Discours de la Présidente von der Leyen lors de la session plénière du Parlement européen sur le train de mesures de relance de l’UE:
“Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les députés,
L’Europe est une histoire de générations.
Et chaque génération d’Européens a sa propre histoire.
Pour la génération fondatrice de notre Union, l’histoire parlait de la construction d’une paix durable, là où il n’y avait que peine, douleur et destruction.
Pour la génération d’après, il s’agissait d’apporter la prospérité et la liberté, en choisissant l’unité de notre marché intérieur et notre monnaie unique.
Il s’est ensuite agi de réunir notre famille européenne, en sortant nos frères et nos sœurs du grand froid, et les accueillant ici chez eux, au plein cœur de notre Union.
Toutes ces générations, et tous ces succès historiques, ont été bâtis sur ceux d’avant et ont inspiré ceux d’après.
Et le choix a toujours été: soit prendre la voie de la moindre résistance tout seul, soit aller de l’avant ensemble – avec une vision, une ambition communes et vers la même direction.
Dans ces moments décisifs, nous avons toujours choisi de franchir les étapes ensemble.
Car pour l’Europe, les mesures les plus audacieuses seront toujours les plus sûres.
C’est cela qui nous a permis de construire, une Union de paix et de prospérité, sans égal, sans précédent dans le monde.
Mesdames et Messieurs les députés,
Aujourd’hui, nous sommes face à notre propre moment de vérité.
Ce qui n’était au départ qu’un virus invisible à l’œil nu est devenu une crise économique majeure qui ne peut plus échapper à personne.
Notre modèle unique en son genre, que nous avons bâti depuis 70 ans, est remis en question comme il ne l’a jamais été dans toute l’histoire de notre Union.
Les biens européens communs que nous avons construits ensemble sont mis à mal.
Certaines choses que nous considérions comme acquises sont mis en doute:
- il y a le marché unique, qui doit se redresser;
- il y a les conditions de concurrence qui doivent redevenir équitables;
- et il y a quatre libertés qui doivent être pleinement rétablies;
- la crise entraîne des effets externes et a des retombées considérables d’un pays à l’autre.
Rien de cela ne peut être réglé par un pays à lui tout seul.
Une entreprise qui dépose le bilan dans un État membre, c’est un fournisseur fiable qui disparaît pour une autre entreprise dans un autre pays.
Une économie en difficulté dans une partie de l’Europe affaiblit une économie forte dans une autre.
Nous sommes tous concernés par cette crise.
Et elle nous dépasse, chacun d’entre nous.
C’est l’heure de l’Europe.
Nous en observons les retombées économiques, budgétaires et sociales dans l’ensemble de nos États membres.
Les divergences et les disparités s’accentuent.
Des questions complexes touchant à la souveraineté et au partage de la charge doivent trouver une solution équilibrée.
Et ainsi, nous nous trouvons à nouveau face au même choix binaire.
Soit nous faisons cavalier seul, en laissant certains pays, régions et peuples au bord du chemin et en acceptant une Union divisée entre les riches et les pauvres, soit nous parcourons ce chemin ensemble.
Nous faisons ce bond en avant.
Nous préparons un terrain solide pour nos peuples et pour la prochaine génération.
Pour moi, le choix est simple.
Je veux que nous fassions un nouveau pas courageux tous ensemble.
L’Europe est dans une position unique pour pouvoir investir dans une relance collective et dans un avenir commun.
Dans notre Union, les personnes, les entreprises et les économies dépendent les unes des autres et comptent les unes sur les autres.
Dans notre Union, la cohésion, la convergence et l’investissement sont bons pour tous.
Et dans notre Union, nous savons que les mesures les plus audacieuses sont véritablement les plus sûres pour notre avenir.
C’est la raison pour laquelle la Commission propose aujourd’hui un nouvel instrument de relance, appelé « Next Generation EU» — d’une valeur de 750 milliards d’euros.
Il s’ajoutera à un budget européen à long terme révisé de 1 100 milliards d’euros.
L’instrument « Next Generation EU», avec le CFP principal, représente une enveloppe totale de 1 850 milliards d’euros dans les propositions présentées aujourd’hui.
Il va de pair avec les trois filets de sécurité de 540 milliards d’euros de prêts déjà approuvés par le Parlement et le Conseil.
Au total, notre effort en faveur de la reprise se monterait ainsi à 2 400 milliards d’euros.
Mesdames et Messieurs les députés,
Permettez-moi de vous expliquer comment fonctionnera l’instrument « Next Generation EU».
Les fonds seront levés en supprimant temporairement le plafond des ressources propres, afin de permettre à la Commission d’utiliser sa note de crédit très solide pour emprunter de l’argent sur les marchés financiers.
Il s’agit d’une nécessité urgente et exceptionnelle, face à une crise tout aussi urgente et exceptionnelle.
C’est la raison pour laquelle l’instrument « Next Generation EU» :
- investira dans la réparation de notre tissu social,
- protégera notre marché unique,
- aidera au rééquilibrage des bilans financiers en Europe.
Et tout en menant ces actions, nous devons également avancer rapidement vers un avenir vert, numérique et résilient.
Il s’agit de l’avenir de la prochaine génération européenne.
Cette génération qui est connectée à l’échelle mondiale et se sent responsable de notre monde, de notre planète.
Avec une vision claire de promotion de la dignité humaine et l’État de droit.
Déterminée à ce que les pouvoirs publics rendent davantage compte de leurs actes contre le changement climatique et pour la préservation de notre nature.
Guidée par l’idéalisme pro-européen et par la conviction que notre Union doit s’efforcer de mieux faire.
Ainsi, en plus de faire preuve de solidarité pour surmonter la crise d’aujourd’hui, je propose un nouveau pacte générationnel pour demain.
Certes, les effets de cette crise signifient que nous devons effectuer aujourd’hui des investissements d’une ampleur inédite.
Mais nous le ferons de manière à ce que la prochaine génération européenne en récolte les bénéfices demain.
Nos investissements ne préserveront pas seulement les réalisations remarquables des 70 dernières années, ils garantiront aussi une Union
- neutre sur le plan climatique
- numérique
- sociale
- et avec laquelle il faut compter sur le plan mondial, aujourd’hui et à l’avenir
Pour y parvenir, l’instrument « Next Generation EU» mobilisera son énorme force de frappe financière pour investir dans nos priorités communes au travers de programmes européens.
J’ai toujours à cœur de veiller à ce que cette Assemblée ait pleinement voix au chapitre concernant les décisions cruciales pour notre Union.
Avec ma proposition d’investir ces fonds par la voie de programmes relevant de notre budget européen, c’est précisément ce qui se passera.
L’instrument « Next Generation EU» rétablira et reconstruira notre marché unique — cette source majeure d’innovation, de prospérité et d’opportunité.
Tous les États membres doivent investir dans des technologies qui stimuleront la reprise par l’intermédiaire de nouvelles industries innovantes et propres.
L’instrument « Next Generation EU» renforce le pacte vert pour l’Europe et le programme « Horizon Europe », et investira dans des infrastructures essentielles allant de la 5G à la rénovation de logements.
Dans le même temps, nous devons veiller à ce que la transition vers une économie neutre pour le climat ne laisse personne de côté.
C’est pourquoi l’instrument « Next Generation EU» démultipliera le financement du Fonds pour une transition juste.
Dans le même ordre d’idées, aucun État membre ne devrait avoir à choisir entre répondre à la crise et investir dans sa population.
Aucun État membre ne devrait avoir à choisir entre répondre à la crise ou investir dans sa population.
C’est pourquoi l’instrument « Next Generation EU»renforce le soutien apporté à Erasmus et à l’emploi des jeunes.
Il fait en sorte que les citoyens aient accès aux compétences, à la formation et à l’enseignement dont ils ont besoin pour s’adapter à ce monde en mutation rapide.
L’instrument « Next Generation EU» aidera les entreprises en pleine santé qui ont pris les bonnes décisions et fait les bons investissements au fil des décennies, mais qui sont en danger aujourd’hui parce que des concurrents d’autres États membres bénéficient d’un meilleur accès à des fonds publics ou privés pour obtenir des capitaux frais.
Il investira dans les industries et technologies européennes clés afin de renforcer la résilience des chaînes d’approvisionnement essentielles.
Il garantira que l’Europe reste à la pointe dans des domaines clés comme l’intelligence artificielle, l’agriculture de précision ou l’ingénierie verte.
L’instrument « Next Generation EU» contribuera aussi à accroître la résilience de nos systèmes de santé face aux crises futures.
Cet investissement sera un nouveau bien commun européen.
Il montrera la valeur réelle et tangible de l’appartenance à l’Union.
Et nous en serons tous les propriétaires.
Au total, la Commission lèvera 750 milliards d’euros pour l’instrument « Next Generation EU» .
Sur ce total, des montants de 500 milliards d’euros et de 250 milliards d’euros seront distribués respectivement sous forme de subventions et de prêts accordés aux États membres.
Mesdames et Messieurs les députés,
Je tiens à l’affirmer très clairement:
ces subventions constituent un investissement commun dans notre avenir.
Elles n’ont rien à voir avec les dettes passées des États membres.
Les subventions passent par le budget européen.
Et celui-ci limite les versements de chaque pays suivant une clé de répartition fixe.
Les subventions constituent clairement des investissements dans nos priorités européennes:
renforcement de notre marché intérieur, numérisation, pacte vert pour l’Europe et résilience.
Et plus encore: Le budget de l’UE a toujours consisté en des subventions.
Il n’y a rien de nouveau.
- Subventions pour des investissements ciblés et des réformes,
- Pour une plus grande cohésion
- Et pour des conditions de vie plus uniformes en Europe.
Et notre Union européenne est la preuve vivante que cela fonctionne.
L’Union européenne a accru la prospérité et le niveau de vie dans tous les États membres.
Ces investissements réalisés par l’intermédiaire du budget de l’UE ont été largement payants pour tous!
Et l’instrument « Next Generation EU» nous est également destiné à tous.
Nous investissons ensemble dans l’avenir de l’Europe – et rembourserons la totalité de la somme sur les futurs budgets de l’UE selon une clé bien connue et dûment éprouvée.
En outre, la Commission proposera plusieurs nouvelles sources de recettes propres: celles-ci pourraient s’appuyer sur l’extension prévue du système d’échange de quotas d’émission, sur une taxe carbone aux frontières qui servirait de mécanisme de compensation pour l’importation, en provenance de l’étranger, de produits bon marché et nocifs pour le climat, ou encore sur une nouvelle taxe sur les services numériques.
Nous devons ici être ambitieux, et je compte sur votre soutien.
Mesdames et Messieurs les députés,
le moment est venu de prendre la bonne décision.
À ceux qui hésitent aujourd’hui à consentir des investissements courageux, je dis que le coût de l’inaction dans cette crise nous reviendra beaucoup plus cher demain.
Il s’agit à présent de jeter ensemble les bases de notre avenir – et, dans le même temps, de réagir de manière appropriée à une situation de crise exceptionnelle, clairement définie et indépendante de notre volonté.
Laissons les anciens préjugés de côté !
Redécouvrons plutôt la force que représente l’idée d’une Europe commune.
La crise à laquelle nous devons faire face aujourd’hui est colossale.
Mais l’occasion qui se présente à l’Europe et la responsabilité qui est la nôtre de faire ce qu’il convient de faire est tout aussi immense.
Nous pouvons aujourd’hui jeter les bases d’une Union neutre pour le climat, numérique et plus solide que jamais auparavant.
Il y a soixante-dix ans, nos pères et mères fondateurs ont franchi un premier pas courageux vers la création d’une Union de la paix et de la prospérité.
Le moment est venu d’ajouter le chapitre de notre génération à cette histoire et de franchir un nouveau pas courageux vers une Union de la durabilité.
Nous le devons aux générations futures.
Vive l’Europe !”