
Léa Dunand Chatellet, présidente de la commission Investissement responsable de l’AFG, réagit à la publication du projet de directive Omnibus, présenté par la Commission européenne le 26 février. Si elle salue les efforts de simplification du cadre réglementaire en matière de finance durable, elle alerte aussi sur plusieurs reculs potentiels en termes de transparence et de qualité des données.
Une simplification bienvenue mais à encadrer
Mi-février, l’AFG appelait à une simplification de la réglementation en finance durable, sans pour autant en diminuer l’ambition. À ce titre, la directive Omnibus constitue selon Léa Dunand Chatellet une réponse partielle et globalement positive.
Elle souligne en particulier le maintien de l’approche de double matérialité, et l’intention affichée de réviser la CSRD afin de la rendre plus opérationnelle. Le constat est clair : la comptabilité extra-financière actuelle repose sur plus de 1 000 indicateurs, dont 80 % sont qualitatifs, ce qui la rend peu exploitable par rapport à la comptabilité financière traditionnelle (150 à 200 indicateurs, dont 80 % quantitatifs). L’AFG salue donc la revue prévue par la Commission, et participera activement aux travaux. Une piste intéressante évoquée serait de s’inspirer des normes VSME (Voluntary Sustainability Reporting Standards) dédiées aux PME.
Des effets pervers à surveiller
Toutefois, cette simplification s’accompagne de mesures problématiques pour les investisseurs. En premier lieu, le relèvement du seuil d’assujettissement à la CSRD de 500 à 1 000 salariés est jugé excessif. Ce changement risque d’appauvrir le champ des données disponibles pour les gérants d’actifs, et d’accroître leur dépendance à des fournisseurs de données externes, non régulés.
Autre point de vigilance : le caractère optionnel du reporting sur la taxonomie. Or, cet indicateur est transversal, objectif et crucial pour orienter les flux financiers vers des activités durables. Pour l’AFG, il conviendrait de le maintenir obligatoire, tout en le simplifiant et en l’alignant avec la CSRD.
Vers un bouclier pour les entreprises… au détriment de la transparence ?
Autre nouveauté introduite par la directive : la création d’un « bouclier » limitant les données que les grandes entreprises ou les banques peuvent demander à leurs fournisseurs non soumis à la CSRD. Cette mesure, bien que pensée pour protéger les PME, inquiète du côté des investisseurs.
« C’est un vrai problème », alerte Léa Dunand Chatellet. « La finance durable s’est construite grâce aux questions posées par les grandes entreprises à leurs partenaires. Revenir en arrière sur cette dynamique serait très surprenant. »
SFDR : l’autre chantier majeur
Dans ce nouveau paysage réglementaire, l’AFG insiste sur la nécessité de cohérence entre les textes européens, notamment la révision du SFDR, attendue d’ici fin 2025. Cette révision devra tenir compte des évolutions d’Omnibus, sous peine de fragiliser les fondations de la finance durable.
En particulier, si le reporting sur la taxonomie devient optionnel, il ne pourra plus être utilisé pour catégoriser les fonds durables (article 8 ou 9).
« Avec Omnibus, c’est le corpus réglementaire des entreprises qui a été ouvert pour renforcer leur compétitivité. Il faut désormais s’attaquer au cadre propre à la gestion d’actifs. »
Conclusion
L’AFG accueille favorablement la volonté de rationaliser la réglementation européenne en matière de finance durable. Mais elle appelle à ne pas sacrifier la qualité des données ni l’ambition initiale du cadre. À travers la voix de Léa Dunand Chatellet, elle rappelle que la finance responsable repose avant tout sur une information accessible, comparable et fiable, tant pour les investisseurs que pour les épargnants.
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