aux entreprises cotées.
- Une évolution des normes comptables qui accentue la volatilité des résultats trimestriels.
- Des obligations de solvabilité qui favorisent les investissements obligataires au détriment des actions.
Après l’éclatement de la bulle TMT en 2000, ces contraintes ont conduit les assureurs à réduire leur exposition aux actions pour privilégier les obligations, tandis que l’investissement en private equity s’est intensifié.
Une contrainte croissante pour les entreprises
Pour les entreprises, être cotée en bourse est devenu un défi. Les contraintes administratives et réglementaires se sont accrues depuis la crise financière de 2008. Par exemple, le Say on Pay a rendu publiques les rémunérations des dirigeants, limitant leur flexibilité en matière de rémunération. Dans le même temps, les rapports annuels sont devenus de véritables pavés, parfois trois à quatre fois plus volumineux qu’il y a vingt ans.
Le contraste avec les entreprises non cotées est frappant : elles bénéficient d’une plus grande souplesse, aussi bien dans leur gouvernance que dans leur allocation de capital. Cette situation rend les marchés boursiers de moins en moins attractifs.
La montée en puissance de la gestion passive
Un autre facteur clé affaiblissant les marchés cotés est la montée en puissance de la gestion passive. Aujourd’hui, elle représente plus de 50 % des encours actions aux États-Unis et près de 40 % en Europe. Cette gestion, basée sur des indices, réduit l’impact des introductions en bourse et crée un effet d’automatisation des décisions d’investissement, déconnectant les actionnaires des entreprises qu’ils détiennent.
De plus, ces fonds suivent souvent les recommandations de grandes agences de vote américaines, sans analyse approfondie des entreprises concernées, ce qui limite leur rôle actif dans la gouvernance.
Vers un capitalisme à deux vitesses
Historiquement, les marchés boursiers ont été des moteurs de croissance, offrant transparence et accessibilité aux investisseurs. L’épargnant moyen pouvait investir dans des actions cotées, alors que le private equity reste réservé aux investisseurs institutionnels.
Ainsi, si tout le monde peut acheter des actions Nvidia, seuls quelques privilégiés peuvent investir dans OpenAI ou SpaceX. Cette fracture crée un capitalisme inégalitaire, où seuls certains investisseurs ont accès aux opportunités les plus rentables.
Même si certaines évolutions législatives favorisent désormais le private equity dans les contrats d’assurance vie en gestion pilotée, l’offre reste limitée et les meilleurs fonds demeurent inaccessibles au grand public.
Que faut-il changer ?
Pour rééquilibrer la situation, les régulateurs doivent agir en priorité sur deux aspects :
- Réduire la complexité administrative : alléger les obligations des entreprises cotées afin de les rendre plus attractives.
- Favoriser une gestion active efficace : garantir que les marchés cotés remplissent leur rôle premier, celui de dynamiser l’économie en assurant une allocation du capital optimale et transparente.
Si rien n’est fait, la bourse continuera à perdre en attractivité, au profit d’un système plus opaque et moins accessible à tous.
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