
L’Union européenne, dans le cadre du paquet législatif “Fit for 55”, a adopté un mécanisme novateur et ambitieux : le Système d’échange de quotas d’émission II (ETS2). Ce nouveau marché du carbone, complémentaire au système ETS historique (ETS1), marque une évolution majeure de la régulation climatique en Europe, en intégrant les secteurs du bâtiment et du transport routier – jusqu’ici partiellement en dehors des mécanismes de tarification du carbone.
Qu’est-ce que l’ETS2 ?
L’ETS2 est un système de plafonnement et d’échange de quotas carbone, sur le modèle de l’ETS1 (le système européen pour l’industrie lourde et la production d’électricité). Il s’applique aux émissions liées à la consommation de carburant pour les transports routiers et au chauffage des bâtiments résidentiels et tertiaires.
Contrairement à l’ETS1, qui cible des installations fixes, l’ETS2 est “en amont” : ce sont les fournisseurs de carburants (essence, gaz, fioul, etc.) qui sont redevables de leurs émissions, et non les ménages ou les petites entreprises directement.
Calendrier de mise en œuvre
Étape | Date prévue |
---|---|
Phase pilote de suivi | 2025 |
Mise en place officielle | 2027 |
Mécanisme de stabilité des prix activé si besoin | 2027–2030 |
Éventuelle intégration des véhicules lourds et industriels | À partir de 2028 |
Le prix du carbone sera plafonné à 45 €/tonne CO₂ dans les premières années, pour éviter une flambée des coûts pour les consommateurs.
Objectifs de l’ETS2
- Étendre la tarification du carbone à des secteurs représentant environ 40 % des émissions européennes non couvertes par l’ETS1.
- Réduire les émissions de CO₂ de ces secteurs de 43 % d’ici 2030 (par rapport à 2005).
- Envoyer un signal-prix clair et unifié aux acteurs du marché (fournisseurs, constructeurs, propriétaires immobiliers).
- Financer la transition juste via un fonds social pour le climat de plus de 86 milliards d’euros destiné aux ménages vulnérables.
Intérêts et apports
- Extension logique du principe pollueur-payeur à des usages quotidiens : mobilité et chauffage.
- Incentive à long terme pour la rénovation thermique et l’électrification des transports.
- Signal économique intégré : tous les secteurs paient progressivement le prix de leur impact carbone.
- Harmonisation européenne : réduction des écarts réglementaires entre pays.
- Financement du Social Climate Fund pour amortir l’impact social.
Inconvénients et critiques
- Impact social potentiel élevé, surtout dans les pays où les ménages dépendent fortement de la voiture et du chauffage fossile.
- Complexité administrative, avec un risque de répercussion immédiate des coûts sur les consommateurs finaux.
- Volatilité du prix du carbone, source d’incertitude pour les acteurs économiques.
- Efficacité incertaine sans politiques d’accompagnement fortes (subventions, infrastructures, alternatives).
- Risque de fragmentation politique, notamment dans les États membres les plus vulnérables économiquement.
Limites structurelles de l’ETS2
- Il n’inclut pas les émissions agricoles, ni certains usages industriels diffus.
- Le prix du carbone est plafonné artificiellement dans les premières années, ce qui peut en réduire l’effet incitatif.
- Il dépend fortement de la qualité de la mise en œuvre nationale : certains États pourraient sous-investir dans les mécanismes compensatoires.
- Le risque de fuite carbone indirecte existe toujours : si les carburants augmentent en Europe, certains marchés pourraient se tourner vers des circuits non réglementés (contournement, fiscalité parallèle…).
« L’Union européenne entre dans une nouvelle phase de sa stratégie climat avec l’ETS2, qui élargit le champ de la tarification carbone aux secteurs du bâtiment et du transport routier. La phase pilote démarre dès 2025, et son déploiement complet est prévu pour 2027. Cela peut sembler lointain. En réalité, c’est demain.
Pour les entreprises concernées, il est impératif de ne pas attendre 2027 pour s’organiser. Cette période transitoire est l’opportunité de tester, de simuler, de structurer les reporting carbone, de comprendre ses flux énergétiques, et d’intégrer la donnée carbone dans sa stratégie financière et opérationnelle.
Les entreprises qui agiront tôt seront plus compétitives, mieux financées, et surtout, beaucoup plus résilientes. Celles qui attendront le dernier moment risquent de subir la contrainte réglementaire, là où d’autres auront construit un avantage.
Nous accompagnons les entreprises dans cette préparation, avec des outils, des expertises et une vision stratégique fondée sur la réalité des marchés.
Notre message est clair : c’est maintenant qu’il faut se mettre au travail. Nous sommes à vos côtés pour vous aider à transformer cette obligation en opportunité durable. » nous explique Bruno Boggiani, CEO Strateggyz – Green Finance
Conclusion : une avancée stratégique sous condition de maîtrise
L’ETS2 représente un changement de paradigme pour la politique climatique européenne : l’objectif est de ne plus considérer le carbone comme un enjeu industriel uniquement, mais comme une réalité économique quotidienne intégrée.
Pour les investisseurs durables, il constitue un indicateur stratégique de pression réglementaire à venir, notamment sur les secteurs de la mobilité, de l’immobilier, de la construction et de l’énergie distribuée.
Mais son efficacité dépendra d’un équilibre subtil entre incitation, acceptabilité sociale et capacité d’investissement. La transition ne se fera pas à coups de taxes punitives, mais par une redistribution intelligente du produit de ces mécanismes vers des solutions concrètes et justes.
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