Premiers états de durabilité 2024 

durabilité 2024 

En 2025, les grandes entreprises européennes ont franchi une étape décisive en publiant pour la première fois leur état de durabilité, conformément à la directive CSRD et aux normes ESRS. Cet article propose un retour d’expérience sur cette première publication, analyse les tendances observées et sensibilise les entreprises qui seront concernées dans les prochaines vagues réglementaires. Enfin, il explore les révisions annoncées dans le cadre du projet de directive Omnibus, afin de donner aux entreprises une grille de lecture utile pour naviguer dans un paysage réglementaire en mutation.

Ceci est un extrait d’une interview, sélectionné par votre média Green Finance, qui donne la parole à tous, même si cela peut vous déplaire, et nous déclinons toutes responsabilités sur la source et les propos de cet extrait.

Le reporting de durabilité en 2025 : retour d’expérience, perspectives et révisions réglementaires

L’année 2025 marque un tournant majeur pour les entreprises européennes en matière de reporting de durabilité. Alors que les grandes entreprises cotées ont finalisé leur premier état de durabilité conformément aux exigences de la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), l’Europe amorce parallèlement une réflexion sur la simplification et l’adaptation de ce cadre réglementaire. Entre retours d’expérience, nouvelles attentes réglementaires et ajustements à venir, les entreprises doivent conjuguer transparence, performance et anticipation. Cet article fait le point sur les principaux enseignements de cette première année, les enjeux pour les prochaines vagues d’entreprises concernées et les perspectives offertes par les révisions envisagées via la directive Omnibus.

Retour d’expérience des grandes entreprises après la première publication de l’état de durabilité

Les grandes entreprises cotées, soumises dès 2024 aux exigences de la CSRD, ont déployé des moyens considérables pour répondre aux nouvelles obligations de reporting. Dès l’entrée en vigueur de la directive, elles ont engagé un travail d’adaptation en profondeur : révision des processus internes, mise en place d’outils dédiés, mobilisation des parties prenantes et renforcement des systèmes de collecte de données. Ce travail d’anticipation a permis d’assurer la fiabilité et la qualité des informations publiées dans leurs premiers états de durabilité.

L’une des avancées notables de cette première publication est l’adoption généralisée de l’analyse de double matérialité, un concept clé des normes ESRS. Cette approche a permis aux entreprises de croiser les impacts de leur activité sur l’environnement et la société avec les incidences des enjeux environnementaux et sociaux sur leur propre modèle d’affaires. Selon les premières observations, les entreprises ont identifié en moyenne 56 impacts, risques et opportunités matériels, avec une hétérogénéité notable entre les secteurs : certains rapports mentionnant jusqu’à 209 items, quand d’autres en recensaient 14 seulement.

Des tendances thématiques marquées dans les premiers rapports

L’analyse des premiers rapports publiés révèle des thématiques privilégiées par les entreprises. Les enjeux relatifs aux effectifs sont les plus fréquemment abordés, avec en moyenne 13 items matériels par entreprise, suivis par le changement climatique et la conduite des affaires. À l’inverse, des sujets tels que l’eau, la pollution ou les communautés affectées restent moins souvent considérés comme matériels, traduisant des différences de maturité sectorielle ou un moindre accès aux données.

Un autre point saillant concerne les plans de transition climatique. Sur un panel de 30 entreprises étudiées, 27 ont publié un plan, témoignant d’une volonté affirmée d’intégrer la transition écologique dans leur stratégie globale. Cependant, si 83 % des entreprises alignent leur plan de transition sur leur stratégie d’entreprise et présentent leurs leviers de décarbonation, seules 44 % quantifient précisément les investissements nécessaires. Ce déficit de chiffrage constitue un axe d’amélioration identifié par les entreprises elles-mêmes pour les prochaines publications.

Les principaux axes d’amélioration identifiés

Les entreprises n’ont pas hésité à inscrire leurs engagements d’amélioration dans leur premier état de durabilité. En moyenne, chaque entreprise a identifié quatre axes de progrès, centrés principalement sur l’environnement (inventaire des émissions de GES, plans de transition, indicateurs de pollution). La double matérialité constitue le deuxième grand chantier, regroupant 17 % des engagements, en particulier sur l’amélioration des processus et l’analyse des risques climatiques.

Enfin, des améliorations sont également prévues sur des sujets comme la conduite des affaires, notamment la mise en place d’indicateurs spécifiques (ex. délais de paiement). Ces engagements témoignent d’une dynamique d’amélioration continue, nécessaire pour consolider un reporting encore jeune et perfectible.

Sensibiliser les entreprises de demain aux enjeux du reporting de durabilité

Si 2025 a concerné les plus grandes entreprises cotées, les vagues 2 et 3 de la CSRD impacteront progressivement les entreprises de taille intermédiaire à partir de 2027-2028. Toutefois, avec la publication de la directive Stop the Clock en avril 2025, l’Union européenne a officialisé un report de deux ans de l’application de la CSRD pour ces prochaines vagues. Ce délai supplémentaire doit être perçu comme une opportunité par les entreprises concernées, leur permettant de se préparer dans des conditions optimales.

Les entreprises de ces futures vagues doivent dès à présent initier leur réflexion stratégique sur la durabilité, intégrer les critères ESG dans leurs processus internes et se doter des outils et compétences nécessaires. L’expérience des grands groupes montre qu’une anticipation insuffisante entraîne des difficultés opérationnelles et des ajustements coûteux.

Une opportunité stratégique et non une contrainte réglementaire

Au-delà de l’obligation réglementaire, le reporting de durabilité représente un levier stratégique. Il permet de renforcer la résilience du modèle d’affaires, d’améliorer l’attractivité des talents, de répondre aux attentes des investisseurs et d’accéder à de nouveaux financements. Les entreprises doivent percevoir la publication de l’état de durabilité non comme une fin en soi, mais comme un outil de pilotage stratégique, apte à éclairer les décisions et à renforcer la transparence auprès des parties prenantes.

Les entreprises déjà engagées soulignent l’importance de l’implication du top management, de la transversalité des équipes et de l’acculturation progressive des collaborateurs aux enjeux ESG. Ces leviers organisationnels doivent être intégrés dès aujourd’hui par les entreprises de la vague 2 et 3 pour capitaliser sur les enseignements des pionniers.

Comprendre les révisions de la CSRD et les perspectives offertes par le projet de directive Omnibus

Annoncé en février 2025, le projet de directive Omnibus s’inscrit dans une logique de simplification et de réduction du champ d’application de la CSRD. Deux grands volets structurent cette révision : la directive Stop the Clock, déjà adoptée, et la directive dite « content », encore en discussion. Ce dernier texte propose de relever les seuils d’application, limitant l’obligation de reporting aux seules entreprises de plus de 1000 salariés (avec des seuils financiers associés).

Ce changement de paradigme modifie la logique initiale par vagues pour une approche par seuils, recentrant le reporting obligatoire sur les grandes entités d’intérêt public. Pour les entreprises en dessous de ce seuil, le reporting deviendrait volontaire, basé sur une norme simplifiée (VSMU).

Des incertitudes réglementaires mais une dynamique de préparation maintenue

Malgré ces révisions en cours, une enquête menée par KPMG auprès de 128 entreprises révèle que 88 % d’entre elles poursuivent leur projet de mise en œuvre des ESRS, même dans l’incertitude. Les principales motivations évoquées incluent la volonté de renforcer la pertinence stratégique des états de durabilité, d’assurer l’accès aux financements et de se prémunir d’un risque de non-conformité en cas d’évolution des textes.

Toutefois, 12 % des entreprises ont décidé de suspendre ou d’arrêter leur démarche, invoquant la nécessité de réévaluer leur stratégie de reporting ou de profiter de cette pause pour mieux s’aligner en interne. Ce choix reflète une prudence face à un cadre encore mouvant, mais pourrait exposer ces entreprises à des difficultés en cas de revirement réglementaire ou d’attentes accrues des parties prenantes.

Quel avenir pour la durabilité en 2025 et au-delà ?

L’année 2025 consacre la montée en puissance du reporting de durabilité en Europe, mais ouvre également une période d’ajustements réglementaires et de maturité progressive des pratiques. Les premières publications des états de durabilité ont démontré la capacité des grandes entreprises à relever ce défi, tout en soulignant les marges de progression sur des sujets comme la double matérialité, les plans de transition ou la quantification des investissements.

Pour les entreprises de la vague 2 et 3, le report accordé par la directive Stop the Clock ne doit pas être perçu comme un sursis passif, mais comme un temps stratégique pour bâtir les fondations d’un reporting robuste et pertinent. Quant aux révisions portées par la directive Omnibus, elles traduisent une volonté européenne de trouver un équilibre entre ambition réglementaire et pragmatisme opérationnel.

Dans ce contexte en évolution, les entreprises devront conjuguer souplesse, anticipation et rigueur. La durabilité, loin d’être une simple obligation, s’impose comme un nouveau langage du capitalisme, capable de réconcilier performance économique, responsabilité sociétale et transparence. Une dynamique à consolider pour bâtir l’économie durable de demain.

À lire aussi : AXA Climate et France Invest montrent la voie