L’ancien conseiller à la Sécurité nationale, John Bolton, vide son sac dans des mémoires que l’administration Trump tente de faire interdire
Alors que l’administration Trump tente en urgence de faire bloquer sa parution – prévue le 23 juin – par la justice, les bonnes feuilles du livre de son ex-conseiller à la Sécurité nationale, John Bolton, ont été publiées mercredi dans le New York Times, le Washington Post et le Wall Street Journal. Dans The Room Where It Happened, A White House Memoir (La pièce où ça s’est passé), le faucon moustachu dresse un portrait dévastateur d’un président américain qui aurait monnayé la politique étrangère des Etats-Unis pour servir ses intérêts personnels et sa réélection.
Selon Bolton, s’ils avaient pris en compte plus largement sa politique étrangère dans la procédure d’impeachment, l’issue « aurait pu être bien différente ». Il avait pourtant refusé de témoigner à la Chambre des représentants, préférant – selon ses détracteurs – protéger un contrat de plusieurs millions de dollars pour ses mémoires. Voici les cinq passages les plus marquants.
- Trump aurait demandé de l’aide au président chinois pour sa réélection
L’ex-conseiller y raconte que, en marge d’un sommet du G20 à Osaka, Donald Trump avait « détourné » la conversation avec le président chinois Xi Jinping « vers la prochaine élection présidentielle » en plaidant auprès de Xi « pour qu’il fasse en sorte qu’il l’emporte ». Lors de cette rencontre en juin 2019, le président américain « a souligné l’importance des agriculteurs et de l’augmentation des achats chinois de soja et de blé sur le résultat de l’élection » dans les Etats américains ruraux.
- Donald Tump aurait accordé des « faveurs » à des autocrates
John Bolton s’est inquiété, auprès du ministre de la Justice Bill Barr, « de la volonté de Trump de rendre des services à des autocrates », dont le président turc. Recep Tayyip Erdogan lui aurait demandé de l’aide pour une entreprise dans le collimateur des autorités judiciaires américaines. Trump lui aurait répondu qu’il ne pouvait rien faire dans l’immédiat car le procureur de Manhattan avait été nommé par Barack Obama, mais qu’il réglerait le problème plus tard. Le président américain a ensuite choisi un nouveau procureur, Geoffrey Berman, qui a finalement inculpé la banque turque Halkbank malgré les pressions du ministère de la Justice, affirme CNN. Bolton accuse également le président américain d’avoir levé les sanctions contre le groupe de télécoms chinois ZTE comme monnaie d’échange pour négocier un accord commercial avec Pékin.
- Ses conseillers se moquent de lui derrière son dos
Les responsables de l’administration Trump oscillaient, d’après l’ex-conseiller, entre profonde inquiétude et moqueries. Dans un mot glissé à John Bolton lors du sommet historique entre Donald Trump et le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un en 2018, le secrétaire d’Etat Mike Pompeo aurait ainsi écrit : « Il ne raconte que des conneries » (he is so full of shit »).
Pompeo aurait par la suite indiqué que les négociations de Trump avec Kim Jong-un n’avaient « aucune chance d’aboutir ». Le président américain aurait ensuite demandé à son secrétaire d’Etat d’offrir en cadeau à Kim Jong-un CD Rocket Man dédicacé par Elton John – en référence au surnom que Donald Trump avait donné au leader nord-coréen lors des tensions nucléaires. Mais Kim Jong-un avait snobé Pompeo lors de son voyage, préférant aller inspecter un champ de patates. Selon Bolton, « donner ce CD à Kim est resté une priorité [de Trump] pendant plusieurs mois ».
- Le président américain serait (très) ignare
Les mémoires de John Bolton font parfois écho aux chroniques de Michael Wolfe dans Le Feu et la Fureur. Bolton décrit un président américain qui aurait notamment demandé à Theresa May si le Royaume-Uni était une puissance nucléaire, et à son chef de cabinet, John Kelly, si la Finlande faisait partie de la Russie. Selon Bolton, briefer le président américain sur la géopolitique ne sert à rien car Trump « passe la majeure partie de son temps à parler au lieu d’écouter ».
- Trump aurait donné sa bénédiction aux « camps de concentration » en Chine
Alors que d’influents sénateurs républicains dénoncent sans relâche la Chine, John Bolton écrit que, toujours à Osaka en 2019 : « Uniquement en présence des interprètes, Xi avait expliqué à Trump pourquoi, en gros, il construisait des camps de concentration dans le Xinjiang. Selon notre interprète, Trump a dit que Xi devait continuer à construire ces camps, dont Trump pensait que c’était exactement la bonne chose à faire ».