Transport maritime et protection de l’environnement : un mariage de raison

Les actifs des transports nous rappellent que, dans le cadre de l’investissement ESG, le « social » peut être aussi important que l’« environnement » et la « gouvernance » et que, si l’on se concentre sur les deux derniers aux dépens du premier, cela peut avoir des conséquences néfastes.

Dans le cadre des investissements ESG, axés sur les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance, les aspects sociaux sont souvent relégués au second plan par les questions environnementales et de gouvernance, plus saillantes. L’une des raisons à cela tient au fait qu’il est plus facile d’évaluer la performance d’une entreprise par le biais de ces considérations, en ce sens qu’il est relativement aisé de mesurer l’impact carbone d’un voyage en avion ou d’apprécier la diversité au sein d’un conseil d’administration.

En revanche, les aspects sociaux s’avèrent plus complexes à appréhender. Par exemple, la construction de logements en réponse à l’expansion de la population est un moteur essentiel de la croissance économique. Cependant, nous devons déterminer qui pourra se permettre d’acheter ces nouveaux logements et comprendre comment ils améliorent le niveau de vie dans les zones défavorisées, c’est-à-dire leur impact social.

Cela dit, l’investissement social pourrait très bientôt ne plus être considéré comme le parent pauvre. Ce comportement est omniprésent dans l’évaluation des actifs des transports, car les émissions de gaz à effet de serre, par exemple dans des industries telles que l’aviation et le transport maritime, éclipsent les avantages qu’ils offrent à la société. Ces deux secteurs ont pourtant un impact social significatif. En cette période où les investisseurs sont de plus en plus soucieux des caractéristiques sociales, nous présentons dans l’article qui suit les avantages sociaux liés au transport maritime et soulignons les développements encourageants intervenus en matière de protection de l’environnement. Un secteur nouveau émerge actuellement, offrant des investissements qui ne sautent pas nécessairement aux yeux mais qui sont attrayants en termes de durabilité

LE TRANSPORT MARITIME : UN SECTEUR MONDIAL ET SOCIAL

Le transport maritime fait partie intégrante de l’économie mondiale. C’était l’une des premières forces de mondialisation et il demeure un moteur clé de la croissance économique mondiale : représentant environ 90% du commerce mondial, il génère plus de 400 milliards EUR par an et a créé 13,5 millions d’emplois dans le monde. En Europe, il génère 140 milliards EUR et a créé 2,1 millions d’emplois directs et indirects.

Figure 1 – Caractéristiques mondiales du transport maritime

Toutefois, la pertinence de l’inclusion du secteur maritime dans une approche d’investissement responsable est souvent remise en question. Mais nous pensons qu’il est de nature intrinsèquement sociale : la mise en relation des populations et l’accès à l’alimentation, aux soins de santé et à l’éducation sont les piliers d’une société efficace – et c’est précisément ce qu’apporte le transport maritime.

En dehors des métropoles et des grandes économies, le transport maritime facilite l’inclusion sociale, notamment pour les insulaires. À cet égard, sa valeur sociale est incalculable. Cela s’est avéré encore plus tangible durant la pandémie de Covid-19, durant laquelle le secteur a permis la livraison de produits alimentaires et de fournitures médicales.

Ainsi, bien que ces caractéristiques sociales soient quelque peu noyées dans la masse des considérations environnementales, elles ne sont pas passées inaperçues aux yeux des Nations Unies. En effet, les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies soulignent que le secteur est un « facilitateur essentiel pour l’agro-alimentaire, l’énergie, le commerce et le tourisme » dans le cadre de l’ODD nº 11 : « Villes et communautés durables ».

LE TRANSPORT MARITIME DU POINT DE VUE ENVIRONNEMENTAL

La critique la plus fréquemment adressée au transport maritime concerne ses émissions. Le secteur représente en effet 2,4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, avec environ 940 millions de tonnes de CO2 chaque année. Pourtant, son intensité de carbone est traditionnellement l’une des plus faibles parmi les différents transports. Comme le train, par exemple, il est beaucoup plus efficace en termes d’émissions de carbone que le transport routier ou aérien. Toutefois, compte tenu du volume des biens transportés par voie maritime, sa contribution globale aux émissions mondiales est importante – et va en grandissant. Telle est la difficulté. L’Organisation maritime internationale (OMI) estime que les émissions liées au transport maritime pourraient, dans des conditions normales, augmenter entre 50% et 250% d’ici à 2050, nuisant ainsi à la réalisation des objectifs de l’Accord de Paris. Cela dit, le secteur réagit. 

Figure 2 – Émissions de gaz à effet de serre par secteur et industrie des transports (%)

OMI 2020 – LA PREMIÈRE VAGUE

Dans la lignée de l’Accord de Paris, l’OMI a convenu de plusieurs mesures visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, rassemblées dans la réglementation « OMI 2020 ». Il s’agit, entre autres, de :

  • Réduire les émissions de gaz à effet de serre annuelles totales du transport maritime d’au moins 50% par rapport aux niveaux de 2008, d’ici à 2050
  • Fournir les efforts nécessaires pour éliminer la totalité des émissions de gaz à effet de serre du secteur maritime dès que possible, avant la fin du siècle

Dans l’optique de la réalisation de ces objectifs, au début 2020, tous les navires ont dû respecter des paramètres d’émissions de soufre beaucoup moins importante (passant d’un maximum de 3,5% à 0,5%). C’est une étape importante pour le secteur en vue de la réduction de ses émissions. Toutefois, d’autres améliorations seront nécessaires pour qu’il puisse atteindre les objectifs fixés par l’OMI pour 2050, et à ces fins il faudra parvenir à une utilisation généralisée des technologies de combustion propre.

La décarbonation du transport maritime pourrait marquer un tournant dans la transition énergétique mondiale. Dans le secteur, la consommation de carburant est estimée entre 250 et 300 millions de tonnes par an environ – soit 4% de la demande mondiale en pétrole. De par sa taille, elle pourrait donc influencer les fournisseurs des carburants de demain et leur donner confiance, tout en stimulant le déploiement de carburants à faible teneur en carbone dans le cadre de la transition énergétique globale, ce qui ferait croître le marché pour ces carburants dans de nombreuses industries et dans d’autres secteurs difficiles à décarboner. La baisse des coûts des technologies énergétiques zéro carbone décuplera la compétitivité des carburants alternatifs et, selon McKinsey, les coûts de la technologie des carburants propres pourraient devenir six fois inférieurs à ce qu’ils sont aujourd’hui si seulement 2,5% de la flotte maritime mondiale adoptait ces carburants.

UNE LUEUR D’ESPOIR AVEC L’HYDROGÈNE

Sur le long terme, les cellules de combustible basées sur l’hydrogène pourraient être la solution dans la réalisation des objectifs fixés par l’OMI pour 2050. La technologie n’en est qu’à ses débuts, mais plusieurs entreprises et gouvernements la testent et les premiers signes de croissance émergent.

Il est donc possible de faire fonctionner les navires à l’hydrogène, mais il faudra renforcer les activités de recherche et de développement pour passer au stade des prototypes. Oceanwing, premier navire au monde fonctionnant à l’hydrogène, a effectué son premier voyage entre plusieurs ports européens en octobre 2019. Ce navire vieux de 35 ans a été converti afin de produire de l’hydrogène à partir d’eau de mer, grâce à une unité de dessalage et un électrolyseur à énergie solaire installés à bord. Il peut stocker jusqu’à 62 kg (2 MWh) d’hydrogène et ses propriétaires comptent mettre au point un produit commercial pour les navires d’ici à 2025/2030.

La durée de vie économique des navires de cargo atteint habituellement entre 20 et 30 ans, de sorte que toute réduction des émissions sera obligatoirement progressive puisqu’il faudra du temps pour renouveler l’ensemble de la flotte mondiale. À court terme, nous pensons que les entreprises de transport maritime seront de plus en plus nombreuses à utiliser le gaz naturel liquéfié (GNL) pour alimenter leurs navires. Selon la Royal Academy of Engineering, le GNL émet 25% de moins de CO2 et 85% de moins de NOx que les carburants à faible teneur en soufre, et n’émet pas du tout de soufre ou de particules en suspension.

EFFICACITÉ OPÉRATIONNELLE

L’efficacité opérationnelle des navires est un domaine relativement peu exploité jusqu’à présent, qui pourrait donc permettre de radicalement réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre. Cela aurait également des avantages financiers car les économies de carburant compenseront largement les dépenses en capital.

CONCLUSION

La réalisation des Objectifs de développement durable des Nations Unies dépend des avancées enregistrées dans le transport maritime, lequel, en retour, alimente un développement durable plus large. Selon la recommandation du Groupe consultatif de haut niveau du Secrétaire général de l’ONU sur le transport durable, toutes les parties prenantes doivent manifester une volonté réelle de transformer le transport maritime de passagers et de marchandises en un moyen de transport « sûr, abordable, accessible, efficace et résistant, tout en minimisant ses émissions de carbone et autres, ainsi que son empreinte environnementale. »

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