
En 2025, le nombre de résolutions ESG votées aux États-Unis a chuté de 22 %, surtout sur les thèmes environnementaux et sociaux (-40 %). Morningstar alerte sur la perte de signaux clés pour les investisseurs. L’écart de soutien entre gestionnaires d’actifs américains (18 %) et européens (91 %) persiste.
Contexte et enjeux des résolutions ESG
Les résolutions ESG (Environnement, Social et Gouvernance) occupent une place centrale dans la gouvernance d’entreprise moderne. Elles permettent aux actionnaires de soumettre des propositions lors des assemblées générales, afin d’orienter les entreprises vers des pratiques plus durables et responsables. Ces résolutions couvrent un large éventail de sujets : réduction des émissions carbone, transparence des pratiques sociales, diversité au sein des effectifs, équité salariale, gestion des risques liés aux droits humains ou encore indépendance des conseils d’administration.
Dans les années 2010 et 2020, leur importance n’a cessé de croître. Les investisseurs institutionnels, tels que les fonds de pension et les grands gestionnaires d’actifs, ont progressivement considéré les facteurs ESG comme des éléments déterminants dans l’évaluation des risques à long terme. Cette évolution reflète un changement structurel du capitalisme : la performance financière n’est plus l’unique indicateur, elle doit être combinée avec la durabilité et la responsabilité sociétale.
Cependant, selon le rapport ESG Shareholder Resolutions: Signal Failure? publié par Morningstar en septembre 2025, ce mécanisme essentiel d’expression des actionnaires perd en efficacitéESG-shareholder-resolutions-sig…. La cause ? Une baisse drastique du nombre de résolutions significatives et une fragmentation croissante du soutien.
Une baisse marquée du nombre de résolutions en 2025
L’un des constats les plus frappants de l’étude Morningstar est la réduction du volume global de résolutions ESG votées en assemblée générale aux États-Unis.
- En 2025, le nombre de propositions soumises au vote a chuté de 22 % par rapport à 2024ESG-shareholder-resolutions-sig….
- Les résolutions environnementales et sociales (E&S) sont les plus touchées, avec une baisse de 40 %.
- Cette évolution s’explique directement par les nouvelles directives de la SEC (Securities and Exchange Commission). Depuis février 2025, les entreprises américaines peuvent exclure plus facilement certaines propositions jugées trop contraignantes ou répétitives.
Ce changement réglementaire modifie profondément le paysage. Le marché américain, qui représentait historiquement la scène la plus dynamique en matière de résolutions ESG, devient moins représentatif. Or, c’est précisément ce marché qui servait de baromètre mondial pour identifier les priorités des investisseurs.
Un soutien globalement stable, mais trompeur
À première vue, les statistiques pourraient sembler rassurantes. Le taux moyen de soutien aux résolutions ESG conventionnelles (c’est-à-dire hors propositions d’opposants « anti-ESG ») reste stable autour de 26-27 % depuis trois ansESG-shareholder-resolutions-sig….
Mais cette stabilité apparente cache plusieurs dynamiques inquiétantes :
- Le soutien aux propositions de gouvernance s’établit à 35 %, contre 16 % seulement pour les résolutions environnementales et sociales. L’écart se creuse d’année en année.
- Les résolutions très peu soutenues (moins de 5 % des votes) explosent : elles représentaient 8 % en 2020, elles atteignent 27 % en 2025ESG-shareholder-resolutions-sig….
- Le soutien moyen aux résolutions E&S a reculé depuis son pic de 2021 (33 %) pour atteindre seulement 13 % en 2025.
En clair, de nombreuses propositions sont déposées, mais elles peinent à convaincre les investisseurs, ce qui brouille le signal de marché.
Les résolutions ESG significatives : une espèce en voie de disparition
L’un des enseignements majeurs du rapport est la raréfaction des résolutions véritablement significatives.
Morningstar définit comme “significatives” celles qui recueillent au moins 30 % de soutien ajusté des actionnaires indépendants.
- En 2025, seules 30 résolutions E&S ont franchi ce seuilESG-shareholder-resolutions-sig….
- C’est une chute vertigineuse par rapport aux années précédentes, où l’on comptait plus de 100 résolutions significatives chaque année entre 2020 et 2024.
Autre constat : la majorité de ces résolutions portent sur un thème spécifique — la transparence en matière de dépenses politiques. En 2025, près de 40 % des résolutions significatives concernaient cette question. Les propositions environnementales ou sociales de fond deviennent rares.
Seules cinq résolutions ont atteint la catégorie « gold tier » (soutien majoritaire des actionnaires indépendants), et elles portaient toutes sur les dépenses politiquesESG-shareholder-resolutions-sig….
États-Unis vs Europe : un fossé persistant
L’étude met également en lumière un contraste transatlantique.
- États-Unis : Les six plus grands gestionnaires d’actifs (BlackRock, Vanguard, State Street, Invesco, J.P. Morgan et Dimensional) affichent un soutien moyen de 18 % aux résolutions significatives. Bien que légèrement en hausse par rapport à 2024 (17 %), cela reste très loin du pic de 2021 (46 %).
- Europe : Le soutien moyen des grands gestionnaires (Amundi, Fidelity International, Legal & General, NBIM, Schroders et UBS) demeure extraordinairement élevé, à 91 %, un niveau stable depuis cinq ansESG-shareholder-resolutions-sig….
Cette différence traduit deux visions distinctes de la finance durable. En Europe, l’ESG est perçu comme une composante incontournable du devoir fiduciaire. Aux États-Unis, l’approche reste plus polarisée, avec une montée en puissance des opposants “anti-ESG”.


Analyse thématique : gouvernance, environnement, social
Résolutions de gouvernance : le socle solide
Les résolutions liées à la gouvernance (droits des actionnaires, transparence, indépendance des conseils) continuent de bénéficier d’un soutien élevé. Avec 35 % de votes favorables en moyenne, elles apparaissent comme le segment le plus stable et le plus crédible.
Résolutions environnementales : déclin marqué
Les propositions environnementales chutent de 22 % à 15 % de soutien moyen en 2025ESG-shareholder-resolutions-sig…. Elles subissent à la fois la sévérité de la SEC et le scepticisme d’une partie des investisseurs américains, malgré l’urgence climatique.
Résolutions sociales : un léger regain
Les résolutions sociales (égalité salariale, droits humains, IA responsable, protection des enfants) atteignent 17 % de soutien, dépassant pour la première fois les résolutions environnementalesESG-shareholder-resolutions-sig…. C’est un signe d’évolution dans les priorités des actionnaires.
Études de cas emblématiques
Meta Platforms
En 2025, plusieurs résolutions concernaient la transparence sur l’usage de l’intelligence artificielle, la protection des enfants et la lutte contre les discours de haineESG-shareholder-resolutions-sig…. Bien que certaines aient dépassé 30 % de soutien, elles n’ont pas obtenu de majorité, illustrant la difficulté à rallier les investisseurs américains sur des enjeux sociétaux.
Microsoft
Des propositions relatives à l’usage des données dans des zones à risque pour les droits humains ont été soumises au vote. Malgré leur pertinence, elles n’ont pas atteint de niveaux élevés de soutien.
General Mills et Nike
Les résolutions liées à la réduction des plastiques ou à l’égalité salariale ont reçu un soutien significatif (30-40 %), mais sans dépasser la barre symbolique des 50 %.
Ces exemples illustrent la tendance générale : des sujets essentiels émergent, mais sans déclencher un consensus suffisant pour peser sur la stratégie des entreprises.
Implications pour les investisseurs
La diminution et la dispersion des résolutions ESG ont plusieurs conséquences majeures :
- Perte de signal : Les investisseurs disposent de moins d’indications claires pour identifier les priorités ESG du marché.
- Risque de réputation : Les gestionnaires d’actifs américains apparaissent en retrait par rapport à leurs homologues européens, ce qui peut affecter leur image internationale.
- Vision à long terme brouillée : Les enjeux ESG, pourtant liés à la performance durable des entreprises, sont moins intégrés dans les décisions stratégiques.
Perspectives 2026 et au-delà
Morningstar souligne que la tendance pourrait se stabiliser si les régulateurs ajustent leur positionESG-shareholder-resolutions-sig…. Plusieurs scénarios sont envisageables :
- Retour en force des résolutions ESG : si les pressions sociétales et réglementaires s’accentuent.
- Statu quo : maintien d’un niveau faible de résolutions significatives.
- Polarisation accrue : intensification du clivage entre investisseurs américains et européens.
Dans tous les cas, la question centrale demeure : comment redonner aux résolutions ESG leur rôle de signal pertinent pour les décisions d’investissement à long terme ?
Conclusion
L’année 2025 marque un tournant. Avec une baisse de 22 % du nombre de résolutions et seulement 30 propositions significatives, les signaux envoyés par les investisseurs deviennent flous. L’écart transatlantique illustre deux visions du capitalisme durable : prudente et fragmentée aux États-Unis, engagée et cohérente en Europe.
La clé pour l’avenir sera de retrouver un équilibre : des résolutions mieux ciblées, capables de rassembler un soutien large et de guider les entreprises dans leur transformation durable.
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