Financer l’adaptation climatique : vers un nouveau pacte mondial de solidarité

adaptation climatique

Face à l’accélération du changement climatique, l’enjeu de l’adaptation devient un pilier incontournable des politiques climatiques internationales. Si les efforts d’atténuation visent à réduire les émissions de gaz à effet de serre. L’adaptation consiste à préparer les sociétés à vivre avec les conséquences inévitables de la crise climatique. Pour les pays du Sud, ces conséquences sont déjà une réalité. Canicules meurtrières, montée des eaux, insécurité alimentaire et crises sanitaires.

Dans ce contexte, la question du financement mondial de l’adaptation est cruciale. Comment réparer une dette climatique historique. Soutenir les populations les plus touchées et structurer un avenir soutenable sans reproduire les inégalités ?

Ceci est un extrait d’une interview, sélectionné par votre média Green Finance. Qui donne la parole à tous, même si cela peut vous déplaire et nous déclinons toutes responsabilités sur la source et les propos de cet extrait.

Une dette climatique historique

Les pays du Nord, historiquement responsables de la grande majorité des émissions de CO2, ont accumulé une dette climatique envers les pays du Sud. Qui subissent aujourd’hui des effets dévastateurs. Les populations les plus pauvres, responsables de moins de 10 % des émissions mondiales. Paient le prix fort des catastrophes climatiques.

Dans les prochaines décennies, on estime que 6 millions de personnes par an pourraient mourir de la chaleur. Principalement dans des régions où les ressources pour s’adapter sont quasi inexistantes. Cette injustice climatique soulève une exigence morale et politique de compensation.

Le principe des “pertes et dommages” a été introduit dans les discussions internationales pour répondre à ce besoin. Cependant, la mise en œuvre concrète demeure évasive. Les promesses faites lors de la COP28 restent floues. Et le débat sur les montants à allouer, ainsi que sur les mécanismes de redistribution, est loin d’être tranché.

Des solutions innovantes : vers une fiscalité climatique mondiale

Pour pallier ce déficit de financement, des pistes ambitieuses sont explorées. L’une d’elles repose sur l’idée de taxer les plus grandes fortunes et les multinationales, principaux bénéficiaires de la mondialisation et gros émetteurs de gaz à effet de serre.

Une taxe mondiale sur les milliardaires pourrait rapporter environ 200 milliards de dollars par an, tandis que la taxe minimale sur les multinationales, déjà validée par une coalition internationale, pourrait générer 250 milliards de dollars supplémentaires. Ensemble, ces mesures offriraient une capacité d’investissement annuelle de 500 milliards de dollars, consacrés à l’adaptation.

Ces propositions rencontrent un fort soutien populaire. Des enquêtes menées en Europe et aux États-Unis montrent un large consensus en faveur d’une taxe climatique équitable. 84 % des Européens et 69 % des Américains approuvent l’idée d’imposer les plus riches pour financer l’adaptation dans les pays vulnérables.

Donner directement aux populations concernées

Parmi les pistes les plus efficaces identifiées, le transfert direct d’argent aux personnes concernées se révèle à la fois simple, efficace et éthique. Lors de catastrophes climatiques, donner de l’argent à ceux qui en ont besoin permet une réponse rapide, ciblée et adaptée aux besoins réels.

Ce mécanisme s’inspire des stratégies de lutte contre la pauvreté, où il a été démontré que les populations utilisent les fonds avec discernement pour se protéger et investir dans leur avenir. Au Bangladesh, au Togo ou en Mongolie, des programmes pilotes ont confirmé l’efficacité de cette approche.

Mais les transferts individuels ne suffisent pas. Ils doivent être complétés par des investissements structurels dans les infrastructures, les logements, l’agriculture, la gestion de l’eau ou encore l’urbanisme.

Des initiatives locales à soutenir et démultiplier

Il existe déjà des exemples inspirants d’adaptation structurante dans les pays du Sud. Au Niger, une région frappée par l’appauvrissement des sols a vu renaître des terres agricoles grâce à une méthode simple : les demi-lunes. Il s’agit de creuser des trous en forme de croissant dans les champs pour retenir l’eau de pluie et favoriser la régénération des sols.

Ce type d’innovation, à la fois low-tech, accessible et efficace, mérite d’être largement diffusé. Or, les moyens manquent pour essaimer ces pratiques à grande échelle. Un fonds climatique bien conçu pourrait permettre aux chercheurs, activistes, agriculteurs et responsables politiques de tester, documenter et répliquer des solutions locales.

Il s’agit de favoriser l’innovation contextuelle, adaptée aux réalités de terrain, plutôt que de plaquer des modèles venus du Nord.

Changer les mentalités : le pouvoir du geste individuel

Malgré l’ampleur du problème climatique, chaque action individuelle compte. Une idée fausse très répandue consiste à croire qu’à titre personnel, il est inutile de changer ses habitudes car les effets seraient négligeables face à l’immensité du défi global.

Or, les recherches montrent que les effets du CO2 sont linéaires : chaque tonne émise a le même impact que la précédente. Il n’existe pas de “seuil magique” au-delà duquel tout serait vain. Ainsi, manger moins de viande rouge, limiter ses trajets aériens, ou adopter des modes de vie sobres n’est pas anecdotique.

L’approche par petits pas, loin de nier la responsabilité collective, encourage à agir à tous les niveaux. C’est aussi une façon de sortir du fatalisme et de reprendre du pouvoir sur l’avenir.

Vers une gouvernance de l’adaptation

Pour que les politiques d’adaptation soient efficaces, encore faut-il pouvoir les évaluer. Trop souvent, les programmes financés ne font l’objet d’aucun suivi rigoureux. On ignore leur efficacité réelle, leur coût-bénéfice, ou leur impact social.

Il devient donc urgent de renforcer les capacités d’évaluation. En France, le Haut Conseil pour le climat pourrait jouer un rôle accru en matière de contrôle des politiques publiques climatiques. À l’échelle internationale, il faudrait imaginer des instances indépendantes capables de garantir la transparence, l’efficacité et la justice dans l’utilisation des fonds.

Sans outils de suivi, impossible de tirer les leçons des succès ou des échecs. La rigueur scientifique et l’expérimentation doivent devenir les piliers de la politique climatique mondiale.

Une vision pragmatique et réaliste

Il est temps d’abandonner l’idée que la crise climatique est un problème monolithique et insoluble. En la fragmentant en sous-problèmes, chacun à son échelle, il devient possible de construire des réponses adaptées, efficaces et déployables.

Qu’il s’agisse de renforcer des digues, adapter les cultures, loger des populations déplacées ou expérimenter de nouveaux métiers, chaque défi peut faire l’objet de solutions spécifiques. Ce pragmatisme est la clé d’une transition juste.

Loin des grandes déclarations, c’est dans l’accumulation de décisions concrètes, à toutes les échelles, que se joue la capacité de nos sociétés à faire face. Une taxation mondiale ambitieuse, des transferts directs intelligents, des politiques évaluées avec rigueur et une culture de l’expérimentation partagée forment les bases d’un nouveau pacte de solidarité climatique.

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