Ce pourrait être l’arme magique contre les émissions de gaz carbonique. L’hydrogène vert ne génère en effet aucune émission en amont et ne rejette que de l’eau en aval. Malheureusement, 94 % de l’hydrogène utilisé est produit à partir d’énergie fossile.
Dans le monde, c’est « 63 millions de tonnes d’hydrogène qui sont produites par an et utilisées dans l’industrie, générant 630 millions de tonnes de CO2, l’équivalent des émissions de l’Allemagne ou de l’ensemble du transport aérien mondial », explique Pascal Mauberger, PDG de McPhy, spécialiste français des équipements de production et de stockage d’hydrogène.
L’idée d’en produire avec des énergies renouvelables progresse depuis plusieurs années avec comme objectif de remplacer l’essence des véhicules, de stocker l’électricité sur le long terme et de contribuer à décarboner le gaz naturel. L’hydrogène vert permettrait ainsi de répondre au problème de l’intermittence des énergies renouvelables en stockant l’électricité produite sous forme de gaz. Celui-ci pourrait ensuite servir à chauffer les bâtiments ou à faire rouler les véhicules.
En France, le plan Hulot lancé en 2018 a fixé des objectifs d’incorporation de 10% d’hydrogène décarboné dans l’hydrogène industriel dès 2023, pour passer de 20% à 40% à horizon 2028. L’emploi du terme décarboné, et non vert, n’est pas le fruit du hasard. Il traduit la difficulté d’accéder aux ressources en électricité verte.
Comme l’hydrogène est très peu disponible isolément, il faut le récupérer dans la biomasse, les hydrocarbures ou l’eau. L’électrolyse de l’eau, qui sépare molécules d’hydrogène et d’oxygène, est une technologie efficace et mature et surtout sans émission. Mais le label vert ne s’applique qu’en cas de recours à une électricité renouvelable : solaire, éolien ou énergie hydraulique.
En France, l’industrialisation de l’hydrogène vert balbutie avec seulement quelques méga watts (MW) répartis sur tout le territoire. Pour remplir les objectifs du plan Hulot « il faudrait installer 700 MW d’électrolyse d’ici à 2023, soit de 100 à 150 MW par an sur cinq ans », insiste Pascal Mauberger.
A l’échelle nationale, la France entend bien constituer une filière hydrogène viable. Par exemple, le projet Jupiter 1000 déployé à Fos-sur-Mer a pour objectif de prouver que ce gaz peut jouer un rôle dans le remplacement des énergies fossiles. C’est l’un des enjeux majeurs de l’hydrogène vert : profiter des surplus de production d’électricité peu onéreux de l’éolien et du solaire pour faire fonctionner les électrolyseurs. « On va commencer à injecter 0,5%, puis 1% puis progressivement monter à 6% », explique Patrick Prunet, directeur du projet de Fos. Jupiter 1000 est aussi une opportunité de tester la capacité du réseau à résister à l’hydrogène, un gaz dont les propriétés sont différentes du gaz naturel.
Un autre enjeu majeur est d’inciter les constructeurs à rapprocher les coûts de production d’un véhicule hydrogène avec ceux à moteur thermique. La voiture individuelle avec pile à combustible pour tous n’est pas pour demain, mais de plus en plus de constructeurs s’y lancent ou accélèrent sur le sujet, à l’image de Toyota ou de Hyundai.
L’Agence internationale pour l’énergie (AIE) prévoit que la production mondiale d’hydrogène atteigne 70 millions de tonnes par an, de quoi alimenter l’ensemble du parc automobile mondial. Si les coûts de production restent encore élevés, l’Agence estime aussi que ceux-ci pourraient baisser de 30% d’ici 2030 en raison de la baisse du coût des énergies renouvelables et du changement d’échelle de la production d’hydrogène.
L’hydrogène vert pourrait favoriser la transition énergétique en offrant un débouché au surplus d’électricité produit par les énergies renouvelables. Une étude publiée en avril 2019 par McKinsey estime en effet que l’hydrogène vert permettrait de répondre à un cinquième de la demande d’énergie finale en 2050 et de réduire ainsi les émissions de CO2 de 55 millions de tonnes, soit près d’un tiers de la réduction nécessaire au respect du scénario 2°C. Son déploiement permettrait également de créer 150 000 emplois dans l’Hexagone et de générer 40 milliards d’euros de chiffre d’affaires.