Le risque matériel, un retard à rattraper

Bien que conscientes du risque, les institutions financières peinent encore à prendre en compte les conséquences du changement climatique sur leurs activités de prêt ou de gestion d’actifs. Les données leur font souvent défaut, comme le précise d’ailleurs Camille Laurens-Villain dans une interview que nous avons récemment publiée.

En janvier dernier, l’énergéticien californien PG&E (Pacific Gaz & Electricity) était tenue responsable d’immenses incendies qui ont emporté une forêt californienne asséchée par le changement climatique. Il a dû se placer en faillite pour échapper à près de 30 milliards de dollars de dédommagements à régler à des centaines de plaignants.

Menaces chroniques vs menaces ponctuelles

Le ClimINVEST est un projet de recherche européen. Il a étudié la façon dont 80 institutions financières européennes prenaient en compte le risque physique associé au changement climatique. Celui-ci dépend de l’impact matériel du changement climatique sur les actifs mais aussi l’activité de leurs contreparties, qu’il s’agisse d’États, de projets ou d’entreprises ; et, un peu plus difficile à évaluer, du poids de ces impacts dans leur propre activité de gestionnaire d’actifs ou de prêteur.

Les participants du projet ClimINVEST observent une prise de conscience qui progresse depuis quelques années, et singulièrement depuis la COP21. « L’intérêt pour le sujet s’étend désormais à d’autres fonctions que les directeurs de développement durable, comme les responsables crédit », en particulier chez les assureurs de catastrophes naturelles.

Mais globalement, la recherche a montré que si plus de la moitié des 80 institutions financières étudiées mentionnent cet enjeu dans leur communication, moins d’un quart mènent une réelle analyse de leur exposition aux risques climatiques physiques. Et lorsqu’elles le font, c’est le plus souvent en recourant à des prestataires externes et avec une approche plus qualitative que quantitative. Le plus souvent, les événements extrêmement ponctuels sont mieux pris en compte que les menaces chroniques. Pourtant, l’impact de celui-ci sur les résultats ou la valorisation d’une entreprise peut s’exercer de multiples façons.

Des données à compléter

La Task Force on climate-related financial disclosure (TCFD) a été mise en place sur le sujet par le Conseil de stabilité financière ou celles du High Level Group on sustainable finance de la Commission européenne. Elle préconise une meilleure communication par les entreprises de la façon dont elles sont exposées à ces risques. Ce qui devrait donc aider les institutions financières à évaluer, à leur tour, l’impact sur leurs propres activités.

Les cas d’étude du projet de recherche ClimINVEST révèlent que les institutions financières françaises auraient besoin d’une montée en compétences sur le sujet. Aux Pays-Bas en revanche, où le secteur financier est aux avant-postes pour identifier des opportunités face aux impacts du changement climatique sur le niveau de la mer, l’accent est mis sur les solutions plus que sur les risques, ce qui créé un cadre de réflexion plus positif autour de ce sujet. Un exemple à suivre ?