Réunion de politique monétaire du Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne

Mme Schnabel a procédé à l’examen des évolutions intervenues sur les marchés financiers depuis la précédente réunion de politique monétaire régulière du Conseil des gouverneurs des 11 et 12 mars 2020. En dépit de l’atténuation du sentiment général d’aversion au risque et de l’amélioration progressive de la liquidité de marché, les marchés financiers ont continué de montrer des signes de fragilité, essentiellement de quatre points de vue. Premièrement, la plupart des écarts de rendement des obligations souveraines de la zone euro se sont creusés par rapport aux obligations allemandes de référence, indépendamment de leur notation de crédit. Dans certaines juridictions, les écarts de rendement des obligations ont temporairement retrouvé, voire dépassé, les niveaux observés avant l’annonce du programme d’achats d’urgence face à la pandémie (Pandemic Emergency Purchase Programme, PEPP), évolution amplifiée par les anticipations de besoins accrus d’émission et par le contexte de forte incertitude concernant les retombées économiques et financières de la crise. Des signes montrent également que les primes de liquidité ont probablement accentué les tensions à la hausse sur les primes de terme résultant des besoins accrus d’émission.

Les écarts entre cours acheteur et cours vendeur sont demeurés nettement supérieurs à leur niveau normal dans de nombreuses juridictions. Dans ce contexte, des éléments indiquent que le PEPP s’est imposé comme un ancrage de stabilité important pour les marchés obligataires de la zone euro, au-delà des effets d’annonce initiaux. Une forte demande de la part des investisseurs a été observée dans les adjudications d’obligations souveraines, avec parfois des taux de couverture des émissions atteignant des niveaux historiques. Malgré le niveau très élevé de la prime de rendement pour certaines émissions, les achats de l’Eurosystème contribuent à préserver la bonne transmission de la politique monétaire dans l’ensemble de la zone euro. Deuxièmement, bien que le PEPP ait contribué à assouplir les conditions financières et à stimuler les émissions, les préoccupations quant aux perspectives de rentabilité des entreprises impliquent que les conditions financières pour les entreprises et les banques sont demeurées plus restrictives qu’avant l’apparition de la pandémie de coronavirus (COVID-19). Les émetteurs bien notés (investment-grade) connaissent actuellement des écarts de rendement environ deux fois plus élevés qu’avant la crise, reflétant en partie les anticipations d’une forte augmentation des dégradations de notations.

Le nombre d’obligations de la catégorie « ange déchu » (fallen angel) augmente, et les dégradations d’émetteurs bien notés sont déjà beaucoup plus visibles. Les taux de défaut des entreprises pourraient augmenter sensiblement au cours des douze prochains mois. Troisièmement, bien que les marchés boursiers mondiaux aient en partie effacé les pertes enregistrées fin février et début mars 2020 – l’indice EuroStoxx 50 a augmenté de plus de 20 % depuis l’annonce du PEPP –, des signes indiquent que la persistance d’une incertitude significative quant aux perspectives économiques Traduction : Banque de France En cas de question, la version anglaise fait foi. Page 3 continue de faire peser un risque sur les valorisations actuelles. Si les anticipations de croissance des bénéfices à court terme pour les douze prochains mois ont nettement diminué, les anticipations de bénéfices à plus long terme ont continué de résister étonnamment bien jusqu’à présent. Soit les investisseurs ont été optimistes en ce qui concerne les répercussions à long terme de la crise et prévoyaient une reprise en V sans effets prolongés sur la croissance, soit ils ont eu du mal à évaluer l’impact de la pandémie de COVID-19 sur la croissance et sur les bénéfices. Le niveau de risques extrêmes intégrés par le marché, tel qu’il se reflète dans les prix des options, suggère qu’on ne peut écarter la deuxième hypothèse. Dans le même temps, les investisseurs ont été moins optimistes en ce qui concerne les perspectives de bénéfices des banques. L’indice EuroStoxx Banks a diminué au total de 50 % environ, l’ampleur des pertes sur actions bancaires de la zone euro n’étant pas très éloignée de celle constatée pour les banques aux États-Unis.

Quatrièmement, les conditions de financement de marché des banques se durcissent sur les marchés monétaires pour les opérations en blanc, comme en témoigne le creusement constaté au cours des dernières semaines de l’écart entre les taux Euribor et OIS à trois mois, écart qui a récemment atteint son niveau le plus élevé depuis 2012. Ces évolutions reflètent sans doute, au moins en partie, les tensions qui subsistent sur le marché du commercial paper. Les nouvelles émissions de commercial paper sont restées limitées sur les échéances les plus courtes en raison du repli de certains acquéreurs traditionnels, plus particulièrement des fonds d’investissement monétaires et des sociétés, face à la détérioration de la situation de liquidité. Toutefois, les opérations actuelles et futures d’apport de liquidité de l’Eurosystème, conjuguées au programme d’assouplissement des garanties, permettent un allègement immédiat des coûts plus élevés du financement de marché, préservant ainsi la transmission de la politique monétaire et maintenant ouvert le canal du crédit bancaire.

Dans ce contexte, la nouvelle série d’opérations de refinancement à plus long terme ciblées (TLTRO III) est extrêmement intéressante pour une grande partie du secteur bancaire de la zone euro, et les intervenants de marché ont doublé leurs anticipations de tirage au cours des dernières semaines, les portant à 1 100 milliards d’euros au total. Dans le même temps, les anticipations de nouveaux ajustements des taux d’intérêt directeurs de la BCE se sont atténuées au cours des dernières semaines, la courbe des taux à terme de l’OIS s’étant nettement déplacée vers le haut. Les mesures des anticipations de taux d’intérêt extraites des instruments de marché sont cohérentes avec les données tirées d’enquêtes, et ne signalent pas d’anticipation significative d’une nouvelle réduction du taux de la facilité de dépôt.

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