Les marchés obligataires sont en pleine effervescence, portés par un ralentissement du marché du travail américain et des signes clairs de baisse des taux dans plusieurs pays développés. Seul le Japon échappe à cette tendance, tandis que les investisseurs se préparent à des ajustements majeurs dans les mois à venir. À l’approche du dernier trimestre, l’assouplissement monétaire se dessine dans plusieurs économies, influençant les stratégies d’investissement. Cet article analyse les dynamiques actuelles du marché obligataire et les perspectives pour la fin de l’année.
Un nouveau cycle d’assouplissement monétaire
Les chiffres de l’emploi publiés aux États-Unis début août 2023 ont surpris les investisseurs, signalant un ralentissement économique qui a accentué la volatilité des marchés financiers. Ces données, malgré la faible liquidité estivale, ont rapidement tracé la voie pour une première baisse des taux de la Réserve fédérale (Fed). Lors du symposium de Jackson Hole, cette baisse a été confirmée, marquant ainsi le début d’un cycle d’assouplissement monétaire.
Le 19 septembre, la Fed a abaissé son taux directeur de 50 points de base, avec la perspective de nouvelles réductions à venir. Les prévisions, souvent appelées dot plots, projettent un taux directeur entre 4,25 % et 4,5 % d’ici la fin de 2024. Comme l’a précisé Jerome Powell, président de la Fed, les décisions futures ne suivent pas un plan strictement défini et resteront ajustées en fonction de l’évolution du marché de l’emploi, l’un des piliers de son mandat. Cette approche reflète une évolution progressive des priorités de la Fed, passant de la lutte contre l’inflation à la stabilisation du marché du travail.
Les marchés obligataires en surchauffe : une pause en vue ?
Les récentes baisses de taux ont déclenché un fort rallye des marchés obligataires, entraînant des rendements record à court terme. Toutefois, cette dynamique pourrait ralentir dans les semaines à venir. D’un point de vue technique, le marché semble suracheté, et une pause s’impose pour évaluer la situation avant d’effectuer de nouveaux ajustements.
En Chine, par exemple, les rendements des obligations d’État à 10 ans ont atteint des niveaux historiquement bas, flirtant avec les 2,04 %. La Banque populaire de Chine, soucieuse d’une possible crise de liquidité dans le système bancaire, a d’ailleurs averti qu’une baisse excessive des rendements pourrait poser des risques. Pour éviter cette situation, la banque centrale est prête à intervenir directement sur les marchés obligataires. Toutefois, les fondamentaux économiques chinois restent fragiles, avec une faible demande des ménages et une menace croissante de déflation trois ans après l’effondrement de la bulle immobilière.
Le rôle ambigu des matières premières et des signaux économiques
Les marchés des matières premières envoient des signaux contradictoires aux investisseurs. D’une part, les prix de l’énergie, comme le pétrole et le gaz, ont chuté à leurs plus bas niveaux de 2024, malgré les tensions géopolitiques persistantes au Moyen-Orient et en Russie. D’autre part, l’or a atteint un sommet historique, en hausse de 25 % depuis le début de l’année, reflétant l’inquiétude des investisseurs face à une récession potentielle. Ces divergences soulignent l’incertitude quant aux perspectives économiques, tant au niveau régional que mondial.
En parallèle, les courbes de rendement dans les pays développés offrent également des messages contrastés. Aux États-Unis, les taux à court terme surperforment ceux à long terme, reflétant l’intégration des baisses de taux prévues par la Fed. En Europe, des défis politiques, notamment en France et en Italie, continuent de peser sur les marchés obligataires. L’écart entre les obligations françaises et allemandes à 10 ans est resté stable autour de 70 à 75 points de base, tandis que celui de l’Italie a fluctué autour de 140 points de base, reflétant les incertitudes politiques et économiques du pays.
Crédit : des marchés obligataires optimistes mais prudents
Malgré la volatilité observée sur les marchés actions, les marchés du crédit continuent d’afficher un optimisme remarquable. Les spreads de crédit, c’est-à-dire les écarts de rendement entre les obligations d’entreprises et les obligations d’État, sont restés serrés dans presque tous les segments, reflétant la confiance des investisseurs. Le marché primaire du crédit est particulièrement actif, les entreprises se précipitant pour refinancer leur dette à des taux jugés avantageux.
Dans ce contexte, la dette subordonnée, à la fois financière et corporate hybride, a bénéficié de conditions favorables, notamment grâce à la stabilité relative des fondamentaux des émetteurs. Cependant, depuis août 2023, la volatilité accrue sur les marchés actions a commencé à peser sur les performances futures de ces obligations. Les investisseurs, qui avaient surpondéré ces actifs, commencent à prendre des bénéfices et à ajuster leurs prévisions.
D’un autre côté, le marché des obligations high yield, bien que soutenu par des bilans solides et un EBITDA élevé des entreprises émettrices, suscite davantage de prudence. La hausse de la volatilité et les risques de récession incitent les investisseurs à privilégier des échéances plus courtes, de un à trois ans, afin de se protéger contre un éventuel élargissement des spreads.
Les marchés obligataires sont à un tournant décisif, avec des signes clairs d’assouplissement monétaire dans les grandes économies mondiales. Toutefois, la volatilité accrue et les divergences entre les différents segments du marché obligataire et du crédit nécessitent une gestion prudente des portefeuilles d’investissement. Alors que les investisseurs se préparent à des ajustements dans les mois à venir, la dynamique des marchés obligataires, ainsi que les signaux envoyés par les matières premières et les marchés du crédit, resteront des indicateurs clés pour anticiper l’évolution de l’économie mondiale.
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