L’ hydrogène est-il une solution-clé face aux défis d’aujourd’hui et de demain : une économie bas-carbone serait elle déjà à notre portée ? Identifier les entreprises européenne spécialisées dès maintenant c’est amorcer un premier pas vers des lendemains plus verts.
Face au changement climatique, l’hydrogène peut se révéler être une solution à la transition climatique.
Si l’hydrogène représente moins de 2 % de l’énergie primaire utilisée actuellement au niveau mondial, nous avons observé au cours de ces 18 derniers mois une accélération du développement de la chaine de valeur à un moment où les conséquences du changement climatique continuent de se faire ressentir à l’échelle mondiale. Rappelons ici que le changement climatique nécessite de nombreuses évolutions de ce type, souvent regroupées sous le terme de méga tendance, qui sont des changements profonds de comportements des agents économiques attribuables à des problématiques sociales ou environnementales.
La transition énergétique bénéficie aujourd’hui du soutien des gouvernements européens et la récente vague d’initiatives de la part de plusieurs entreprises, à l’image de Linde et Air Liquide, est un signe de dynamique du secteur privé. Cet engagement n’a rien de surprenant : le Conseil de l’Hydrogène est d’avis que l’hydrogène peut jouer un rôle clé dans l’atteinte des objectifs climatiques définis lors de la Conférence de Paris de 2015.
L’étude « Hydrogen Scaling Up » réalisée par McKinsey révèle qu’en cas de déploiement à grande échelle, ce vecteur d’énergie pourrait à lui seul contribuer à une réduction de 20 % des émissions de CO2 d’ici 2050, ce qui représente une baisse annuelle de 6 Gt des émissions. Toutefois, afin que l’hydrogène produise pleinement ses effets, il est impératif de développer une production d’« hydrogène propre ».
L’hydrogène peut être produit de différentes manières. Aujourd’hui la méthode de loin la plus utilisée est celle du « steamed methane reforming » (ou méthode SMR) qui repose sur l’utilisation de combustibles d’origine fossile. Or en l’absence de captage du dioxyde de carbone, il s’agit malheureusement d’une méthode de production très intense en carbone. Par conséquent, la production d’hydrogène génère environ 0,6 Gt de CO2 chaque année soit 2 % des émissions de CO2 produites au niveau mondial. Pourtant, il existe 3 différentes technologies capables de produire de « l’hydrogène propre » :
1.Électrolyse à partir d’énergie renouvelable : il s’agit du processus consistant à séparer l’hydrogène de l’oxygène grâce à l’utilisation d’électricité (impérativement d’origine renouvelable pour une production « propre »)
2.Gazéification de la biomasse : méthode qui utilise un procédé contrôlé mêlant oxygène, chaleur et vapeur pour convertir la biomasse en hydrogène sans combustion.
3.Le captage et stockage du CO2 (CSC) est une technologie qui extrait environ 90 % du dioxyde de carbone (CO2) à la source et qui le stocke de manière qu’il n’entre pas dans l’atmosphère. Associé à la méthode de production SMR, il peut permettre une production d’hydrogène à très faible intensité carbone.
Ces technologies représentent actuellement 2 % seulement de la production d’hydrogène au niveau mondial. Le rôle joué par chacune d’entre elles variera au niveau régional et sectoriel mais le développement de ces 3 technologies est essentiel pour que l’ hydrogène propre joue un rôle majeur dans la transition énergétique.
L’hydrogène à faible intensité en carbone a donc le potentiel de jouer un rôle majeur dans la décarbonisation des activités fortement émettrices en GES, dont l’industrie, le transport, l’électricité et le chauffage. La vision du Conseil de l’Hydrogène est que l’hydrogène représentera 18 % de la demande finale d’énergie d’ici 2050, ce qui impliquerait une multiplication par 10 de la demande d’hydrogène, à 550 tonnes par an, et donnerait naissance à une industrie de 2 500 milliards de dollars de chiffre d’affaires à l’échelle mondiale.
L’application de l’hydrogène suscitant le plus de débat est l’électromobilité qui procure des avantages environnementaux manifestes. L’hydrogène utilisée par une pile à combustible rend possible la production d’électricité directement à bord d’un véhicule propulsé par un moteur électrique. Ces véhicules à zéro émission n’émettent que de l’eau. Il est clair que jusqu’à présent les véhicules utilisant les batteries automobiles classiques dont le développement commercial a été plus important que celui des véhicules à pile à combustible (sur la base du nombre de modèles disponibles, des ventes cumulées ou du nombre de bornes de recharge). D’après l’étude « 2018 Fuel Cell Industry Review » réalisée par Evtech, seules 11 000 piles à combustible utilisées par le secteur du transport ont été expédiées à l’échelle mondiale. Cela dit, les avantages des véhicules à pile à combustible ne doivent pas être négligés : ces derniers offrent en effet des temps de recharge en moyenne plus rapides que les véhicules électriques à batteries.
Si les batteries pouvaient devancer les piles à combustibles sur le segment des véhicules légers, elles pourraient avoir plus de succès avec les flottes de véhicules et les taxis autonomes par exemple, en raison de leur compétitivité en termes d’autonomie. En outre, la densité de l’hydrogène comparée à celle des batteries électriques en fait une solution intéressante pour l’électrification du transport lourd (trains, bus, transport maritime). Il s’agit d’un secteur qui recèle selon nous le plus fort potentiel de mobilité hydrogène à l’avenir. D’après McKinsey, la demande en faveur de cette mobilité verra le jour dès 2030, avec un potentiel de 10 à 15 millions d’automobiles à hydrogène et 500 000 camions à hydrogène. Au-delà de la mobilité, il existe d’autres applications prometteuses telles que les systèmes de chauffage et d’électricité à base d’hydrogène pour le secteur immobilier.
L’hydrogène a également un rôle important à jouer pour gérer l’écart entre l’offre et la demande d’électricité dans un monde où celle-ci sera de plus en plus produite à partir de sources renouvelables, intermittentes par nature (éolien, solaire). Les électrolyseurs à membrane échangeuse de protons (PEM) permettent une production flexible d’hydrogène lorsque l’offre d’électricité éolienne et solaire est supérieure à la demande. Cette énergie est alors stockée sur longue période pour être utilisée ultérieurement dans diverses applications. Enfin pour certains procédés industriels fortement consommateurs en énergie et en chaleur, telle la production d’acier ou de verre, l’hydrogène peut s’avérer être une manière plus efficace que l’électrification pour décarboniser les processus en question.
Le potentiel de l’hydrogène est donc significatif et plusieurs technologies qui lui sont associées semblent être prêtes à un déploiement à grande échelle. Toutefois, cette opportunité nécessite un soutien politique supplémentaire et des investissements significatifs. Déployer l’hydrogène à grande échelle nécessiterait un investissement de 280 milliards de dollars d’ici 2030 d’après McKinsey, ce qui semble réalisable à condition que les gouvernements utilisent les bons leviers en termes de politiques publiques et d’incitations financières à long terme.
En tant qu’investisseurs responsables, nous considérons l’hydrogène comme une solution-clé face aux défis du changement climatique et à la transition vers une économie bas-carbone. Au sein des actions cotées européennes, il existe très peu d’entreprises spécialisées dans l’hydrogène. Nous cherchons donc à identifier les entreprises impliquées tout au long de la chaîne de valeur et répondant à nos critères financiers. Depuis quelques mois, les cours des actions d’entreprises spécialisées dans les électrolyseurs et les piles à combustible ont enregistré des performances très soutenues. Nous pensons que cette thématique est susceptible de dégager davantage de valeur actionnariale à l’avenir.
Christophe Hautin, gérant chez Allianz Global Investors