Nouveau record en fusion nucléaire réalisé par des scientifiques

Essai de fusion nucléaire aux USA : un pas de plus vers la révolution énergétique ? Des chercheurs américains affirment avoir réalisé une avancée historique début août 2021 en réussissant à produire une énergie record grâce à la fusion nucléaire, cette méthode expérimentale vue par certains scientifiques comme la solution aux problèmes environnementaux actuels.

Dans la recherche sur la fusion nucléaire

Le 8 août, pendant une fraction de seconde presque imperceptible, des lasers massifs installés dans un complexe gouvernemental du nord de la Californie ont reproduit le fonctionnement du soleil sur une minuscule surface chaude, pas plus large qu’un cheveu humain. Cela peut paraître dérisoire au premier abord mais il s’agit d’une avancée importante dans la recherche sur la fusion nucléaire, une énergie renouvelable vue par ses défenseurs comme la solution aux nombreux défis énergétiques et environnementaux de notre monde.

L’expérience s’est déroulée au National Ignition Facility, qui occupe l’espace de trois terrains de football sur le campus du Lawrence Livermore National Laboratory, sur la partie Est de la baie de San Francisco. De puissants lasers ont été dirigés vers une minuscule cible, ce qui a provoqué une réaction dégageant plus de 10 quadrillions de watts de puissance.

Fait remarquable, cela représente environ 6 % de l’énergie totale du soleil qui atteint en permanence la surface de la Terre, alors que l’expérience n’a duré que 100 trillionièmes de seconde. Dans ce laps de temps minuscule, les scientifiques ont tout de même réalisé une grande avancée : le point chaud a pu déclencher une réaction en chaîne auto-entretenue, fusionnant d’autres atomes d’hydrogène et poursuivant le processus de production d’énergie automatiquement, comme un moteur à combustion brûlant une molécule de carburant après l’autre pour continuer à fonctionner.

Le seuil d’ignition dans la ligne de mire 

Lors de l’expérience, les scientifiques ont presque atteint ce qu’on appelle le seuil d’ignition, une étape clé de la feuille de route vers une fusion exploitable. Le seuil d’ignition est le moment où la quantité d’énergie produite suite à la fusion égalise la quantité d’énergie utilisée pour la déclencher. Le moment où le rendement devient positif en somme et rapporte de l’énergie.

Considérant que le seuil d’ignition équivaut à un rendement de 1, les scientifiques sont parvenus ici à atteindre 0,7, égalant le record du monde réalisé en 1997 avec le Tokamak européen JET. “Cette percée phénoménale nous rapproche dangereusement de la démonstration d’un “gain net d’énergie” à partir des réactions de fusion, juste au moment où la planète en a besoin”, a déclaré Arthur Turrell, physicien et auteur de The Star Builders : Nuclear Fusion and the Race to Power the Planet. 

Depuis des décennies, des dizaines d’installations expérimentent différentes méthodes. Le Lawrence Livermore National Laboratory rapporte que, bien qu’une analyse des résultats doive encore être réalisée par la communauté scientifique, les données initiales montrent une production d’énergie huit fois plus élevée que les expériences réalisées plus tôt dans l’année et 25 fois plus que celles de 2018. “À titre de comparaison, cela [représente] environ 1000x plus de rendement énergétique que ce que nous obtenions lorsque j’ai rejoint le projet il y a 10 ans”, a déclaré sur Twitter le physicien Jayson Luc Peterson, membre de l’équipe à l’origine de l’exploit.

Notez que le Tokamak du projet international ITER en cours de construction dans le sud de la France vise un rendement de 10 (10 fois plus d’énergie produite que d’énergie consommée). Contrairement à la fusion par confinement inertiel utilisée par les chercheurs du Lawrence Livermore National Laboratory, les Tokamaks, ces grosses machines expérimentales en forme d’anneau, emploient la méthode dite du confinement magnétique.

Le saint Graal de l’énergie ?

Aujourd’hui, les centrales nucléaires fonctionnent sur le principe de la fission nucléaire, processus qui consiste à diviser les atomes pour créer de l’énergie. La fusion consiste au contraire à fusionner des atomes d’hydrogène en hélium, comme le fait le soleil, libérant une grande quantité de chaleur convertie ensuite en électricité dans des turbines à la manière d’une centrale classique. La fusion est une sorte de Saint Graal pour nombre de scientifiques car en théorie, elle pourrait fournir une source illimitée d’énergie propre, plus sécurisée et sans aucun rejet de déchets radioactifs à vie longue.

À noter que le National Ignition Facility n’est pas conçu comme un outil de développement de l’énergie de fusion à la base, mais comme un outil de recherche sur les armes nucléaires. Selon Jeremy Chittenden, codirecteur du Centre d’études sur la fusion inertielle à l’Imperial College de Londres, ce résultat devrait toutefois encourager d’autres efforts axés sur la création d’énergie propre.

“Nous avons maintenant prouvé qu’il était possible d’atteindre l’ignition, ce qui va donner de l’inspiration à d’autres laboratoires et start-ups du monde entier (…) pour essayer de reproduire les mêmes conditions avec une méthode plus simple, plus robuste et surtout moins chère.” En Europe, le projet ITER vise les années 2050 pour les premières démonstrations commerciales, mais certaines entreprises privées entendent aller plus vite, évoquant de premières exploitations d’ici 2030.

Bien sûr, il reste de nombreux obstacles sur la route. Une fois le seuil d’ignition dépassé, il faudra aller beaucoup plus loin pour compenser la perte d’énergie engendrée par la conversion de la chaleur en électricité. Par ailleurs, la réaction créée par les chercheurs devra être reproduite plusieurs dizaines de fois par seconde et en permanence.