Les nouvelles règles budgétaires proposées constituent une amélioration majeure par rapport au cadre budgétaire actuel, mais ont manqué une occasion de favoriser les investissements verts.
La Commission européenne propose une réforme de la gouvernance économique de l’Union européenne, visant à remplacer le système actuel de règles budgétaires défavorable par un système conceptuellement nouveau axé sur la viabilité de la dette et un indicateur opérationnel unique mesurant la croissance des dépenses publiques. Cette proposition inclut l’intégration de la surveillance des déséquilibres budgétaires et macroéconomiques, l’exigence de plans budgétaires structurels nationaux complets et l’obligation de rendre tous les documents pertinents accessibles au public. Les règles passées, telles que la règle de réduction d’un vingtième de la dette et les exigences de l’objectif à moyen terme pour le solde budgétaire structurel, sont proposées pour être supprimées du cadre budgétaire. Les nouvelles exigences fiscales comprennent notamment la nécessité de garantir que le ratio de la dette publique est sur une « trajectoire plausible à la baisse », avec trois exigences supplémentaires pour tous les pays. Les pays sous procédure de déficit excessif doivent remplir une condition supplémentaire de trajectoire corrective des dépenses nettes cohérente avec un ajustement annuel minimal d’au moins 0,5 %.
L’essentiel de la proposition de réforme de la gouvernance économique de la Commission européenne est de créer un système conceptuellement nouveau axé sur la viabilité de la dette (Blanchard et al, 2021) et un indicateur opérationnel unique, qui mesure la croissance des dépenses publiques. Cela remplacerait le système actuel défavorable de règles budgétaires (Caleys et al, 2016). De nombreuses réformes similairesont été proposés il y a des années (Darvas et al, 2018). D’autres caractéristiques intéressantes de la proposition de la Commission européenne sont l’intégration de la surveillance des déséquilibres budgétaires et macroéconomiques, l’exigence de plans budgétaires structurels nationaux complets et l’obligation de rendre tous les documents pertinents accessibles au public. La base conceptuelle principale et l’audace de la proposition sont les bienvenues.
Cendres et reliques des règles passées La règle de réduction d’un vingtième de la dette (réduction du ratio d’endettement du vingtième du dépassement du critère de 60 % par an) et les exigences de l’objectif à moyen terme (OMT) pour le solde budgétaire structurel (solde budgétaire effectif nettoyé des impacts d’effets conjoncturels et ponctuels) ont été proposées pour être supprimées du cadre budgétaire. C’est une bonne nouvelle. La règle du vingtième pouvait nécessiter un ajustement budgétaire excessif dans certains cas et cette règle a de toute façon été ignorée lorsque la Belgique et l’Italie l’ont violée à plusieurs reprises. Le solde structurel est un indicateur très peu fiable (Darvas, 2021). Le critère de déficit de 3 % du PIB basé sur le traité de l’UE et l’obligation de réduire le taux d’endettement lorsqu’il dépasse 60 % du PIB demeurent. Nouvelles exigences fiscales
La principale nouvelle exigence est que la trajectoire des dépenses nettes fixée par le plan structurel budgétaire national doit garantir que le ratio de la dette publique est sur une « trajectoire plausible à la baisse » lorsqu’il est d’environ 60 %. Lorsqu’il est inférieur à 60 %, il doit rester à des « niveaux prudents ». L’évaluation de plausibilité vérifie si le ratio d’endettement diminue dans une projection déterministe et s’il existe une probabilité « suffisamment faible » (valeur numérique non précisée) qu’il ne diminue pas selon une analyse stochastique. Il existe trois exigences supplémentaires pour tous les pays : Le critère de déficit de 3 % doit être respecté dans le cadre de politiques inchangées sur une période de dix ans après la période d’ajustement (qui peut durer de quatre à sept ans).
Pas de backloading : l’ajustement annuel moyen sur la « période du plan structurel budgétaire à moyen terme national » ne doit pas être inférieur à la moyenne sur « l’ ensemble de la période d’ajustement ». Ratio d’endettement réduit : le ratio d’endettement à la fin de « l’horizon de planification » doit être inférieur à ce qu’il était avant le début de la période. Une ambiguïté importante est que le projet de règlement ne définit pas « l’ horizon de planification » et s’il est de quatre ou sept ans lorsque la période d’ajustement est étendue à sept ans. Il est précisé dans le projet de règlement que le plan doit présenter différentes trajectoires pour « une période d’au moins 4 ans », ce qui implique que le plan peut couvrir plus de quatre ans. De plus, une longue période d’ajustement de sept ans doit impliquer une planification sur sept ans. En revanche, la condition de non-rechargement différencie la période du plan et la période d’ajustement. Mes calculs suggèrent que cela ferait une différence considérable pour la Belgique et la France dans les besoins d’ajustement initiaux si l’exigence de réduction du taux d’endettement s’appliquait pendant quatre ou sept ans à l’avance. Une exigence d’ajustement maintenue mais ambiguë.
Pour les pays sous procédure de déficit excessif (PDE), une condition supplémentaire doit également être remplie. Il ne s’agit pas vraiment d’une nouvelle exigence puisqu’une disposition très similaire existe dans le cadre actuel. La nouvelle exigence :
« Pour les années où le déficit des administrations publiques devrait dépasser la valeur de référence, la trajectoire corrective des dépenses nettes est cohérente avec un ajustement annuel minimal d’au moins 0,5 % du PIB comme référence. ”
Une source d’ambiguïté est que l’indicateur auquel se réfère l’ajustement d’un demi-pourcent n’est pas défini dans la proposition législative (ni dans le communiqué de presse ou les questions-réponses ). La phrase citée remplace l’exigence d’« une amélioration annuelle minimale d’au moins 0,5 % du PIB comme référence, dans son solde corrigé du cycle net des mesures ponctuelles et temporaires », qui est le solde budgétaire structurel ( article 3( 4) du règlement informatique en vigueur). L’exposé des motifs de la proposition législative indique qu’« un ajustement annuel minimum d’au moins 0,5 % du PIB comme référence est maintenu », ce qui peut laisser penser que l’ajustement continue d’être mesuré dans le solde structurel.
Cependant, après la conférence de presse de la Commission européenne, certains premiers rapports indiquaient que le taux d’endettement devait être réduit de 0,5 % du PIB par an. Cela a été corrigé un jour plus tard à l’exigence selon laquelle « les pays devraient réduire leurs dépenses nettes d’au moins 0,5 % du PIB par an ». Une telle exigence, qui signifie littéralement abaisser la valeur nominale des dépenses nettes, n’aurait pas de sens, surtout en période de forte inflation.
Orientations de la Commission européenne
La Commission européenne guidera la préparation des plans nationaux en préparant une « trajectoire technique » de croissance des dépenses, mais uniquement pour les pays qui ont plus de 3 % de déficit ou plus de 60 % de dette. Il est intéressant de noter que davantage de critères sont requis pour la trajectoire technique que pour la trajectoire des dépenses dans le plan national. Le taux de croissance des dépenses nettes doit être inférieur à la croissance de la production à moyen terme pour les pays dépassant soit le critère de déficit de 3 %, soit le critère de dette de 60 %. Cette exigence concerne uniquement la préparation de la trajectoire technique (article 6 et annexe I du projet de règlement) et n’est pas répertoriée pour la trajectoire de dépenses du plan national (article 15). La Commission européenne calculera également le solde primaire structurel correspondant à la trajectoire de dépenses. L’avenir dira si le solde primaire structurel ou la trajectoire des dépenses retiendront davantage l’attention : il serait plus avantageux de se concentrer sur la trajectoire des dépenses, qui présente des avantages conceptuels majeurs par rapport aux soldes structurels. Pour les pays qui ont un déficit inférieur à 3 % et une dette inférieure à 60 %, la Commission européenne ne préparera pas de trajectoire technique, mais calculera plutôt le solde primaire structurel nécessaire pour maintenir le déficit en dessous de 3 %.
Le cadre proposé divise les pays en trois groupes principaux
Groupe 1 : Pays soumis à la procédure de déficit excessif (PDE)
Deux conditions peuvent conduire à un PDE. L’un est le critère habituel de déficit de 3 % (« PDE basée sur le déficit »). L’autre qui s’applique aux pays dont les ratios d’endettement public sont supérieurs à 60 %, la violation de la trajectoire de dépenses approuvée pourrait également conduire à une PDE (« PDE basée sur la dette »). ” ). Naturellement, quelques années devront s’écouler avant que la violation de la trajectoire des dépenses puisse être évaluée. Sept pays de l’UE (Belgique, France, Italie, Pologne, Roumanie, Slovaquie et Espagne) devraient violer le critère de déficit en 2024 et 2025 selon les dernières prévisions du FMI . Parmi ces pays, le nouveau critère de réduction de la dette limiterait probablement la Belgique et peut-être la France, surtout si le critère de réduction du ratio d’endettement s’applique pendant quatre ans, et non sept ans, et si l’ajustement budgétaire réduirait le PIB. Pour les cinq autres pays, le critère d’ajustement annuel minimum de 0,5 % est plus strict, selon mes calculs. La Bulgarie, l’Estonie et Malte devraient également avoir un déficit légèrement supérieur à 3 % en 2024, mais inférieur à 3 % en 2025. Ces trois pays ont des taux d’endettement inférieurs à 60 %, ils pourraient donc éviter une PDE.
Groupe 2 : pays avec un déficit budgétaire inférieur à 3 % et une dette publique supérieure à 60 %
Neuf pays entreraient probablement dans cette catégorie en 2024. Il s’agit de l’Autriche, de la Croatie, de Chypre, de la Finlande, de l’Allemagne, de la Grèce, de la Hongrie, du Portugal et de la Slovénie. Parmi ces pays, seule la Finlande violerait le critère de réduction du taux d’endettement selon les prévisions du FMI. Cependant, le FMI ne prévoit pas d’assainissement budgétaire en Finlande de 2024 à 2028.
Groupe 3 : Pays avec un déficit budgétaire inférieur à 3 % et une dette publique inférieure à 60 %
Les 11 pays restants (Bulgarie, Tchéquie, Danemark, Estonie, Irlande, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Suède) entreront probablement dans cette catégorie en 2024. La proposition exige de ces pays qu’ils préparent des plans budgétaires structurels que l’Union européenne Commission analysera ensuite, y compris le critère du ratio d’endettement réduit. Cependant, aucune conséquence n’est prévue si ce critère n’est pas rempli à moins que le ratio d’endettement ne dépasse 60 %. Ainsi, au-delà de la surveillance par la Commission européenne du respect des critères de déficit de 3 % et de dette de 60 %, les politiques budgétaires de ces pays seront déterminées par des cadres nationaux.
Occasion manquée de favoriser la transition verte
Les pays des groupes 1 et 2 doivent réduire leurs déficits et certains pays du groupe 3 pourraient également les réduire. Selon les prévisions du FMI, six des 11 pays du groupe 3 mettront en œuvre un assainissement budgétaire entre 1 % et 3,5 % du PIB annuel au total au cours de la période 2023-2028. Les politiciens préfèrent réduire les investissements aux dépenses actuelles et aux augmentations d’impôts impopulaires, en partie parce que les intérêts des générations futures ont moins de soutien électoral. Une bonne solution pour favoriser la transition climatique aurait été d’exclure l’investissement public vert net des indicateurs budgétaires utilisés pour mesurer le respect des règles budgétaires de l’UE pour les pays sans problèmes d’endettement substantiels (Darvas et Wolff, 2022). Les questions-réponses de la Commission européenne suggèrent qu’il n’y a pas eu de consensus sur cette question, mais la proposition vise à promouvoir l’investissement par le biais d’une trajectoire d’ajustement budgétaire moyen. Au moins des informations devront être fournies : les plans nationaux devraient détailler les dépenses d’investissement public totales, ainsi que les réformes et les dépenses d’investissement public répondant aux priorités communes de l’UE, y compris le pacte vert pour l’Europe. Les rapports d’étape annuels ultérieurs doivent rendre compte des progrès réels et des investissements prévus.
Cependant, étant donné que la plupart des pays de l’UE mettront en œuvre une consolidation budgétaire dans les années à venir, ce qui coïncidera souvent avec des réductions des investissements publics, alors qu’il est urgent d’augmenter les investissements publics verts, il est difficile de voir comment les politiciens réduiront encore plus les dépenses non climatiques pour faire de la place à l’augmentation des dépenses climatiques. L’absence d’augmentation substantielle des dépenses publiques vertes risque de faire rater à l’UE ses objectifs climatiques, ce qui pourrait diminuer la détermination des pays tiers à atteindre les leurs. Mais les dommages au climat sont irréversibles.