Assurer la transition vers une durabilité accrue et atteindre les objectifs climatiques nécessite l’implication et la participation du secteur financier, les banques ayant un rôle crucial à jouer. Nous en avons discuté avec Catherine Bourin, membre du comité de direction de l’ABBL, et Julien Froumouth, conseiller en finance durable chez ABBL, qui nous ont partagé leurs points de vue sur la manière dont le secteur bancaire s’adapte à cette nouvelle réalité, comment il peut accompagner la transition et le rôle des investisseurs de détail.
LSFI: 2020 et 2021 sont des années record pour la finance durable. Comment les banques s’adaptent-elles à l’essor de la finance durable ?
ABBL: Les diverses réglementations et réformes initiées dans le cadre du plan d’action de l’UE sur la finance durable poussent fortement toutes les entreprises, y compris le secteur financier, à être plus transparentes sur la manière et dans quelle mesure elles prennent en compte les facteurs ESG dans leurs politiques, leurs processus commerciaux et leurs décisions d’investissement.
Selon une publication récente de Morningstar, environ 25% des fonds de l’UE se sont classés comme des fonds promouvant les caractéristiques ESG ou ayant des investissements durables comme objectifs au titre du nouveau règlement sur la divulgation de la finance durable («SFDR»), représentant un actif combiné de 2,16 billions d’euros. Et nous prévoyons que ce nombre augmentera dans les années à venir à mesure que les normes seront clarifiées et harmonisées. Nous avonhttps://lsfi.lu/s également assisté à une augmentation significative des émissions d’obligations vertes, durables et sociales au cours des dernières années.
L’attention croissante accordée à la finance durable entraîne une évolution substantielle vers une plus grande divulgation publique et une plus grande transparence sur les questions ESG, en particulier pour éviter le greenwashing. Mais une telle transparence comporte sa propre difficulté et complexité: en effet, l’un des défis majeurs auxquels sont confrontées les entreprises et les institutions financières est d’identifier et de comprendre correctement les flux d’informations ESG qui doivent être captés et traités pour répondre à ces nouvelles exigences de divulgation et enfin offrir le bon niveau de transparence envers les différentes parties prenantes. Le déverrouillage du changement ne sera possible que grâce à la disponibilité, à la comparabilité et à la fiabilité de données de haute qualité, facilement accessibles et à un coût raisonnable.
Quels sont les principaux obstacles qui pourraient empêcher les banques d’inclure la durabilité dans leurs stratégies d’investissement ?
ABBL: Il existe encore une confusion autour de ce que représentent l’ESG ou les investissements durables dans la pratique. Par conséquent, le risque d’être accusé de greenwashing ou de misselling pourrait dissuader certains acteurs de se lancer dans l’arène de la finance durable. Les exigences de divulgation multiples à un moment où certaines données requises sont manquantes pourraient également représenter un obstacle pour les banques, bien qu’elles soient disposées à inclure plus de durabilité dans leurs stratégies d’investissement. C’est aussi la raison pour laquelle les nouvelles réglementations et les pratiques de marché doivent être équilibrées de manière à offrir suffisamment de flexibilité pour encourager autant d’acteurs que possible à accompagner la transition vers une économie plus durable, dans une réglementation bien encadrée et harmonisée. environnement.
Cela dit, toutes les banques devront tenir compte des facteurs de durabilité d’une manière ou d’une autre, car l’intégration de critères ESG dans les processus commerciaux et les cadres de gestion des risques devient obligatoire, qu’il y ait une promotion active ou des investissements dans des produits durables ou non.
Comment les banques peuvent-elles accompagner la transition vers une durabilité accrue et pourquoi sont-elles un acteur clé ?
Les objectifs fixés par la loi européenne sur le climat récemment convenue et au niveau international (par exemple aux États-Unis, en Chine ou au Canada) pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, atteindre la neutralité carbone et les objectifs de développement durable plus larges représentent des défis stupéfiants. Surtout quand on considère le montant des investissements nécessaires pour faire la transition vers une économie nette zéro. À cette fin, le secteur financier sera essentiel pour atteindre ces objectifs. Les institutions financières, y compris les banques, dans leurs divers rôles de prêteurs, de gestionnaires d’actifs, d’investisseurs, de conseillers et d’émetteurs, sont les éléments interdépendants essentiels pour canaliser les capitaux vers les secteurs, activités, projets et entreprises qui permettent une voie plus durable de croissance économique.
En plus d’offrir des capacités de prêt, de financement et d’investissement, nous pouvons également voir le rôle des banques pour soutenir ce changement sous un angle différent. Les banques ont également un rôle clé à jouer dans la sensibilisation et l’éducation de leurs clients sur les questions de durabilité. Ils devront également divulguer comment ils accompagnent leurs clients et contreparties dans leur propre adaptation au développement durable, à travers un dialogue permanent et un engagement clair.
Une partie du changement et de la poussée vers une durabilité accrue vient du client, dans le cas des banques, des investisseurs privés. Où la demande accrue des clients a-t-elle été identifiée à cet égard ? transition
ABBL: La demande de produits d’investissement conformes aux normes ESG augmente et incite les banques ainsi que les compagnies d’assurance et les gestionnaires d’actifs à fabriquer et à recommander des solutions d’investissement dans des projets et des entreprises durables. Nous constatons également que les fonds durables tirent désormais plus de liquidités que les fonds conventionnels. Cette forte demande provient à la fois des investisseurs institutionnels et des particuliers, incitant les distributeurs de produits financiers comme les banques à recommander et à proposer de plus en plus de produits verts ou durables, et en fin de compte repousser la pression sur les fabricants de produits comme les fonds pour développer une offre adéquate à cette fin.
Les actes délégués modificatifs récemment publiés par la Commission européenne le 21 avril 2021 placent désormais les préférences des clients en matière de développement durable au même niveau que d’autres informations avec leurs connaissances et leur expérience en matière d’investissement ou leur tolérance au risque.
Par conséquent, l’un des plus grands défis à venir pour les banques sera de comprendre et de naviguer dans la large gamme de produits d’investissement qui se sont qualifiés de durables et de sélectionner ceux qui répondent le mieux aux préférences et aux attentes de leurs clients en matière de durabilité.
On constate que les grands clients se concentrent sur des investissements principalement axés sur les enjeux du changement climatique, à savoir le désinvestissement des secteurs ou des entreprises à fort taux d’émission au profit des énergies renouvelables ou des technologies vertes émergentes. Cependant, la pandémie a souligné l’importance d’autres catégories d’investissements. Cela a été comme un signal d’alarme pour les investisseurs à regarder au-delà des questions liées au climat et à naviguer vers des secteurs inexplorés ou moins exposés comme la biodiversité et les problèmes sociaux ou de santé.
Le secteur financier évolue dans des directions que nous n’aurions jamais imaginées il y a quelques années et la finance durable en fait partie, tout comme la numérisation.
Pour adopter et débloquer ce changement durable plutôt que d’être perturbé par celui-ci, les banques devront aller au-delà des concepts bancaires traditionnels et explorer de nouveaux horizons d’investissement, pour répondre aux besoins de leurs clients et construire des modèles commerciaux plus résilients et durables.