Évolutions économiques et monétaires

Euro concept in a city.

Lors de sa réunion de politique monétaire du 10 septembre 2020, le Conseil des gouverneurs a décidé de laisser inchangée l’orientation accommodante de sa politique monétaire.

Vue d’ensemble

 Les informations devenues disponibles signalent un fort rebond  quoiqu’incomplet de l’activité économique, globalement conforme aux anticipations, le niveau d’activité demeurant cependant bien inférieur aux niveaux constatés avant la pandémie de coronavirus (COVID-19). Si l’activité a continué de s’améliorer dans le secteur manufacturier, elle s’est légèrement ralentie, récemment, dans celui des services. La vigueur de la reprise reste entourée d’une forte incertitude, car elle reste très dépendante de l’évolution future de la pandémie et de la réussite des politiques d’endiguement. La demande intérieure dans la zone euro s’est nettement redressée, à partir de niveaux faibles, même si l’incertitude élevée entourant les perspectives économiques continue de peser sur la consommation privée et sur l’investissement des entreprises. L’inflation totale est freinée par l’atonie des prix de l’énergie et la faiblesse des tensions sur les prix, dans le contexte d’une demande peu dynamique et d’une importante sous-utilisation des capacités sur le marché du travail. Dans ce contexte, une forte relance monétaire reste indispensable pour soutenir la reprise économique et préserver la stabilité des prix à moyen terme. C’est la raison pour laquelle le Conseil des gouverneurs a décidé de confirmer une nouvelle fois l’orientation très accommodante de sa politique monétaire lors de sa réunion du 10 septembre 2020.

Évaluation économique et monétaire au moment de la réunion du Conseil des gouverneurs du 10 septembre 2020

La pandémie de coronavirus demeure la principale source d’incertitude pour l’économie mondiale. Après une stabilisation temporaire vers la mi-mai, qui a entraîné une levée progressive des mesures d’endiguement, le nombre de nouveaux cas quotidiens a recommencé à augmenter plus récemment, alimentant les craintes d’une forte recrudescence des infections. Ces craintes pèsent sur la confiance des consommateurs. Les données devenues disponibles confirment que l’activité économique mondiale a atteint un plancher au deuxième trimestre et a entamé un rebond, parallèlement à la levée progressive des mesures d’endiguement à partir de la mi-mai. Les projections macroéconomiques de septembre 2020 établies par les services de la BCE prévoient une contraction du PIB en volume mondial (hors zone euro) de 3,7 % cette année et une croissance de 6,2 % et 3,8 %, respectivement, en 2021 et 2022.

En dépit d’un nouveau léger assouplissement depuis la réunion du Conseil des gouverneurs de juin 2020, les conditions financières dans la zone euro n’ont pas encore retrouvé les niveaux observés avant la pandémie de coronavirus. Au cours de la période sous revue (du 4 juin au 9 septembre 2020), la courbe à terme du taux moyen pondéré au jour le jour de l’euro (Eonia) s’est légèrement déplacée vers le bas et, en dépit d’une légère inversion sur la partie courte, elle ne signale pas d’anticipation forte d’une baisse imminente des taux directeurs. Les écarts de rendement des obligations souveraines à long terme de la zone euro ont diminué au cours de la période sous revue, sous l’effet de la combinaison des mesures de soutien monétaire et budgétaire. Les prix des actifs risqués ont légèrement augmenté, principalement en raison de perspectives de bénéfices à court terme généralement plus positives. Sur les marchés des changes, l’euro s’est apprécié relativement fortement en termes pondérés des échanges commerciaux et par rapport au dollar.

Le PIB en volume de la zone euro s’est contracté de 11,8 %, en glissement trimestriel, au deuxième trimestre 2020. Les données disponibles et les résultats d’enquêtes indiquent une poursuite de la reprise économique dans la zone euro ainsi qu’un rebond du PIB au troisième trimestre, le PIB restant cependant inférieur aux niveaux d’avant la crise. Parallèlement à un rebond significatif de la production industrielle et des services, des signes d’une nette reprise de la consommation apparaissent. L’activité s’est ralentie récemment dans le secteur des services par rapport au secteur manufacturier, ce qui ressort également des résultats d’enquêtes pour le mois d’août. Les hausses des taux d’infection par le coronavirus au cours des mois d’été obscurcissent les perspectives à court terme. Pour la période à venir, la poursuite d’une reprise soutenue demeure fortement dépendante de l’évolution de la pandémie et de la réussite des politiques d’endiguement. Alors que l’incertitude concernant l’évolution de la pandémie est de nature à peser sur la reprise du marché du travail ainsi que sur le redressement de la consommation et de l’investissement, l’économie de la zone euro doit être soutenue par des conditions de financement favorables, une orientation budgétaire expansionniste et un affermissement de l’activité et de la demande mondiales.

Cette évaluation se reflète globalement dans les projections macroéconomiques de septembre 2020 établies par les services de la BCE pour la zone euro. Ces projections tablent sur une croissance annuelle du PIB en volume de – 8,0 % en 2020, 5,0 % en 2021 et 3,2 % en 2022. Par rapport aux projections macroéconomiques de juin 2020 établies par les services de l’Eurosystème, les perspectives de croissance du PIB en volume ont été révisées à la hausse pour 2020 et demeurent largement inchangées pour 2021 et 2022. Étant donné l’incertitude exceptionnelle qui entoure actuellement les perspectives, les projections contiennent deux autres scénarios, un scénario clément et un scénario sévère, correspondant aux différentes hypothèses concernant l’évolution de la pandémie. Dans l’ensemble, la balance des risques entourant les perspectives de croissance dans la zone euro est considérée comme restant orientée négativement. Cette évaluation reflète dans une large mesure les implications économiques et financières encore incertaines de la pandémie.

Selon l’estimation rapide d’Eurostat, la hausse annuelle de l’IPCH dans la zone euro s’est ralentie à – 0,2 % en août, après 0,4 % en juillet. Sur la base des prix actuels du pétrole et des prix des contrats à terme sur le pétrole, et compte tenu de la réduction temporaire de la TVA en Allemagne, l’inflation totale devrait rester négative au cours des prochains mois avant de redevenir positive début 2021. De plus, les tensions sur les prix vont rester contenues à court terme en raison de l’atonie de la demande, de la diminution des tensions sur les salaires et de l’appréciation de l’euro, en dépit de tensions à la hausse liées à des contraintes d’offre. À moyen terme, une reprise de la demande, soutenue par une politique monétaire et des politiques budgétaires accommodantes, exercera une pression à la hausse sur l’inflation. Les indicateurs des anticipations d’inflation à plus long terme extraits des instruments de marché sont revenus à leurs niveaux d’avant la pandémie, mais demeurent très modérés, tandis que les mesures tirées d’enquêtes restent faibles.

Cette évaluation ressort globalement des projections macroéconomiques de septembre 2020 établies par les services de la BCE pour la zone euro, qui anticipent une inflation annuelle de 0,3 % en 2020, 1,0 % en 2021 et 1,3 % en 2022. Par rapport aux projections macroéconomiques de juin 2020 établies par les services de l’Eurosystème, les perspectives d’inflation sont inchangées pour 2020, ont été révisées à la hausse pour 2021 et restent inchangées pour 2022. La projection d’inflation inchangée pour 2022 masque une révision à la hausse de l’inflation hors énergie et produits alimentaires – reflétant en partie l’incidence positive des mesures monétaires et budgétaires – qui est largement compensée par la trajectoire révisée des prix de l’énergie. La hausse annuelle de l’IPCH hors énergie et produits alimentaires devrait s’établir à 0,8 % en 2020, 0,9 % en 2021 et 1,1 % en 2022.

La pandémie de coronavirus a continué d’influer de manière significative sur la dynamique monétaire dans la zone euro. La croissance de la monnaie au sens large (M3) a continué de s’accentuer, atteignant 10,2 % en juillet 2020, après 9,2 % en juin. Cette forte croissance de la monnaie traduit la création de crédit domestique, la poursuite des achats d’actifs effectués par l’Eurosystème ainsi qu’une attitude prudente favorisant une préférence accrue pour la liquidité parmi les détenteurs de monnaie. Dans ce contexte, l’agrégat monétaire étroit M1, qui englobe les formes de monnaie les plus liquides, continue d’apporter la principale contribution à la croissance monétaire au sens large. Les évolutions des prêts au secteur privé ont continué d’être déterminées par l’impact du coronavirus sur l’activité économique. Le taux de croissance annuel des prêts aux sociétés non financières est resté globalement stable en juillet, à 7,0 %, contre 7,1 % en juin. Ces taux de croissance élevés reflètent les besoins de liquidité importants des entreprises en vue de financer leurs dépenses courantes et leurs fonds de roulement et de continuer à constituer des coussins de liquidité, même si le rebond de l’activité économique a permis un léger redressement de leurs recettes. Le taux de croissance annuel des prêts accordés aux ménages est lui aussi demeuré stable à 3,0 % en juillet. Les mesures de politique monétaire adoptées par le Conseil des gouverneurs, conjuguées aux mesures prises par les gouvernements nationaux et les institutions européennes, continueront de favoriser l’accès au financement, y compris pour ceux qui sont les plus éprouvés par les conséquences de la pandémie.

La pandémie de coronavirus continue d’avoir un impact extrêmement fort sur les finances publiques de la zone euro. Le coût budgétaire des mesures d’endiguement a été substantiel pour l’ensemble des pays de la zone euro, même si la charge budgétaire et la capacité de réponse varient d’un pays à l’autre. Du fait de la récession économique et du soutien budgétaire substantiel, le déficit budgétaire des administrations publiques de la zone euro devrait se creuser de manière significative, pour atteindre 8,8 % du PIB en 2020, contre 0,6 % en 2019. Le ratio de déficit devrait diminuer pour revenir à 4,9 % et 3,6 % du PIB, respectivement, en 2021 et 2022. Les mesures budgétaires d’envergure prises en 2020 ont entraîné, outre une composante cyclique négative reflétant la détérioration de la situation macroéconomique, une dégradation correspondante du solde primaire corrigé du cycle. L’amélioration attendue par la suite devrait résulter de la suppression progressive des mesures d’urgence et d’une situation conjoncturelle plus favorable. Une orientation budgétaire ambitieuse et coordonnée reste essentielle, compte tenu de la forte contraction de l’économie de la zone euro, même si les mesures adoptées devraient être ciblées et temporaires. À cet égard, les trois filets de sécurité adoptés par le Conseil européen pour un montant de 540 milliards d’euros ainsi que le plan « Next Generation EU » de la Commission européenne pour un montant de 750 milliards, qui a vocation à apporter un soutien significatif aux régions et aux secteurs les plus durement touchés par la pandémie, jouent un rôle primordial.

Le train de mesures de politique monétaire

En résumé, un recoupement des résultats de l’analyse économique avec les signaux provenant de l’analyse monétaire confirme qu’un degré élevé de soutien monétaire est nécessaire à la convergence durable de l’inflation vers des niveaux inférieurs à, mais proches de 2 % à moyen terme. Dans ce contexte, le 10 septembre 2020, le Conseil des gouverneurs a confirmé de nouveau l’ensemble des mesures de politique monétaire accommodantes en place.

  1. Le Conseil des gouverneurs a décidé de laisser inchangés les taux directeurs de la BCE. Il prévoit que ces taux resteront à leurs niveaux actuels ou à des niveaux plus bas jusqu’à ce que les perspectives d’inflation convergent durablement vers un niveau suffisamment proche de, mais inférieur à 2 % sur l’horizon de projection, et que cette convergence se reflète de manière cohérente dans la dynamique d’inflation sous-jacente.
     
  2. Le Conseil des gouverneurs a décidé de poursuivre ses achats dans le cadre du programme d’achats d’urgence face à la pandémie (pandemic emergency purchase programme, PEPP), dont l’enveloppe totale est de 1 350 milliards d’euros. Ces achats contribuent à assouplir l’orientation globale de la politique monétaire et à compenser ainsi l’impact à la baisse de la pandémie sur la trajectoire projetée de l’inflation. Les achats vont se poursuivre dans le temps, de façon souple, répartis entre les différentes catégories d’actifs et juridictions. Le Conseil des gouverneurs pourra ainsi contrecarrer efficacement les risques pesant sur une transmission harmonieuse de la politique monétaire. Le Conseil des gouverneurs effectuera des achats nets d’actifs au titre du PEPP au moins jusqu’à fin juin 2021 et, dans tous les cas, jusqu’à ce qu’il juge que la crise du coronavirus est terminée. En outre, il réinvestira les remboursements au titre du principal des titres arrivant à échéance acquis dans le cadre du PEPP au moins jusqu’à la fin de 2022. Dans tous les cas, le futur dénouement du portefeuille PEPP sera géré de façon à éviter toute interférence avec l’orientation adéquate de la politique monétaire.
     
  3. Les achats nets en vertu du programme d’achats d’actifs (asset purchase programme, APP) vont continuer à un rythme mensuel de 20 milliards d’euros, ainsi que les achats au titre de l’enveloppe supplémentaire temporaire à hauteur de 120 milliards, jusqu’à la fin de l’année. Le Conseil des gouverneurs continue de prévoir d’avoir recours aux achats mensuels nets d’actifs au titre de l’APP aussi longtemps que nécessaire pour renforcer les effets accommodants des taux directeurs de la BCE, et d’y mettre fin peu avant de commencer à relever ces taux. De plus, le Conseil des gouverneurs entend poursuivre les réinvestissements, en totalité, des remboursements au titre du principal des titres arrivant à échéance acquis dans le cadre de l’APP pendant une période prolongée après la date à laquelle il commencera à relever les taux d’intérêt directeurs de la BCE et, en tout cas, aussi longtemps que nécessaire pour maintenir des conditions de liquidité favorables et un degré élevé de soutien monétaire.
     
  4. Enfin, le Conseil des gouverneurs continuera également à fournir une liquidité abondante par le biais de ses opérations de refinancement. En particulier, les volumes souscrits lors de la dernière opération de la troisième série d’opérations de refinancement à plus long terme ciblées (TLTRO III) ont été très élevés, ce qui soutient l’octroi par les banques de prêts aux entreprises et aux ménages.