Le 15 décembre 2022 : Une découverte américaine majeure pourrait révolutionner la façon dont on produit de l’énergie dans le monde.
Une fusion nucléaire pour une énergie en abondance
« C’est une avancée majeure parce que ça fait longtemps qu’on travaille à extraire de l’énergie qui peut être transformée en énergie électrique. Les États-Unis seraient les premiers mondialement à utiliser la fusion nucléaire pour produire de l’énergie », explique au Journal la docteure en ingénierie physique Cornelia Chilian.
Dimanche, le département américain de l’Énergie a déclaré qu’il allait annoncer « une avancée scientifique majeure » dans le domaine de la fusion nucléaire aujourd’hui.
Il s’agirait de la première fois que des chercheurs réussiraient à produire plus d’énergie dans une réaction de fusion similaire à celle qui anime le soleil.
La fusion nucléaire produirait moins de déchets radioactifs et davantage d’énergie, mais le procédé était jusqu’à présent impossible à réaliser.
« Le problème majeur, c’était qu’on n’était pas capable de contrôler l’intense chaleur [de la fusion nucléaire] », explique Jean-Thomas Bernard, professeur auxiliaire au département de science économique à l’Université d’Ottawa.
Fusionner à la place de casser
La fission, l’énergie produite jusqu’à présent partout dans le monde, consiste à casser les liaisons de noyaux atomiques lourds pour en récupérer l’énergie.
Alors qu’au contraire, la fusion consisterait à « marier » deux noyaux atomiques légers pour en créer un lourd.
L’installation du Laboratoire national Lawrence Livermore, situé en Californie, fait la taille de trois terrains de football et est composée de près de 200 lasers qui ciblent un point minuscule avec de hauts niveaux d’énergie pour amorcer une réaction de fusion.
Contrairement à la fission, la fusion ne comporterait aucun risque d’accident nucléaire.
« Si jamais il manque quelques lasers qui ne se déclenchent pas au bon moment, ou si jamais le confinement du plasma par le champ magnétique n’est pas parfait », la réaction va tout simplement s’arrêter, explique Érik Lefebvre, chef de projet au Commissariat à l’énergie atomique.
Des scientifiques du Laboratoire national Lawrence Livermore, situé en Californie aux États-Unis faisant l’inspection, le 7 juillet 2008, d’une chambre servant à cibler les atomes afin de pouvoir provoquer une fusion nucléaire.
Le Québec en marge
Malgré l’engouement palpable pour cette avancée majeure, il serait étonnant que le Québec retourne à l’énergie nucléaire, l’hydroélectricité représentant 97 % de l’énergie consommée dans la province.
« Présentement, on s’en va principalement vers l’énergie renouvelable qui est l’éolien et le solaire », commente M. Bernard.
Hydro-Québec, pour sa part, a préféré attendre l’annonce avant de commenter.
Rappelons que la centrale nucléaire Gentilly-2 de Bécancour a fermé ses portes en 2012.
D’autres centrales nucléaires dans le monde pourraient cependant se tourner vers cette nouvelle technologie, mais les délais avant d’y avoir accès pourraient être de 20 à 30 ans.
L’énergie de demain
La fusion nucléaire est considérée par ses défenseurs comme l’énergie de demain, notamment parce qu’elle produit peu de déchets et pas de gaz à effet de serre.
Ce nouveau procédé est plus sécuritaire, puisqu’en cas de problèmes majeurs, la réaction va tout simplement s’arrêter.
La fusion n’est possible qu’en chauffant de la matière à des températures extrêmement élevées (de l’ordre de plus de 100 millions de degrés celcius).
Les États-Unis sont en voie d’être le premier pays du monde à être en mesure de développer cette nouvelle technologie.
Le Canada compte quatre centrales nucléaires toujours actives.
Avec quelques annonces médiatiques sur la soi-disant révolution en matière de fusion par les américains , il est nécessaire de remettre les pendules a l’heure en reprenant les mots de Greg De Temmerman, spécialiste du sujet :
“le National Ignition Facility a atteint pour la première fois de l’histoire un gain supérieur à 1: plus d’énergie a été produite par la fusion nucléaire, que l’énergie injectée pour la provoquer. Ce rapport étant calculé au niveau du combustible (le NIF n’est pas prévu pour faire de l’électricité).
C’est une première et une belle avancée scientifique qu’on peut savourer. Certains parleront de l’équivalent de ce qui se passa en 1903 à Kitty Hawk pour le premier “vol” des frères Wright.
Qu’on soit d’accord ou pas avec cette analogie, il est clair que la fusion ne jouera aucun rôle dans la décarbonation dans le 20 prochaines années- même en supposant un premier réacteur dans 5 ans (ce qui serait un miracle). Le graphe ci-dessous rappelle en effet qu’il faut du temps pour déployer une technologie et que le système énergétique est énorme. Un réacteur, c’est une goutte d’eau dans l’océan. Avec 420 réacteurs, le nucléaire représente à peine 10% de l’électricité mondiale.
Il faut continuer (et accélérer…) le développement de la fusion, c’est un défi technologique et scientifique majeur. Et il se passe beaucoup de choses très intéressantes. Mais il est important de garder en tête que la transition énergétique c’est maintenant !!”
Par adrien couzinier)