
Actions américaines : depuis le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche en janvier 2025, les marchés financiers observent un bouleversement notable dans le comportement des investisseurs. Alors que les ETF (fonds indiciels cotés) d’actions américaines faisaient historiquement figure de valeur refuge pour les épargnants européens, une tendance inverse s’affirme avec force depuis l’annonce choc de nouveaux droits de douane américains le 2 avril. Les sorties nettes de capitaux enregistrées sur ces produits dépassent désormais celles observées durant le krach du COVID-19. Cette réallocation massive des flux souligne l’impact de l’instabilité géopolitique sur les choix d’investissement.
Une réaction immédiate aux nouvelles tensions commerciales
Le 2 avril 2025, Donald Trump annonçait une série de nouveaux droits de douane radicaux, s’inscrivant dans une stratégie assumée de démondialisation. Cette décision a provoqué une onde de choc sur les marchés financiers, en particulier parmi les investisseurs européens détenant des ETF exposés aux actions américaines. En réaction directe, ces produits ont connu des sorties nettes de 4,8 milliards d’euros, un chiffre supérieur à celui du premier trimestre 2020, marqué par le krach boursier lié à la pandémie (-4,3 milliards d’euros).
Ces flux négatifs témoignent de la sensibilité extrême des marchés aux décisions politiques américaines, notamment celles qui remettent en question la fluidité des échanges internationaux. La volatilité accrue, l’incertitude sur les bénéfices futurs des entreprises américaines et la peur d’un ralentissement économique global poussent les investisseurs à se détourner de Wall Street.
Un mouvement de fond amorcé dès le retour de Trump au pouvoir
Si la chute des ETF américains a été amplifiée par l’annonce des tarifs douaniers, elle ne constitue pas un phénomène isolé. Selon Kenneth Lamont, analyste chez Morningstar, ce désengagement est le prolongement d’un retournement de tendance observé depuis janvier 2025. En effet, au premier trimestre de l’année, les ETF européens ont attiré 24,4 milliards d’euros de nouveaux capitaux, contre seulement 8,2 milliards pour leurs homologues américains.
Ce basculement met fin à une domination quasi ininterrompue des produits indexés sur le marché américain depuis plusieurs années. Sur les cinq dernières années, les ETF européens n’avaient surpassé les ETF américains en termes de collecte que lors de deux trimestres. Le changement actuel traduit une méfiance croissante vis-à-vis de la politique économique des États-Unis et une volonté de diversification des portefeuilles.
Reconfiguration des portefeuilles : cap sur l’Europe et les marchés émergents
En parallèle à la fuite des capitaux hors des actions américaines, on assiste à une réallocation significative vers d’autres zones géographiques. Les ETF d’actions européennes ont profité de cette dynamique avec des souscriptions nettes de 1,85 milliard d’euros rien qu’après l’annonce du 2 avril. Les marchés émergents et les fonds mondiaux ont également bénéficié de cette redistribution des flux.
Cette réorientation géographique des investissements s’inscrit dans une logique de recherche de stabilité, de croissance et de diversification. L’Europe, perçue comme moins sujette à des politiques protectionnistes brutales, apparaît comme une alternative crédible. De leur côté, les marchés émergents attirent les investisseurs en quête de rendement, dans un contexte de taux d’intérêt toujours modérés.
Des turbulences aussi sur le marché obligataire
Le choc n’a pas épargné le segment obligataire. Depuis début avril, les ETF obligataires – qu’ils soient américains, européens, mondiaux ou émergents – subissent également des décollectes. C’est la première fois depuis la fin 2016, après la première élection de Trump, qu’un retrait aussi généralisé est observé sur les fonds indiciels obligataires cotés.
Cette réaction s’explique par une double crainte : une reprise de l’inflation, alimentée par la hausse des tarifs douaniers, et un ralentissement potentiel de l’économie mondiale. Les investisseurs, en manque de visibilité, préfèrent sortir temporairement des obligations cotées, quitte à conserver leurs liquidités en attente de nouvelles orientations économiques plus claires.
Une redistribution des cartes qui interroge le marché des actions américaines
La volte-face des investisseurs vis-à-vis des ETF américains révèle une défiance croissante envers l’environnement économique et politique des États-Unis. Alors que l’ère Trump II s’installe, la promesse d’un « America First » semble peser lourdement sur les marchés. À l’inverse, l’Europe et les marchés émergents gagnent en attractivité, bénéficiant d’un climat jugé plus prévisible.
Cette reconfiguration des flux d’investissement interroge sur la résilience du leadership économique américain et invite les investisseurs à repenser leurs stratégies d’allocation d’actifs dans un monde de plus en plus instable.
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