Que se passera-t-il à la COP 27 ? 

La COP 27 en Égypte pourrait susciter des appels à prendre des mesures climatiques plus fortes, plus rapides et plus collaboratives, et renouveler le sentiment d’urgence à limiter le réchauffement climatique à +1,5 °C.

Dans cet article, vous retrouverez les différentes visions sures comment va se dérouler la COP27.

La COP 27

L’environnement économique pourrait provoquer un recul des efforts visant à favoriser un financement des marchés développés vers les marchés émergents.

L’accent pourrait être mis davantage sur les efforts d’adaptation, en plus des efforts d’atténuation, compte tenu des progrès difficiles et des avertissements du GIEC.

La prochaine réunion de la Conférence des Parties (COP) sur le changement climatique aura lieu dans un contexte très difficile, à un moment où les questions de sécurité et de coût de l’énergie se heurtent aux pressions en faveur de la réduction des émissions de carbone. Cela pourrait réduire les résultats potentiels, mais des ajustements intéressants sur la voie menant à la neutralité carbone pourraient émerger.

Les discussions à Charm el-Cheikh en Egypte ne seront pas seulement façonnées par les répercussions de la guerre en Ukraine. Les conséquences de la conclusion controversée de la COP 26 à Glasgowdemeurent, tout comme les récents phénomènes météorologiques violents et les avertissements sans équivoque observés dans deux rapports publiés par le Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC) en 2022.

D’une manière générale, nous nous attendons à ce qu’il y ait peu de changements à la COP 27 s’agissant des engagements. La coopération internationale semble plus difficile qu’il y a un an. Il est important de noter que la fragilité économique mondiale pourrait entraver les progrès vers des transferts financiers à plus grande échelle des pays riches vers les marchés émergents afin de stimuler l’action climatique dans ces derniers.

Des progrès quant aux objectifs ?

Un élément qui doit être abordé est l’écart, voire même la tension, entre les objectifs de l’Accord de Paris sur le réchauffement climatique de la planète la voie actuelle fondée sur les engagements de contributions (CDN) déterminés au niveau national (à +2,5°C ou plus et la position de +1,5°C uniquement promue par diverses ONG et initiatives telles que la Net Zero Asset Managers Initiative (NZAMI) dont AXA IM est membre. En bref, cela ne peut pas perdurer.

Dans les médias, on entend souvent qu’il faut « maintenir en vie le 1,5°C ». Il s’agit d’un signe que, de manière globale, nous n’en faisons pas assez, et que l’action climatique doit s’accélérer. Cela reflète les avertissements du GIEC soulignant que le temps presse. Par conséquent, les participants à la COP 27 seront appelés à présenter des objectifs de réduction des émissions mis à jour et plus ambitieux et devront les prendre en considération parallèlement à une prise de conscience croissante des défis humains et sociaux, ainsi que des obstacles financiers et technologiques en jeu.

Dans cette dynamique,” nous pourrions voir de nouveaux engagements concernant la mise à jour des cibles d’émissions”. Certains l’ont déjà fait, notamment l’Australie et les Émirats Arabes Unis , mais il pourrait y avoir des annonces inattendues (positives ou négatives, comme nous l’avons constaté avec l’Inde à Glasgow). Il pourrait également y avoir des commentaires sur l’écart actuel entre les engagements et les actions. Après tout, les émissions mondiales continuent d’augmenter et la consommation de charbon a atteint des sommets en 2021. Et il y aura des pressions pour établir des objectifs intermédiaires de décarbonation entre la date de 2030 présentée dans les CDN et l’échéance de 2050 pour ceux qui ont pris des engagements de neutralité carbone. Nous en serions satisfaits car cela reflèterait le comportement que nous encourageons dans le cadre de nos initiatives d’engagement avec les entreprises.

De nouveaux enjeux

Comme mentionné en amont, nous pensons que l’insuffisance de transferts financiers des pays développés vers les pays émergents sera un point sensible, d’autant que la COP 27 se tient en Afrique. Lors de la COP 15 de Copenhague en 2009, les pays les plus riches se sont engagés à verser 100 milliards de dollars par an aux pays les plus pauvres d’ici 2020. Cela ne s’est pas produit. Selon les estimations, il y a eu un déficit de près de 20 milliards de dollars en 2020, et des ONG telle qu’Oxfam ont critiqué la forte proportion des prêts au sein de ces montants. L’observation des pays émergents de ne pas être à l’origine du problème du changement climatique, alors qu’ils en souffrent le plus, est parfaitement légitime. Si nous nous référons aux récents rapports du GIEC, il est clair que les choses vont empirer sur le plan climatique, et il est probable que les pays pauvres en subiront les plus fortes conséquences.

Compte tenu de l’accroissement des impacts climatiques à venir, nous ne serions pas surpris si l’adaptation aux changements climatiques (en plus de l’atténuation et de la prévention, toujours essentielles) devenait un thème plus urgent parmi les délégués de la COP. Il est vital de protéger les populations des effets actuels, par exemple en transformant les villes pour qu’elles restent vivables malgré un climat plus chaud.

Ce qui nous amène à un dernier point. “Nous pensons que la COP 27 sera l’occasion d’examiner attentivement les impacts sociaux potentiels”. Le but ultime serait de créer une véritable « transition juste » qui tienne pleinement compte des communautés et des individus en première ligne de la crise climatique, et de ceux qui pourraient être touchés négativement dans le monde tandis que nous nous dirigeons vers une nouvelle ère énergétique.

La COP 27 ne pourra pas entièrement échapper au contexte délicat dans lequel elle se déroule, mais comme quasiment toutes les réunions de la COP l’ont prouvé, il subsiste des opportunités à chaque étape charnière pour faire des progrès graduels vers les objectifs climatiques mondiaux.

Il existe aussi un argument selon lequel la guerre en Ukraine et la crise énergétique ne devraient pas n’être qu’une perturbation, mais également une motivation. L’Agence Internationale de l’Energie, dans le très récent « World Energy Outlook 2022 », n’hésite pas à parler d’un point de bascule historique et sans retour en arrière vers un système énergétique plus soutenable, plus juste, et plus sécurisé.

À une époque où la sécurité énergétique et l’énergie à faible coût sont des impératifs politiques, ce n’est un secret pour personne qu’à long terme, ces impératifs pourraient aller de pair avec nos progrès vers les objectifs climatiques mondiaux.

Par Olivier Eugène, Responsable de la Recherche Climat, AXA Investment Managers

COP27, NOUS VOULONS CROIRE QUE « QUAND ON VEUT, ON PEUT »

Où en sommes-nous réellement et que pouvons-nous attendre de la COP27 ?

Malgré le contexte difficile de 2022, certains pays ont renforcé leurs engagements. C’est le cas de l’Australie (avec un objectif révisé de réduction des émissions, passant de 27 % à 43 % d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2005), de l’Inde (avec un objectif de réduction des émissions renforcé de 34 % à 45 % d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2005, et ‘net zéro’ d’ici 2070) et des États-Unis avec l’« Inflation Reduction Act », le plus grand investissement dans le climat et l’énergie de l’histoire américaine (avec un objectif de réduction des émissions de 50 % d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2005 et ‘net zéro’ d’ici 2050).

Parmi la vague d’initiatives sectorielles de décarbonation annoncées lors de la COP26, certaines ont avancé :

  • L’Industrial Deep Decarbonization Initiative (IDDI), dont les membres représentent désormais 11 % et 5 % respectivement de la consommation mondiale d’acier et de ciment ;
  • Le Global Methane Pledge, qui visait à réduire les émissions de méthane de 30 % d’ici 2030 par rapport à 2020, a permis de lancer le Global Methane Pledge Energy Pathway, qui peut désormais se targuer de mobiliser 59 millions de dollars de financement dédié, ainsi qu’une aide en nature pour la mise en œuvre des objectifs clés : exploiter au maximum le potentiel d’atténuation rentable du méthane dans le secteur pétrolier et éliminer le torchage systématique dès que possible, au plus tard en 2030.

Après la gestion chaotique de la crise énergétique de 2022 à travers l’Europe, l’attention va particulièrement se porter sur la faisabilité et la crédibilité de la Déclaration mondiale sur la transition du charbon vers l’énergie propre. Par cette déclaration, les pays développés s’étaient engagés à éliminer l’énergie au charbon d’ici 2030, et les pays en développement, d’ici 2040.

Qu’est-ce qui constituerait un résultat positif pour la COP27 ?

Le fait de progresser vers l’objectif de 100 milliards de dollars par an pour le financement climatique est primordial, ainsi que la définition d’un nouvel objectif pour l’après-2025. En 2020, selon les chiffres annoncés lors de la COP26, seulement 83 milliards de dollars ont été mobilisés pour le financement du climat, 98 % provenant de fonds publics et seulement 2 % du secteur privé, ce qui laisse une grande marge de progression. La Glasgow Financial Alliance for Net Zero (GFANZ) a été créée dans ce but, pour combler le déficit de financement en matière de climat. Elle a mobilisé plus de 450 participants, représentant plus de 130 000 milliards de dollars d’actifs sous gestion lors de son lancement en 2021. Bien que nous ayons vu de nombreux autres engagements depuis lors, le mouvement de dénigrement de l’ESG dans les états américains républicains, ces derniers mois, a commencé à soulever des inquiétudes quant au positionnement des banques en ce qui concerne l’atténuation du changement climatique. Le marché craint que l’alliance ne se fragilise si les banques américaines se retiraient, au motif que les engagements « net zéro » posent des risques de responsabilité qui pourraient être considérés comme trop élevés aujourd’hui.

Cette division du marché pousse les acteurs financiers dans des directions opposées, elle est contre-productive pour la mobilisation du financement climatique. En effet, cela détourne l’attention de l’industrie financière alors que nous avons un défi pratique à relever à plus court terme : comment augmenter les dépenses sur un problème de fond, tout en tenant compte du fardeau de la récession économique qui se profile. Entreprises et gouvernements n’auront pas la même réponse à cette question.

En période de contraction économique, les entreprises réagissent en réduisant leurs plans de dépenses en investissements, en gelant les nouvelles embauches (voire en licenciant du personnel), pour préserver la continuité d’exploitation tout en optimisant leur efficacité. Cependant, les PDG, qui ont un mandat qui s’étend au-delà du cycle de récession, doivent apporter une vision de résilience et durabilité à travers les cycles. Cela ne peut être envisagé aujourd’hui sans prendre en compte les externalités sociales et environnementales. Notre expérience dans l’examen d’opportunités d’investissement au sein de nos approches d’atténuation du changement climatique nous a appris que la qualité du management et l’efficacité de la gouvernance d’entreprise se reflètent dans la capacité des équipes de direction à voir au-delà des turbulences de court terme, en continuant à investir dans ce dont l’entreprise aura besoin lorsque le contexte sera plus porteur : en conservant les talents, en réorganisant l’entreprise, en modifiant la gamme de produits, etc.

L’année 2022 a été marquée par le deuxième ouragan le plus destructeur et le plus coûteux aux États-Unis. L’ouragan Ian a causé des dommages estimés à plus de 100 milliards de dollars. Les inondations au Pakistan et en Australie, les sécheresses record (parmi les pires depuis 500 ans), les canicules et les incendies de forêt dans l’hémisphère nord sont autant de catastrophes climatiques qui devraient devenir 15 à 30 fois plus fréquentes dans le futur. Les implications directes ne sont pas seulement liées à la reconstruction, mais concernent aussi la sécurité alimentaire, c’est-à-dire la baisse du rendement des cultures (baisse de 30 % de la récolte de riz dans le nord de l’Italie l’été dernier) et donc aussi du fourrage pour animaux. Des effets à plus long terme sont également à prévoir sur la biodiversité et les écosystèmes, avec des conséquences encore plus lourdes.

La COP27 se réunira dans un contexte économique et géopolitique très morose. Bien que les attentes soient faibles, on ne peut exclure de bonnes surprises. Nous ne pouvons qu’espérer et plaider pour que nos dirigeants regardent au-delà de la récession imminente et des tensions géopolitiques avec la Russie et qu’ils promeuvent des plans climatiques plus ambitieux pour protéger notre planète.

Par Marie Lassegnore, CFA, Head of Sustainable Investments, La Française AM

COP27 : L’HEURE DES BELLES PAROLES ?

4 GRAPHIQUES À GARDER À L’ESPRIT PENDANT LA COP27

Combler le fossé : les nouvelles promesses sont-elles conformes à celles de Paris ? Ou encore complètement en dehors des clous ?

À la veille de la COP27, la division des Nations unies chargée du changement climatique a publié un autre rapport inquiétant : nous sommes loin de l’ampleur et du rythme des réductions d’émissions nécessaires pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C d’ici à la fin du siècle. Au contraire, sur la base des engagements climatiques combinés (contributions déterminées au niveau national ou CDN), nous pourrions mettre le monde sur la voie d’un réchauffement d’environ 2,5°C d’ici la fin du siècle. Il semble que le Pacte de Glasgow pour le climat se soit perdu quelque part dans le courrier. Une note positive cependant : selon l’analyse, les émissions n’augmentent plus après 2030, même si la tendance à la baisse est loin d’être suffisante.

L’écart des émissions : un indicateur inquiétant

Source : Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), 2021

Des CDN plus ambitieuses sont donc nécessaires. Depuis l’année dernière, plusieurs pays ont promis de revoir leurs ambitions à la hausse. Cela semble donc être une tâche facile, non ? Pas forcément : depuis la COP26, seuls 24 plans, nouveaux ou actualisés, ont été soumis. De plus, à ce jour, seuls trois pays du G20 ont soumis des objectifs alignés sur la limite de 1,5°C et l’UE a annoncé un retard lié à la finalisation du plan “Fit for 55”. En outre, la rumeur veut que cette COP ne se concentre pas sur de nouvelles ambitions, mais traite plutôt de toutes les problématiques de financement.

Pouvons-nous vraiment être positifs quant aux dernières nouvelles émanant de grandes nations comme des États-Unis, avec leur loi historique sur la réduction de l’inflation (369 milliards de dollars alloués aux actions liées au climat), ou du Brésil, avec l’élection de Lula da Silva qui a promis de protéger la forêt amazonienne et de rétablir le leadership du Brésil en matière de climat ? Et qu’en est-il de la Chine, premier investisseur dans les énergies renouvelables ? Annoncera-t-elle davantage d’investissements dans ces secteurs lors de la COP ? Ne soyons pas trop optimistes, mais le leadership mondial est et a toujours été un moteur important.

Malheureusement (ou heureusement ?), cette COP sera éclipsée par une nouvelle crise, ou pire, par plusieurs crises. Les conséquences du Covid-19 et la guerre en Ukraine ont déclenché des chocs inflationnistes mondiaux, des inquiétudes concernant l’alimentation, des pénuries d’énergie ainsi qu’une démondialisation. La récente flambée des prix des hydrocarbures (et de la valorisation des émetteurs) et un retour vers le charbon suscitent de vives inquiétudes quant aux ambitions à travers le monde. Cela entravera-t-il l’annonce d’engagements plus ambitieux ? Et cela aura-t-il un impact négatif sur les trajectoires d’émissions ? Espérons que ce ne soit pas le cas. Les événements récents ont montré que les objectifs environnementaux pouvaient et devaient aller de pair avec les ambitions en matière de sécurité énergétique.

Mais ces crises ne suscitent pas seulement des inquiétudes quant aux efforts de réduction des émissions, elles mettent également en péril les indispensables flux de financement de la transition, ainsi que les exigences de financement des pertes et dommages. Examinons de plus près la situation quant au financement du climat.

Une facture toujours plus lourde : est-il enfin temps de combler le déficit de financement de la transition ?

La perception des risques liés au changement climatique est de plus en plus négative, comme l’ont clairement montré le Global Risk Report du WEF et, désormais, le Future Risks Report 2022 d’AXA (publié la semaine dernière) : le changement climatique devient la première préoccupation dans le monde et, comme on a pu le remarquer ces dernières années, il est clairement lié à d’autres risques majeurs. Le coût de l’inaction sera extrêmement élevé, et le monde n’est actuellement pas prêt à faire face à ce qui s’annonce. L’Adaptation Gap Report 2021 sur le déficit d’adaptation au changement climatique montre des signes inquiétants d’élargissement du fossé entre les besoins et les perspectives dans ce contexte, tandis que les nations en développement réclament un financement de transition depuis longtemps. Où en sommes-nous alors ?

Il semble que la promesse de financement de transition de 100 milliards de dollars par an, des pays développés aux pays en développement, qui devait commencer en 2020, ait été davantage un coup marketing qu’une véritable résolution. Les références aux besoins de financement sont restées inscrites dans le texte final de Glasgow, mettant en valeur un “redoublement des efforts” d’ici à 2025, mais omettant la mise en place d’un “fonds”, le texte se concentrant uniquement sur le “soutien technique”. L’UE a néanmoins déjà exprimé une certaine ambition de passer à la vitesse supérieure et de viser 2023. Cependant, jusqu’à preuve du contraire, le déficit de financement de la transition demeure, surtout si l’on considère que la grande majorité du financement se fait sous la forme de prêts coûteux, et non de subventions. Heureusement, la réglementation européenne contre le greenwashing ne vise que les entreprises et les institutions financières, et non les souverains. Ou peut-on espérer une action concrète en Égypte ?

Financement de la transition : la promesse non tenue des 100 milliards

Source : OCDE, 2021

Outre les lacunes en matière de financement de la transition, le financement des combustibles fossiles est en pleine expansion et devrait, espérons-le, susciter à nouveau un débat. Les ambitions de la COP de l’année dernière ont déjà été mises à mal avec les entreprises du G20 qui ont injecté environ 693 milliards de dollars de financement dans les combustibles fossiles en 2021 et les pays du Pacte de Glasgow en faveur de l’élimination progressive du charbon qui ont sont devenus plus dépendants à ce combustible. La modération des propos à la fin de la dernière conférence a clairement offert une certaine marge de manœuvre. Allons-nous enfin tourner la page du charbon ? Et qu’en est-il des profits records réalisés par les grandes compagnies pétrolières en raison de la guerre en Ukraine ? Faut-il s’attaquer à ce problème au niveau international ? 

Outre le financement de la transition et les dépenses actuelles en matière de combustibles fossiles, la compensation des pertes et dommages fera probablement l’objet d’un débat animé, car les pays les plus vulnérables continuent d’être nettement plus touchés par les effets du réchauffement climatique. Selon les estimations du GIEC, 3,3 à 3,6 milliards de personnes (près de la moitié de la population mondiale !) vivent dans des contextes très vulnérables au changement climatique. Malheureusement, les personnes les plus vulnérables vivent en grande partie dans les pays dont les émissions historiques de GES sont les plus faibles. Cependant, en termes de compensation, aucune promesse n’a encore été faite par les émetteurs “historiques” et les pays de l’UE se sont déjà montrés plus prudents, réitérant leur “volonté de s’engager de manière constructive avec les pays partenaires“. En d’autres termes, il ne faut pas s’attendre à des engagements ou à des mesures courageuses, à l’instar du “dialogue de Glasgow” ? Ou bien le mécanisme de financement des pertes et dommages, tant attendu, sera-t-il enfin créé ? Tous les regards sont tournés vers le programme de Bridgetown 2022 pour la réforme de l’architecture financière mondiale.

Pourquoi l’indemnisation des pertes et dommages est importante

Source : World Resources Institute

Enfin, que peut-on attendre de l’article 6 de l’Accord de Paris visant à établir un marché international du carbone ? Lors de la COP26, certaines failles du système ont été comblées en termes de comptabilité grâce à à la mise en place de standards de reportings universels. Nous attendons toujours la finalisation de l’article 6 qui permettrait d’accroître l’intégrité du marché. Les récents développements au Canada, en Indonésie ou en Australie sont-ils des signes encourageants pour inciter des pays comme l’Inde et la Turquie à s’engager ?

Innovation, innovation, innovation

Outre les investissements directs, nous avons besoin d’innovation pour faire face à la crise climatique. Selon les estimations de l’Agence internationale de l’énergie, 46 % des objectifs de décarbonisation reposent actuellement sur des technologies qui n’ont pas encore été développées ou qui n’en sont qu’aux premiers stades de commercialisation. Alors, que peut-on attendre de la COP27 ?

Lors de la COP, l’Innovation Zone va mettre en valeurs des nouvelles intéressantes sur l’innovation pour les investisseurs. Une mise à jour sur la First Movers Coalition est ainsi très attendue. L’initiative a-t-elle déjà donné lieu à des mesures concrètes ou des changements ? En parallèle, le Sommet sur la transition vers l’hydrogène sera un événement annexe à suivre de près.

Un autre sujet prometteur : l’économie des énergies renouvelables devenant plus favorable d’année en année, les ambitions en matière de sécurité énergétique et l’action pour le climat devraient en effet aller de pair à l’avenir.

Les ambitions en matière de Cleantech, et la loi sur la réduction de l’inflation aux États-Unis, entres autres, ainsi que les investissements dans les énergies renouvelables en Europe via RePowerEU sont des signes encourageants pour l’avenir, tout comme le renforcement d’initiatives telles que les véhicules zéro émission ou l’engagement mondial sur le méthane. En outre, il convient de noter que la réglementation la plus récente en matière de financements climatiques et de risques, y compris en lien avec la stabilité financière, sont des évolutions prometteuses qui, espérons-le, seront mises en place par les nations lors de la COP27. Selon l’AIE, dans le cadre d’un scénario « Net Zero », nous devons augmenter considérablement les investissements dans les énergies bas carbone, l’efficacité énergétique, les carburants à faible teneur en carbone et la capture du carbone, ainsi que dans les véhicules électriques, les réseaux et le stockage par batterie.

Les investissements et l’innovation doivent augmenter si nous voulons atteindre la neutralité carbone d’ici 2050

Source : International Energy Agency, 2021

L’innovation et le financement nous amènent également à l’importance et au rôle des institutions financières. La Glasgow Financial Alliance for Net Zero (GFANZ) tiendra-t-elle le coup ? L’initiative sera-t-elle en mesure de maintenir sa crédibilité malgré les critiques et les pressions extérieures ? Avant le début de la COP27, Mark Carney a confirmé que la GFANZ avait reçu plus de 250 objectifs SBT (Science-Based Targets) intermédiaires. Et les pionniers en matière de taxonomies, d’exigences de fonds propres et de règles de publication obligatoire inciteront-ils d’autres pays ou régions à encourager leurs investisseurs à plus de transparence et d’intégration ? Par rapport à l’année dernière, il y a clairement eu une accélération en 2022, alors peut-être pouvons-nous être modérément optimistes ?

Cela nous amène à l’un des aspects les plus prometteurs de la COP : la collaboration sur l’action climatique par le biais du programme Climate Action/Climate Champions. Ces événements déclenchent ou font souvent progresser des initiatives entre les gouvernements ou le secteur privé pour accélérer les progrès réels en matière d’atténuation et d’adaptation au changement climatique. Des annonces récentes comme le Partenariat pour une transition énergétique juste, ou les initiatives de suspension et d’allégement de la dette sont de bons exemples d’une telle collaboration.

En conclusion : il faut encore attendre

Dans l’ensemble, nous ne voulons pas nous faire de faux espoirs pour cette 27ème conférence. On peut encore une fois nous attendre à des annonces officielles et informelles. Si, par miracle, la COP27 s’avérait être un succès, cela signifierait que les efforts de réduction des émissions seraient renforcés parmi les signataires pour combler l’écart en matière d’émissions, que le financement de la transition climatique vers les pays en développement atteindrait (au moins) 100 milliards de dollars américains par an et qu’un accord (ou un moyen de financement) sur la compensation des pertes et dommages serait conclu.

De plus, nous attendons avec impatience d’autres annonces des entreprises sur le climat, bien que nous ayons le sentiment qu’elles n’attendent plus la COP pour le faire. Comme l’impact des évolutions administratives sur l’engagement des souverains a été démontré ces dernières années, nous sommes convaincus qu’il est important de surveiller de près les engagements et actions concrètes des entreprises au cours de l’année, car ils sont souvent plus prometteurs et porteurs d’espoir.

Par Gerrit Dubois, Spécialiste investissement responsable chez DPAM

Commentaire de Columbia Threadneedle Investments

“La Conférence des Nations Unies sur le changement climatique COP27 doit faire face à de violents vents politiques contraires », écrivent Joe Horrocks-Taylor et Albertine Pegrum-Haram, Senior Associates Responsible Investment chez Columbia Threadneedle Investments. « L’impact du conflit entre l’Ukraine et la Russie sur les marchés européens de l’énergie a provoqué une crise de renchérissement qui a conduit plusieurs pays à revenir sur leurs engagements en matière de climat et à remettre en service des centrales électriques à combustible fossile qui avaient été fermées. À cela s’ajoute la détérioration des relations entre la Chine et les États-Unis, dont l’accord bilatéral a donné à la COP26 de Glasgow l’élan dont elle avait tant besoin. »

Une nouvelle année d’événements climatiques extrêmes, dont les pires inondations de l’histoire du Pakistan, des incendies de forêt qui ont brûlé plus de 600 000 hectares de terres en Europe et plusieurs records de température à nouveau battus, ont mis en évidence, selon les deux experts, l’importance de faire progresser la COP27.

Accent sur les dommages causés par les risques climatiques physiques
Ils s’attendent à ce que les questions d’adaptation et de compensation des dommages causés par les risques climatiques physiques soient un thème majeur des discussions, étant donné que la conférence se déroule en Afrique. L’injustice selon laquelle les pays en développement doivent supporter l’essentiel du fardeau du changement climatique, alors que leur responsabilité dans les émissions mondiales de carbone est limitée, a donné lieu à des demandes de compensation de la part des pays les plus riches. La question des pertes et dommages ne figure pas (encore) à l’ordre du jour officiel de cette année, mais le Groupe des 77 (dont fait partie l’Égypte, pays hôte) et la Chine demandent qu’elle soit incluse et proposent un nouveau point à l’ordre du jour : la création d’une facilité financière pour l’indemnisation des pertes et dommages. L’UE et les États-Unis ont fait part de leur volonté de s’engager dans ce domaine, bien que les États-Unis ne souhaitent pas nécessairement soutenir une avancée vers une nouvelle aide ou un nouveau financement. Horrocks-Taylor et Pegrum-Haram prévoient qu’il y aura un point à l’ordre du jour sur les pertes et dommages qui dominera le débat. « Mais les progrès vont s’arrêter si les pays industrialisés ne se mettent pas d’accord sur des mesures concrètes. »

Le déficit d’émissions ne se comble que lentement
Les engagements climatiques nationaux pris lors de la COP26 à Glasgow permettent de limiter le réchauffement de la planète à 2,4°C d’ici 2050. Un mécanisme a été inclus dans le texte final pour combler l’écart d’émissions, les pays étant “invités” à revoir leurs objectifs d’ici la fin 2022 – et non après une nouvelle période de cinq ans comme prévu initialement. 2Cependant, depuis la COP26, seuls 23 pays ont présenté des objectifs nouveaux ou actualisés. La promotion d’objectifs climatiques nationaux plus ambitieux n’était pas une priorité pour le pays hôte, l’Égypte, qui a omis de présenter un objectif actualisé en 2021 et a déclaré que la COP27 serait l’occasion de passer des promesses à la mise en œuvre2, écrivent les experts de Columbia Threadneedle. Ils estiment toutefois que les nouvelles promesses seront loin d’être suffisantes pour combler le déficit d’émissions.

La conjoncture pèse sur le financement climatique
Le financement a été un thème central à Glasgow et le sera probablement encore cette année. Les pays industrialisés ont promis aux pays en développement un financement climatique annuel de 100 milliards de dollars d’ici 2020, mais les calculs de l’OCDE montrent que les fonds ont été inférieurs de 17 milliards de dollars et qu’ils ont été dominés par les prêts plutôt que par les subventions demandées. Le Canada et l’Allemagne présenteront un rapport lors de la COP27 dans lequel ils analyseront cet échec et proposeront des solutions. « En raison de la situation économique, nous pensons qu’il est peu probable que des engagements plus importants soient pris, mais nous nous attendons à ce que les initiatives visant à améliorer l’impact des programmes des institutions internationales comme la Banque mondiale et le Fonds monétaire international soient largement soutenues. »

Lueur d’espoir sur le marché du CO2
Les deux experts s’attendent à peu de progrès sur la question du financement de l’adaptation en raison des pressions macroéconomiques actuelles. A Glasgow, les pays les plus riches se sont déclarés prêts à mettre à disposition des pays à faible et moyen revenu 40 milliards de dollars par an à partir de 2025 pour des mesures d’adaptation au changement climatique (p. ex. protection contre les inondations). Cependant, au niveau bilatéral, seuls 21,8 milliards de dollars ont été promis. En outre, plusieurs groupes d’intérêt font valoir que les 40 milliards ne sont pas suffisants. Horrock-Taylor et Pegrum-Haram s’attendent en revanche à des progrès dans l’établissement d’un marché pour les émissions de CO2. « Les discussions lors de la conférence intermédiaire de Bonn ont été positives. Nous nous attendons à ce que la dynamique de la COP26 se poursuive à la COP27. »