Par Anthony CHAN, Responsable de la stratégie d’investissement Asie à l’Union Bancaire Privée (UBP) , livre ses premières réflexions à la suite de l’annonce de la prolongation des négociations commerciales, entre la Chine et les Etats-Unis.
Les négociations commerciales entre la Chine et les Etats-Unis avaient initialement pour date d’échéance le 1er mars. Donald Trump avait menacé – en l’absence d’accord conclu à cette date – d’augmenter à 25% (contre 10% actuellement) les droits de douane américains sur les importations de produits chinois d’une valeur marchande de 200 milliards de dollars. Heureusement, les dernières évolutions dans le cadre des discussions menées aux Etats-Unis ont, comme le marché l’espérait, confirmé la prolongation des négociations sur les questions les plus sensibles.
Principaux développements à ce jour
- Les deux parties travaillent à la conclusion de plusieurs accords couvrant six grands sujets, à savoir l’agriculture, les services, les barrières non tarifaires, les transferts de technologie, la protection de la propriété intellectuelle et la stabilité du yuan.
- La Chine propose d’acheter 10 millions de tonnes de soja additionnelles (soit 11% de plus que les 88 millions de tonnes importées l’an dernier), et elle importera également davantage de produits américains, pour un montant de 1’200 milliards de dollars supplémentaires, afin de corriger le déséquilibre commercial.
- Il se pourrait que la Chine propose d’augmenter ses importations de semi-conducteurs, de produits énergétiques et d’automobiles en provenance des Etats-Unis (malgré la récente subvention pour l’achat de voitures fabriquées en Chine).
- Pékin pourrait en outre accepter d’ouvrir le marché des paiements électroniques à Visa et à MasterCard, donnant ainsi aux sociétés de services financiers américaines un accès anticipé au vaste marché des consommateurs chinois.
Quelles implications pour les marchés ?
Les marchés ont déjà largement intégré le prolongement des négociations après le 1er mars, à en juger par le nouveau rally des actions observé en février. Un accord fort contribuerait à maintenir ce potentiel haussier, tandis qu’un accord faible verrait le retour du scepticisme des marchés sur le fait qu’une nouvelle hausse des droits de douane pourrait finalement être imposée.
Selon nous, un accord fort sera nécessairement « contraignant » s’agissant des six questions clés actuellement discutées. La suppression partielle de certains droits de douane existants du côté des deux parties (concernant les secteurs sur lesquels la Chine entend augmenter ses importations, notamment l’agriculture, l’automobile et l’électronique) rassurera les investisseurs et aura un impact positif rapide sur les bénéfices des sociétés de ces mêmes secteurs.
Les subventions de l’Etat restent une question épineuse
Comme indiqué précédemment, la Chine demeure assez ouverte à l’idée d’augmenter ses achats de biens et de services en provenance des Etats-Unis, ou encore de renforcer ses normes d’encadrement de la propriété intellectuelle afin de se mettre à niveau par rapport aux standards internationaux ; le pays aspire en effet à devenir un leader mondial en matière de technologie.
Cependant, forcer la Chine à supprimer son système de subventions aux entreprises d’Etat, en particulier en matière de politique industrielle, restera une question épineuse. Les responsables chinois auraient expliqué aux négociateurs américains que tout accord visant à augmenter les importations de produits américains nécessiterait que Pékin en donne l’ordre aux entreprises publiques, ce qui irait à l’encontre du programme de subventions en place.
Il est en tout cas encourageant de voir que les deux parties semblent travailler ensemble pour définir un cadre et un calendrier permettant de suivre les promesses faites par la Chine en matière de réformes structurelles (transferts de technologie et politique industrielle), afin de trouver un compromis à court terme. Ce sujet devrait rester un point majeur durant la suite des négociations.
L’assouplissement de la politique chinoise se poursuit
L’assouplissement de la politique chinoise a démarré à la mi-2018, en réponse à l’impact de la guerre commerciale sur la demande extérieure et la confiance des ménages. L’ampleur des mesures de relance dépend encore largement des progrès des négociations.
Pour l’instant, il existe, selon nous, un faible risque de réduction ou d’inversion rapide des mesures de relance, notamment du fait que la politique de désendettement de la Chine a essentiellement eu pour effet de mettre fin à la majeure partie de son système bancaire parallèle. Cela a eu comme conséquence indésirable d’« étouffer » le principal canal de financement des entreprises privées et des PME, qui représentent 50% à 60% de l’économie chinoise.
Le thème de la demande intérieure reste d’actualité
Les réformes structurelles chinoises se traduisent par des pressions baissières sur l’économie, et le soutien politique demeure nécessaire pour gérer cette baisse dans les années à venir. Pour le moment, nous maintenons nos préférences d’investissement envers les secteurs liés à la demande intérieure tels que les infrastructures, l’éducation, les jeux sur Internet, la santé et la finance.
L’impact sur la chaîne d’approvisionnement mondiale
Soulignons enfin qu’un accord commercial bilatéral reste un mauvais substitut à la globalisation ; il ne fera que diluer l’efficacité de la chaîne d’approvisionnement mondiale construite au cours des dernières décennies.
Outre l’impact potentiel sur l’efficacité et la profitabilité, les importations accrues de produits américains risquent de se substituer aux importations chinoises de produits en provenance d’autres pays, ce qui pourrait avoir des conséquences à long terme sur les exportations et les bénéfices des entreprises des pays concernés.
A propos de l’Union Bancaire Privée (UBP)
L’UBP figure parmi les plus grandes banques privées de Suisse et est l’une des banques les mieux capitalisées, avec un ratio Tier 1 de 28,2% au 30 juin 2018. La Banque est spécialisée dans la gestion de fortune au service de clients privés et institutionnels. Basée à Genève et présente dans plus de vingt implantations à travers le monde, l’UBP emploie quelque 1’724 collaborateurs et dispose de CHF 128,4 milliards d’actifs sous gestion au 30 juin 2018.