Greenium, phénomène transitoire ou tendance durable ?

Dans la grande famille des produits d’investissement, nous demandons les green bonds. Ces obligations sociales, vertes ou durables (ou les 3 à la fois) dirigent les investisseurs vers des projets sociétaux avec des retombées positives pour l’environnement, leur garantissant à quelles fins leurs fonds seront utilisés. Représentant 2 à 6% du stock du marché obligataire, les green bonds ont le vent en poupe. Le marché des obligations durables est ainsi passé de 50 milliards de dollars à plus de 1 trillion de dollars en moins de 5 ans. Une croissance inarrêtable tant en termes d’émissions que d’investissements et saluée par une prime verte, le fameux Greenium.

Greenium : un principe incitatif

Greenium est en réalité la contraction de deux termes : green et premium. Comprenez le « premium vert » dont certaines obligations vertes bénéficient. On parle de Greenium lorsque le prix d’une obligation verte est supérieure à celui d’une obligation conventionnelle émise par la même entreprise. Cela implique que les investisseurs acceptent de concéder aux émetteurs un pourcentage de rendement, alors même que le risque bilanciel qu’ils encourent est le même que s’ils souscrivaient à d’autres obligations. Les Greenium ne sont ni permanents ni homogènes mais ils semblent s’affirmer sur le marché vert. Ce surcoût s’imputant sur l’investisseur peut se justifier par la surcharge de travail induite par l’émission de green bonds. Fourniture de renseignements approfondis, traçabilité des fonds, rédaction de comptes-rendus spécifiques : les Greenium s’inscrivent dans une volonté d’accompagnement des entreprises dans leur transition verte. Une logique constructive et incitative qui participe au dynamisme du marché des obligations verte.

Greenium : vers la création d’une nouvelle classe d’actifs ?

L’apparition des Greenium sous-tend une question délicate : les obligations vertes tendraient-elles à constituer une classe d’actifs à part entière ? En janvier 2021, les Greenium représentaient en moyenne 2 pb d’écart de rendement, soit 0,15 % de sur valeur par rapport aux obligations conventionnelles. Dans le même temps, le risque de crédit d’un émetteur d’obligations vertes n’a pas été inférieur par rapport aux autres obligations qu’il a pu émettre. Au maximum, peut-on considérer que son modèle économique s’avère plus durable, puisqu’il comprend des activités et des actifs plus écologiques. Les green bonds ne présentent donc pas une balance risque/rendement sensiblement différente de celle des obligations conventionnelles. À ce titre, elles ne sauraient être considérées comme une nouvelle classe d’actifs.

Greenium : le reflet d’un déséquilibre entre l’offre et la demande


La confirmation des Greenium sur le marché des obligations vertes semble se nourrir de la demande excessive des investisseurs par rapport au volume de green bonds émis. Qu’il s’agisse d’investisseurs désireux de « verdir » leurs fonds obligataires ou d’investisseurs cherchant réellement à soutenir des activités bénéfiques à l’environnement, l’enthousiasme envers les green bonds ne se dément pas. Comme chaque fois que la demande surpasse l’offre, s’ensuit une hausse des prix. De ce point de vue, les obligations vertes ne sont pas l’exception qui confirme la règle. En attirant davantage d’investisseurs susceptibles de les acheter, elles génèrent naturellement un Greenium. Prenons l’exemple
de secteurs comme l’automobile, les télécommunications ou la consommation pour lesquels les green bonds ne sont pas encore monnaie courante. On observe des Greenium moyens autour de 7 %. Des pourcentages de rendement importants que les investisseurs sont prêts à concéder au vu de la rareté de ce type d’émissions. Si l’on suit cette logique, on peut présager que les Greenium devraient disparaître dans les années à venir, dès que la taille du marché s’accroîtra. Un phénomène qui pourrait intervenir plus tôt que prévu, l’Union Européenne ayant annoncé sa volonté d’émettre 500 milliards de dollars de green bonds pour l’année à venir. À moins que l’établissement d’un standard
dans ce domaine vienne contrarier la vie naturelle du marché vert…