Plus d’eau dans une centaine de communes en France… Des récoltes détruites faute d’arrosage, une biodiversité en danger. Interpellé par cette sécheresse historique, le gouvernement exprime à haute voix ses inquiétudes.
Le phénomène climatique intense
Sur le plateau de Valensole (Alpes-de-Haute-provence), où les ministres de la Transition écologique et de l’Agriculture se sont rendus ensemble vendredi, la lavande qui fait sa réputation a été ramassée, mais de gros embobineurs de tuyaux d’arrosage sont disposés régulièrement sur les bords des champs.
« Avant on savait résister à une ou deux années de sécheresse, plus maintenant », Thomas Raso, maraîcher à Lagrand, dans les Hautes-Alpes, en présentant au ministre un plateau de tomates abimées par une maladie, liée à des problèmes hydriques.
Dans plus d’une centaine de petites communes en France, les canalisations sont vides, a souligné Christophe Béchu. Comme à Castellane, Le Fugeret, Le Castellet et Annot dans les Alpes-de-Haute-Provence, des villages approvisionnés en eau potable par des camions.
La journée marque un tournant dans la prise en compte par les pouvoirs publics de ce phénomène climatique intense, avec des déclarations empreintes de gravité de la Première ministre vendredi matin.
Une cellule interministérielle de crise mise en place
Elisabeth Borne s’est inquiétée que cette sécheresse – « la plus grave jamais enregistrée dans notre pays » – perdure, voire devienne « plus préoccupante encore ».
Pour mieux coordonner l’action des autorités publiques, elle a activé une cellule interministérielle de crise. Des « réunions techniques » ont débuté vendredi matin.
Elles doivent permettre « d’assurer une remontée d’information régulière par les préfets de département des zones les plus touchées, d’anticiper l’activation éventuelle des plans ORSEC +eau+ pour les agglomérations concernées et de coordonner les mesures de sécurité civile nécessaires (approvisionnement en eau des communes, livraison d’eau potable, etc.) ».
Le premier syndicat agricole FNSEA a demandé dès vendredi à cette cellule « un accompagnement immédiat des agriculteurs par des mesures en matière de trésorerie » et l’établissement de « priorités » orientées « clairement vers les productions alimentaires » pour l’usage de l’eau.
La fédération s’est inquiétée des récoltes d’automne: « les maïs grillent sur pied, les betteraves sont desséchées et les pommes de terre rachitiques ».
La crise couve depuis des mois dans certaines régions, où les arrêtés sécheresse se sont multipliés depuis le printemps, faute de pluie.
En métropole, 93 départements sur 96 font l’objet de restrictions d’eau à différents degrés et 66 sont « en crise ».
La touristique ville de Colmar, qui jouit d’un label « quatre fleurs », a de son côté annoncé vendredi avoir demandé une dérogation à la préfecture du Haut-Rhin pour pouvoir continuer à arroser ses massifs fleuris, alors que le département fait l’objet de restrictions.
Non conformité
L’Office français de la biodiversité a été chargé de vérifier l’application des restrictions: « on est à un peu plus de 4.000 contrôles au cours de ces dernières semaines », dont 15% « ont donné lieu à des constats de non conformité et environ la moitié se traduisent par une procédure pénale », selon M. Béchu.
D’ici la mi-août, « il est très probable que cette sécheresse des sols s’aggrave encore sur un grand nombre de régions », a prévenu vendredi Météo-France, qui attend une nouvelle hausse des températures dès dimanche.
« Au niveau national, depuis le 17 juillet, la France établit chaque jour un nouveau record de sécheresse des sols (sur un historique qui débute en août 1958) », note Météo-France. Juillet 2022 a été le deuxième mois le plus sec jamais enregistré en France, après mars 1961.
Vendredi, des pannes d’électricité liées à la chaleur ont affecté une partie de la ville de Lyon et certaines agglomérations voisines.
« On est sur un événement majeur, qui se compare sans difficulté à 1976 ou 2003 », selon Jean-Michel Soubeyroux, climatologue à Météo-France.
Conséquence: avec plus de 47.000 hectares brûlés depuis le début de l’année, la France a connu en juillet un record de surfaces incendiées, selon le Système européen d’information sur les feux de forêt (EFFIS).