Les entreprises disposant d’un fort « pricing power » sont souvent les plus vertueuses en matière environnemental, social et de bonne gouvernance (ESG). Dans certains cas, l’ESG constitue même, parfois, l’élément central du « pricing power ».
L’Analyse par Gérard Moulin, Responsable pôle actions européennes et gérant du fonds Amplegest Pricing Power et Vincent Auriac, Président du cabinet Axylia
L’ESG est-il l’avenir du « pricing power » ?
La question est loin d’être incongrue tant ces deux notions sont intimement liées au point d’entretenir une véritable interdépendance. De fait, les entreprises disposant d’un fort « pricing power » affichent généralement les meilleures notations ESG (Environnement, Social et Gouvernance) du marché. Le constat est particulièrement criant en matière environnemental et de lutte contre le réchauffement climatique. Les sociétés à « pricing power » élevé ont en effet très souvent une très faible empreinte carbone. Et pour cause. Engagées dans une trajectoire de croissance autonome, ces entreprises ne sont pas exposées aux secteurs les plus cycliques (énergie, mines, sidérurgie, industries lourdes…), qui sont également les principaux émetteurs de gaz à effet de serre et donc, à ce titre, figurent parmi les moins-disants en matière d’ESG. Par construction, la démarche de « pricing power » s’écarte des entreprises évoluant dans ces secteurs d’activités les plus carbonés, que l’on peut considérer comme des « commodities », où il devient de plus en plus compliqué, voire impossible d’imposer de manière unilatérale la moindre hausse de prix.
Mieux, cette faible empreinte carbone des entreprises dotées de « pricing power » constitue souvent un élément majeur de différenciation sur le marché, au point de devenir, pour certaines entreprises, un argument marketing et commercial de poids auprès des consommateurs. Jouant sur la conscience « verte » des clients, ces sociétés construisent ainsi leur image sur leur engagement environnemental et offrent aux consommateurs la possibilité de participer à un monde plus respectueux de l’environnement. Dit autrement, cette différenciation sur le terrain environnemental peut devenir un facteur de maintien voire d’accroissement de parts de marché pour ces entreprises. Dans certains cas extrêmes, l’ESG peut parfois être l’élément central du « pricing power » d’une entreprise. De fait, certaines sociétés ont fait de leur responsabilité ESG la principale, voire l’unique proposition de valeur, justifiant ainsi une politique tarifaire élevée.
Des pionniers de l’ESG
Si les entreprises disposant de « pricing power » sont souvent considérées, à juste titre, comme des pionniers en matière d’ESG, c’est d’abord parce qu’elles en ont les moyens, humains et surtout financiers. En étant capables de maîtriser leur politique tarifaire, voire d’imposer des hausses de prix, ces sociétés à fort « pricing power » réussissent à préserver leur valeur économique si difficilement créée et, donc, à rémunérer et à redistribuer cette même valeur à l’ensemble de leurs parties prenantes, y compris leurs actionnaires mêmes minoritaires. Les salariés bénéficient également de cette création de valeur, ce qui engendre alors un climat social sain et apaisé qui constitue, souvent, une condition déterminante pour construire une barrière à l’entrée, et donc, entretenir un « pricing power ».
Les sociétés à « pricing power » élevé sont aussi pionniers en matière d’ESG car il en va souvent de leur propre intérêt. Dans un monde ultra-concurrentiel, où l’image des entreprises est quotidiennement passé au crible des consommateurs, le risque d’image est aujourd’hui devenu un enjeu majeur pour toutes les directions générales. Pour les entreprises qui ont redoublé d’effort pour disposer d’un fort « pricing power » et d’une marque forte et emblématique, cette menace constitue un enjeu particulièrement crucial.
De fait, tout « pricing power » se construit sur la perception par les consommateurs d’une supériorité et, in fine, sur la construction d’une image forte, haut de gamme et irréprochable. Ces sociétés ont donc tout intérêt à préserver cette image d’intégrité pour conserver ce capital immatériel si difficile à construire mais pourtant si facile à détruire à travers des scandales ou des polémiques. Adopter une démarche ESG crédible et pérenne dans le temps permet justement à ces entreprises de protéger un tel capital immatériel. Les entreprises disposant d’un « pricing power » élevé ont donc aujourd’hui trop à perdre pour rester à l’écart des enjeux ESG. Dans un monde où la poussée réglementaire est croissante et où la prise de conscience « verte » s’est généralisée, être un pionnier de l’ESG constitue, plus que jamais, un avantage compétitif crucial.