Un décalage entre les fonds Article 9 et le règlement SFDR

L’étude intitulée « Les débuts poussifs du marché des fonds Article 9 » publiée le 14 décembre 2022, met en exergue le décalage notable entre la communication des fonds et les exigences techniques du régulateur européen.

Article 9 et règlement SFDR

Novethic avec le soutien de l’ADEME, a analysé près de 200 fonds étiquetés Article 9 disponibles en France et totalisant 72 milliards d’euros d’encours début 2022. L’étude intitulée « Les débuts poussifs du marché des fonds Article 9 » publiée le 14 décembre 2022, met en exergue le décalage notable entre la communication des fonds et les exigences techniques du régulateur européen. Un décalage qui explique sans doute le mouvement de reclassement déjà amorcé pour plus de 10 % des fonds Article 9 du panel de l’étude.

La règlementation SFDR se déploie progressivement

Depuis mars 2021 les sociétés de gestion doivent classer Article 8 ou 9 leurs fonds durables. Tout au long de 2022, régulateurs et superviseurs européens ont précisé les exigences techniques qui entreront en vigueur à partir du 1er janvier 2023, tout en ne modifiant pas la définition SFDR de l’investissement durable. Celle-ci reste un défi pour les gestionnaires d’actifs, alors que cohabitent de multiples interprétations pour définir les objectifs environnementaux et sociaux des fonds. Cette confusion explique la dynamique de reclassification des fonds de l’Article 9 vers l’Article 8 qui s’est accélérée en fin d’année.

« Seule une vingtaine de fonds annonce une part minimum d’investissement durable, ce qui témoigne des interrogations des sociétés de gestion sur la définition qui en est donnée par SFDR. Pour ce qui est de l’alignement minimum avec la taxonomie, la prudence a également été de mise durant ce round d’observation, qu’a été l’année 2022. » explique Nicolas Redon, expert finance verte de Novethic.

La construction complexe des indicateurs

La nouvelle réglementation est une promesse de normalisation de la transparence pour les fonds durables, mais le comparatif établi par Novethic interroge sur la pertinence des indicateurs de durabilité choisis pour mesurer et démontrer la réalisation des objectifs ESG.

A ce jour, deux principales approches cohabitent dans le choix des indicateurs déjà annoncés. Novethic a relevé d’une part 19 occurrences d’indicateurs “propriétaires”, développés par les sociétés de gestion, qui permettent d’agréger différentes contributions et réponses aux enjeux ESG. D’autre part, on trouve dans la documentation des fonds de nombreux indicateurs inspirés de ceux fournis dans la liste des PAI (principales incidences négatives). Cette liste renvoie pour l’essentiel à une approche par les risques et non à une contribution positive à l’objectif. Le régulateur intègre dans cette catégorie les données liées aux émissions de CO2, aux atteintes à la biodiversité, à l’eau et des données sociales comme le respect des Principes de l’OCDE et du Global Compact ou la mixité des instances dirigeantes. Le mode d’emploi de ces indicateurs PAI est encore en cours de clarification.

Des attentes fortes pour des promesses difficiles à tenir

Depuis le début de leur partenariat, Novethic et l’Ademe décortiquent dans leur étude annuelle les fonds durables les plus exigeants pour évaluer l’adéquation entre ces produits financiers et les objectifs environnementaux que s’est fixés l’Union Européenne.

« Les différents volets de la stratégie de finance durable de l’Union Européenne devaient aider l’épargnant à mieux se repérer dans la jungle des produits durables, verts, ESG, ODD, climat, transition… Notre étude montre le décalage persistant entre les propositions des offreurs et les attentes des épargnants qui veulent des produits simples à comprendre et des mesures claires et crédibles des performances environnementales et sociales des fonds qui leur sont proposés. » analyse Anne-Catherine Husson-Traore, Directrice Générale de Novethic.

« Nous constatons que l’Article 9 de la réglementation SFDR est une source de confusion pour tous les acteurs et qu’il ne parvient pas à jouer un rôle qui n’est même pas vraiment le sien : fournir un cadre de labellisation pour les fonds verts. Ainsi, il faut espérer un déblocage politique pour que l’écolabel pour les produits financiers puisse enfin voir le jour et permettre l’intégration des mécanismes d’engagement et de transition dans un label ambitieux. » ajoute Mathieu Garnero, Directeur de Projet à l’ADEME.