Alors que les motions de censure du RN et de LFI sur les questions budgétaires sont prévues pour lundi, le gouvernement attend avec anxiété ce vendredi la décision de Standard and Poor’s concernant la note de la dette française. Malgré les efforts récents pour rassurer, la dégradation des comptes de la Sécurité sociale annoncée jeudi complique la situation, même si Bercy assure que cela avait été anticipé.
La réaction à la dégradation
Il y a plus d’un an, en avril 2023, Fitch avait déjà dégradé la note de la dette française, une décision alors minimisée par les dirigeants du camp présidentiel. Ils avaient argumenté que Fitch n’avait pas le même poids que les géants du secteur comme Moody’s et Standard and Poor’s. Aujourd’hui, cette attitude pourrait se retourner contre eux. La majorité semble résignée à une nouvelle dégradation de la part de S&P ce vendredi soir, et peu croient que le gouvernement pourra l’éviter, contrairement aux récents sursis obtenus avec Fitch et Moody’s.
Les mesures de Bercy
Il y a un an, Standard and Poor’s avait maintenu la note « AA » de la France, tout en y ajoutant une perspective négative. Selon Eric Dor, directeur des études économiques de l’Ieseg, S&P avait évoqué deux facteurs de dégradation potentiels : l’absence de réduction régulière de la dette publique de 2023 à 2025 et si les charges d’intérêt sur la dette publique dépassaient 5 % des recettes publiques. Ces deux points ne favorisent pas le gouvernement. Le gouvernement ne prévoit plus de réduction de la dette jusqu’en 2025, et le FMI anticipe que le seuil des 5 % sera dépassé en 2027. Eric Dor note cependant que S&P dispose d’une marge de manœuvre politique pour évaluer la situation, les marchés restant insensibles à la dégradation récente des finances publiques françaises.
La dégradation des comptes de la Sécurité Sociale
Pour montrer son sérieux financier, le gouvernement a récemment mis en place plusieurs mesures d’économie. En avril, le gouvernement a décidé d’un second plan de 10 milliards d’euros pour les comptes 2024, en plus de celui de 10 milliards annoncé en février. La semaine dernière, le Premier ministre Gabriel Attal a également annoncé un durcissement des règles de l’assurance-chômage, prouvant ainsi la capacité du gouvernement à engager des réformes structurelles. Cependant, la situation budgétaire reste complexe. La commission des comptes de la Sécurité sociale a révélé un déficit bien plus élevé que prévu, atteignant 16,6 milliards d’euros, principalement dû à des moins-values de recettes fiscales et sociales. Bercy a relativisé cette nouvelle, indiquant que le programme de stabilité présenté en avril tenait déjà compte de ce cadrage macroéconomique.
Impact politique et débats tendus
La nouvelle cible de déficit public pour 2024 de -5,1 % (contre -4,4 % initialement) prend déjà en compte la dégradation de la Sécurité sociale. Selon Mathieu Lefèvre, chef de file des députés Renaissance en commission des finances, de nouvelles mesures d’économies ne sont pas forcément nécessaires pour atteindre cet objectif. Il ajoute que les indicateurs économiques commencent à s’améliorer, ce qui devrait conforter le gouvernement.
L’impact d’une éventuelle dégradation par Standard and Poor’s ne se limiterait pas aux conditions de financement, mais aurait également un coût politique significatif, comme l’admet un cadre du camp macroniste.
L’audition de Bruno Le Maire au Sénat jeudi a illustré la tension actuelle. Le ministre des Finances, visiblement agacé, a vivement répliqué aux accusations de Jean-François Husson (LR), qui lui reprochait de dissimuler la dérive des comptes publics fin 2023. Le débat s’annonce particulièrement houleux lors de l’examen des motions de censure du RN et de LFI à l’Assemblée nationale lundi. Bien que ces motions aient peu de chances de réussir, elles pourraient compliquer la situation pour le camp présidentiel à l’approche des élections européennes du 9 juin.
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