Retraite : A quoi doit-on s’attendre en 2023 ?

La présentation de la nouvelle réforme des retraites attendue pour le 15 décembre est repoussée au 10 janvier. Elle doit entrer en vigueur à compter de l’été prochain.

La réforme des retraites en 2023

« Je suis frappée de voir que la nécessité de faire cette réforme n’est pas vraiment dans tous les esprits », s’étonne Élisabeth Borne dans le Parisien ce vendredi, faisant mine de ne pas comprendre pourquoi la réforme des retraites qu’elle prépare ne convainc pas les Français. Alors que son projet doit formellement être présenté aux syndicats le 15 décembre prochain – et prévoit un décalage de l’âge légal de départ à 65 ans, au lieu de 62 ans, dès la génération 1961 – une majorité de Français y sont toujours hostiles. Même les électeurs de Macron en doutent. 60 % d’entre eux pensent que la réforme ne permettra pas d’améliorer l’emploi des séniors, selon un sondage Elabe pour les ÉchosMarianne avance cinq chiffres pour démonter le principe de la réforme.

Les contours de la réforme des retraites se précisent. Le gouvernement mène depuis plusieurs semaines des concertations avec les partenaires sociaux et les représentants des partis politiques sur cet épineux dossier. L’ambition de l’exécutif est de repousser l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans – contre 62 ans à l’heure actuelle – en 2031, à raison de quatre mois par an à compter de l’été prochain. D’autres pistes sont envisagées, comme le recul de l’âge légal à 64 ans couplé à une accélération de la réforme Touraine. Cette dernière prévoit un allongement progressif de la durée de cotisation à 43 ans. “Travailler plus longtemps” est “le seul levier” pour faire face aux “besoins de financement massifs” qui mettent “le système par répartition en danger”, avait fait valoir Emmanuel Macron au micro de TF1 début décembre. Outre la question de l’âge légal, le gouvernement a avancé plusieurs pistes : 

  • Le relèvement du minimum de pension de retraite pour une carrière complète à 85% du Smic 
  • La création d’un fonds de prévention de l’usure professionnelle pour les métiers identifiés comme difficiles
  • La création d’un index sur l’emploi des seniors dans les entreprises de plus de 50 salariés
  • Un meilleur accès à la retraite progressive et au cumul emploi-retraite

Sur la forme, le gouvernement n’a pas encore tranché sur la méthode. Selon plusieurs médias, l’exécutif souhaite faire adopter le texte en l’intégrant à un projet de loi de financement de la Sécurité sociale rectificatif (PLFSSR). L’avantage de cette solution est de pouvoir avoir recours à l’article 49.3 de la Constitution (qui permet de faire passer une loi sans vote du Parlement). “C’est une piste que nous regardons, mais c’est la réforme elle-même qui déterminera le vecteur”, a indiqué Olivier Dussopt, refusant de trancher sur la méthode. 

Qui sera concerné par la réforme des retraites en 2023 ?

La réforme des retraites ne concerne pas les retraités actuels. Ces derniers sont partis en retraite à 62 ans comme le stipule actuellement la loi. Si le texte est bien adopté à l’été 2023, comme le prévoit l’exécutif, alors les personnes nées entre le 1er juillet et le 1er décembre 1961 seront les premières affectées par le report de l’âge légal de départ en retraite. Concrètement, pour relever progressivement l’âge de départ en retraite, l’exécutif veut augmenter la durée minimale de travail de 4 mois par an. ce dispositif permettra d’atteindre l’âge symbolique de 64 ans en 2027, puis 65 ans en 2031. Voici le calendrier qui pourrait voir le jour avec la réforme des retraites :

  • En 2023 : les retraités nés en 1961 devraient partir à 62 ans et quatre mois.
  • En 2024 : les retraités nés en 1962 pourraient partir à la retraite à 62 ans et huit mois.
  • En 2025 : la génération 1963 devrait attendre 63 ans
  • En 2026 : la génération 1964 devrait attendre 63 ans et quatre mois
  • En 2027 : la génération 1965 devrait attendre 63 ans et huit mois
  • En 2028 : la génération 1966 devrait attendre 64 ans
  • En 2029 : la génération 1967 devrait attendre 64 ans et quatre mois
  • En 2030 : la génération 1968 devrait attendre 64 ans et huit mois
  • En 2031 : les générations nées à partir de 1969 devraient partir à 65 ans

Cette mesure vise notamment à allonger la durée moyenne de cotisations des travailleurs. Avec cette réforme l’exécutif cherche à réduire le coût du système de retraite qui représente, dans son état actuel, une dépense de 332 milliards d’euros chaque année, soit 14,5% du PIB, selon le Conseil d’Orientation des retraites. Notez que la réforme initiée par le gouvernement prévoit des exceptions sur le recul de l’âge de départ en retraite pour les travailleurs ayant eu des carrières longues ou ayant exercé des métiers dits pénibles. 

La réforme des retraites va t-elle mettre fin aux régimes spéciaux ?

Cet automne, l’exécutif et les partenaires sociaux ont planché sur la question des régimes spéciaux. Pour rappel, la France compte actuellement 37 régimes de retraite (régime général, complémentaires, régimes spéciaux). Parmi eux, on dénombre 15 régimes spéciaux. Sur les 16,9 millions de retraités que compte la France, environ 4,2 millions bénéficient de ces particularités, selon la Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques (DREES). Il s’agit notamment des agriculteurs, des militaires, des fonctionnaires, des indépendants, des professions libérales… En fonction du régime spécial, les affiliés jouissent de certains avantages au titre de la pénibilité de leur métier. Ils peuvent notamment partir plus tôt à la retraite, cotisent moins longtemps que les travailleurs du régime général, et touchent des pensions de retraites plus élevées.

Dès 2019, le gouvernement avait fait part de son intention de supprimer les régimes spéciaux afin d’aboutir à la création d’un système universel de retraite par points, où chaque euro cotisé donne accès aux mêmes droits pour tous, quel que soit le métier pratiqué. Cette déclaration avait provoqué un tollé chez les cotisants des régimes spéciaux. Désormais l’exécutif envisage de mettre en place la “clause du grand-père”. En clair, il s’agit de fermer, dès 2025,  l’accès aux régimes spéciaux de retraite pour les nouvelles embauches qui intègrent les professions concernées jusque-là. Ainsi, les plus anciens conserveront le régime spécial pour lequel ils cotisent depuis des années, tandis que les nouveaux entrants ne pourront pas y avoir droit. Seuls les salariés qui, en 2020, étaient à moins de 17 années de la retraite échapperont au régime universel et resteront rattachés à leur régime spécial.

Les assurés ne seront pas affiliés au nouveau régime universel et conserveront leurs avantages liés au régime spéciaux s’ils sont nés avant :

  • Le 1er janvier 1975, pour la plupart des régimes spéciaux.
  • Le 1er janvier 1977, pour les salariés du Port de Strasbourg
  • Le 1er janvier 1980, pour les salariés de la SNCF, RATP, IEG, Banque de France, choristes et certains personnels de l’Opéra de Paris, Comédie Française et Ouvriers de l’Etat.
  • Le 1er janvier 1982, pour les mineurs et les foreurs.

En revanche, l’exécutif s’est engagé, à travers la voix du ministre du Travail Olivier Dussopt, à ne pas toucher à certains régimes spéciaux, comme celui des marins, des dockers et des danseurs de l’Opéra de Paris.

Vers une meilleure prise en compte de la pénibilité ?

Caissières, ouvriers de l’industrie ou du BTP, agents d’entretien, aides à domiciles, gardiens d’immeubles, infirmières… Dans le privé comme dans la fonction publique, beaucoup de métiers sont soumis à des conditions de travail difficiles. Dans sa réforme, le gouvernement affirme vouloir prendre davantage en compte la pénibilité au travail afin de permettre aux professionnels de partir à la retraite avant l’âge légal.

Avec le C2P (compte professionnel de prévention) la loi permet actuellement aux salariés d’accumuler des points selon leur exposition à 6 critères de pénibilité : le travail de nuit, en équipes alternantes, en milieu hyperbare (sous l’eau), les gestes répétitifs ou encore les expositions aux bruit et aux températures extrêmes (froides ou chaudes). S’ils sont soumis à un ou plusieurs de ces critères de pénibilité les salariés obtiennent des points et peuvent les dépenser pour se former, passer à temps partiel, ou partir plus tôt à la retraite.

Il est possible d’accumuler jusqu’à 8 points dans une année, et 10 sont nécessaires pour avancer sa retraite d’un trimestre. Néanmoins, il est impossible de cumuler plus de 100 points dans une carrière, d’autant que les 20 premiers doivent obligatoirement être dédiés à la formation. Un maximum de 80 points peut donc être utilisé pour partir plus tôt, ce qui représente seulement 8 trimestres, soit deux années de retraite gagnées. A ce jour, seules 9 596 personnes ont pu utiliser leur C2P pour anticiper leur départ à la retraite, selon les données transmises par le ministère du Travail. Le dispositif bénéficie donc à très peu de travailleurs.

Afin d’élargir l’efficacité du C2P, le gouvernement veut ajouter trois autres critères de risques professionnels : les postures pénibles, le port de charges lourdes et les vibrations mécaniques.