Le stade ultime du capitalisme, c’est le communisme… Et vice versa !

Ce trait d’humour évoque toute une époque, celle des années 70 marquées par des débats idéologiques et politiques très engagés… Puis, après la chute du mur de Berlin, la disparition de l’Union Soviétique et la mondialisation, les débats de société ont changé. Mais aujourd’hui, avec la profonde crise économique et après les dernières interventions des puissances publiques, les sujets autour de « l’étatisation » des économies commencent à ressurgir…

Pour tenter de sauver les entreprises dans cette période de récession brutale causée par l’épidémie mondiale du Coronavirus, les gouvernements et les Banques Centrales ont pris les choses en main, et assez rapidement. En zone Euro, cela a été un peu plus compliqué comme souvent. Un plan de soutien a été finalement trouvé, sans toutefois recourir aux Eurobonds, principe de mutualisation des dettes auquel certains pays du Nord de la zone sont encore farouchement opposés. Ce débat se prolongera encore probablement cette semaine à l’occasion du sommet du 23 avril, et des tensions sont probables, ce qui pourrait peser sur l’Euro à court terme. En France, des mesures assez précises ont été prises pour éviter au maximum les faillites, la plus spectaculaire et sûrement la plus importante étant la prise en charge du chômage partiel, qui est en fait une sorte de nationalisation des salaires.


Mais c’est dans le pays le plus idéologiquement capitaliste, les États-Unis, que les mesures les plus importantes en quantité ont été décidées. Un plan de global 2 300 Mds$ a été adopté, alors que le déficit budgétaire était déjà sur une trajectoire de 1 000 Mds$, montant inédit à ce stade du cycle, très avancé après une période de plus de 10 ans de croissance ininterrompue. Par ailleurs, le bilan de la Réserve Fédérale a progressé de 2 000 Mds$ depuis le début de la crise, soit une augmentation de 50 %, à ce stade. Ce qui est nouveau, c’est que la Banque Centrale américaine peut désormais acheter des obligations du segment « High Yield », via des ETF (Exchange Traded Fund). Ceci favorise donc certains émetteurs au détriment d’autres : dans la méthode de calcul des indices sous-jacents aux trackers, les entreprises les plus endettées se retrouvent les plus pondérées, et donc favorisées par les programmes d’achat qui ont totalisé plus de 7 Mds jusqu’à présent. Une nouvelle étape a donc été franchie et elle pose quelques questions. Ce type d’intervention crée des distorsions dans
un marché naturellement peu liquide et fausse le jeu naturel de la détermination des prix, si bien que les gérants et investisseurs fondamentaux peuvent se retrouver dévalorisés.

La prochaine étape possible qui pourrait être franchie par les Banques Centrales serait l’achat d’actions. La Banque du Japon, la plus avancée dans le processus de soutien et de lutte contre la déflation, procède à des achats d’actions japonaises, depuis plusieurs années, via des ETF également. Mais ce faisant, la Banque du Japon est critiquée pour avoir faussé le jeu naturel des marchés et favorisé le maintien en vie d’entreprises « zombies » qui auraient dû disparaître.

Entre jeu naturel du marché et interventions publiques, les frontières sont donc poreuses. Il convient de rester plus pragmatique qu’idéologique. Quand l’économie repartira, il appartiendra aux États de se désengager et de laisser à nouveau le marché libre dans la formation des prix. D’ailleurs, le précédent de 2008 a montré que les Banques Centrales et les États avaient « gagné de l’argent » durant la crise : aux États-Unis, les acquisitions effectuées à travers le programme « Trouble Asset Relief Program » ont été ensuite cédées avec plus-values au global. Idem avec la nationalisation partielle de General Motors.
Reste la question des dettes publiques, de leur valeur et de leur signification. Elles ne pourront pas être remboursées vu les montants atteints, qui dépassent souvent plus de 100 % du PIB désormais. Elles seront « rollées » avec le soutien des Banques Centrales qui en détiennent une grande partie. Doivent-elles être annulées, au moins pour la part détenue par la BCE ? Ce débat commence à émerger. Mais de toute façon, cela revient un peu au même si elles les détiennent jusqu’à échéance. Ces débats idéologiques et de principe continueront. Si nous voulons des finances publiques saines, cela suppose de réduire les dépenses et/ou d’augmenter les impôts, ce qui est impossible actuellement. Et bientôt le débat sur le revenu universel. Pourquoi pas ?

Une analyse d’ OFI AM