Les déterminants économiques des crises sociales en Amérique latine

Après une période de croissance rapide dans les années 2000 (+4,2 % de croissance annuelle en moyenne), les économies d’Amérique latine et des Caraïbes ont fortement ralenti depuis 2011 (+1,3 % par an en moyenne). Ce
ralentissement résulte d’une baisse structurelle de la productivité, conjuguée à un ensemble de chocs conjoncturels, nationaux ou communs à la région (baisse des cours des matières, ralentissement de la demande
chinoise, etc.) qui ont révélé les faiblesses du modèle de croissance et accéléré son obsolescence.

En dépit d’une hausse du niveau de vie qui a bénéficié à l’ensemble des couches de la population et permis une réduction de la pauvreté (entre 2000 et 2018, 12,4 % de la population sont sortis de la pauvreté et 7,8 % de la
pauvreté extrême), les inégalités économiques restent très fortes : en 2018, en Amérique latine et Caraïbes, les cinq premiers déciles de la distribution des revenus n’en perçoivent que 17 %. Les retournements de cycle
peuvent donc faire repasser une large partie de la population dans la pauvreté. À cela s’ajoutent d’autres formes d’inégalités , en particulier entre territoires urbains et ruraux en ce qui concerne l’accès aux services publics
(énergie, santé, éducation, infrastructures), qui s’exacerbent dans le contexte d’un ralentissement marqué de la croissance et de faibles marges de manœuvre budgétaires pour soutenir l’économie et réduire les inégalités. Il en a résulté en 2019 divers mouvements de contestation dans la région.

La crise du covid-19 frappe particulièrement l’Amérique latine et les Caraïbes et risque de compliquer l’équation. Outre les effets négatifs
des mesures de confinement sur l’offre et la demande domestique, les pays de la région souffrent de la baisse de la demande extérieure via (i) la baisse du prix et de la demande des matières premières et de produits agroalimentaires, (ii) l’effondrement du tourisme, (iii) la contraction sensible des transferts de fonds des migrants, et (iv) des retraits des flux de portefeuille.