Les perspectives pour les obligations à long terme

Les rendements nominaux à long terme des obligations peuvent en théorie être calculés à partir des taux réels à court terme auxquels s’ajoute la prime de terme.

La prime de terme varie en fonction de l’augmentation attendue des taux courts

Cette dernière sert pour l’essentiel à rémunérer les investisseurs pour le risque qu’ils prennent en détenant une obligation à échéance lointaine. Lorsque l’inflation est stable, la prime de terme varie en fonction de l’augmentation attendue des taux courts. Ainsi, la hausse du rendement du 30 ans américain, qui est passé de 2,10 à 3,45% entre juillet 2016 et novembre 2018 a résulté pour l’essentiel des perspectives de hausse des taux courts, la Fed ayant alors normalisé ses taux directeurs dans un contexte d’inflation systématiquement inférieure aux attentes. 

Vers des rendements réels durablement négatifs 

Mais dans l’environnement actuel, les anticipations de hausse des taux courts ne devraient pas avoir pour effet d’augmenter la prime de terme. Si l’on construisait une courbe des rendements à partir des échéances les plus courtes (Overnight index swap rates), le rendement du 30 ans américain serait de 1,02% et celui du Bund allemand de même échéance de -0,03%. Le rendement nominal actuel de 1,57% du 30 ans américain devrait permettre de compenser l’inflation attendue durant la période de détention de ce titre. En réalité, ce n’est pas le cas puisque vendredi dernier les prévisions d’inflation sur 30 ans s’établissaient à 1,86%, ce qui correspond à un rendement réel du 30 ans de -0,29 %. Or cette situation va perdurer et risque même de s’aggraver : les rendements réels à 30 ans pourraient tomber encore plus bas, comme cela a été le cas au début des années 1950 puis au cours des années 1970.

Le trou noir des Bunds 

En Europe, les rendements des emprunts d’État à 30 ans de l’Italie, de l’Espagne, du Portugal et de la Grèce sont tombés à des niveaux historiquement bas la semaine dernière. Les BTP italiens à 30 ans ont clôturé à 1,61 % et les rendements des emprunts espagnols et portugais à 30 ans sont tombés en dessous de 1,00 % ! Pour leur part, ceux des emprunts grecs à 30 ans se sont établis à 1,35 %. Or, qui aurait pu envisager que les rendements des emprunts grecs à 10 ans qui avaient franchi la barre des 30% en février 2012, puissent clôturer à 0,86 % vendredi dernier ? Tout ceci témoigne à l’évidence d’une accélération de la convergence des taux à long terme au sein de l’UEM. Le rendement négatif de 10 points de base (pb) des Bunds allemands à 30 ans agit comme un véritable trou noir.  

Ce que disent les marchés 

Comment les marchés ont-ils intégré le scénario d’une victoire écrasante d’un Joe Biden qui disposerait d’une majorité démocrate dans les deux Chambres ? Le rendement du 30 ans a progressé de 8,5 points de base à 1,57%, l’or a gagné 1% à 1930 dollars/once et le dollar s’est affaibli (-0,50% mesuré selon le trade-weighted US Dollar index) alors que la paire EUR/USD a terminé à 1,185. Les anticipations d’inflation à 30 ans ont progressé pour atteindre 1,86 % et donc tenter de franchir la barre des 2,00 % ces prochains trimestres. Une présidence démocrate devrait entraîner une forte hausse des dépenses publiques durant l’année 2021, ce qui s’est déjà traduit par une nette progression des performances de différents segments du marché actions d’une semaine sur l’autre :   énergies renouvelables (+9,5%), infrastructures (+7,2%) et actions chinoises (+5,2%). Or, faut-il le répéter, l’inflation du prix des actifs financiers est un cercle vicieux dans lequel la hausse de la valorisation des actions va de pair avec un intérêt grandissant pour les obligations sans risque et de qualité, assorties d’échéances longues. Néanmoins, la corrélation des performances des obligations et des actions reste clairement négative et les emprunts d’Etat à échéance longue et notés « AAA » diversifient efficacement le risque dans les portefeuilles équilibrés. Cette corrélation négative se trouvera consolidée par une politique monétaire accommodante et des anticipations d’inflation modérées. 

Des banques centrales prisonnières 

En guise de conclusion, les décisions des banques centrales de l’OCDE de maintenir les taux à un niveau très bas ainsi que de continuer à procéder à des achats d’actifs vont se traduire par un déficit d’offre en 2021.

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