Un financement record de 85,6 millions d’euros pour la Baltic Storage Platform en Estonie

Baltic Storage Platform en Estonie

En Estonie, un projet majeur vient de franchir une étape historique : la joint-venture Baltic Storage Platform (BSP), issue de la collaboration entre Corsica Sole, Evecon et Mirova, vient d’obtenir 85,6 millions d’euros de financement pour construire deux installations de stockage d’énergie par batteries parmi les plus importantes d’Europe continentale.
Cette opération, soutenue par la BERD, la Banque nordique d’investissement (NIB) et Edmond de Rothschild Asset Management, marque une évolution décisive dans la reconnaissance du stockage d’énergie comme pilier stratégique de la transition énergétique européenne.

Un financement pionnier au cœur de la région baltique

Ce financement, inédit dans les pays baltes, constitue la première opération structurée exclusivement autour des revenus issus du stockage d’énergie.
Jusqu’à présent, les investissements dans la région concernaient surtout la production d’électricité renouvelable — solaire ou éolienne — mais rarement les infrastructures permettant de stabiliser le réseau et d’optimiser la distribution de cette énergie.

Grâce au soutien conjoint de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) et de la NIB, le projet bénéficie également d’une garantie de première perte de l’Union européenne via le programme InvestEU, destiné à sécuriser et encourager les investissements durables.

Ce montage financier illustre la maturité croissante du secteur du stockage d’énergie : il démontre que de tels projets sont désormais considérés comme des actifs bancables, capables d’attirer des capitaux privés et institutionnels.
Pour l’Europe, il s’agit d’un signal fort, confirmant que les infrastructures de stockage jouent désormais un rôle aussi stratégique que la production elle-même dans la construction d’un système énergétique décarboné.

Hertz 1 et Hertz 2 : deux géants du stockage pour stabiliser le réseau européen

Les deux projets soutenus par le financement, baptisés Hertz 1 et Hertz 2, seront implantés à Kiisa et Aruküla, à proximité de Tallinn.
Avec une puissance totale de 200 MW et une capacité de stockage de 400 MWh, ils constitueront l’un des plus vastes ensembles de batteries d’Europe continentale.

Leur mission principale : assurer la stabilité du système électrique baltique, fraîchement synchronisé avec le réseau européen, et accélérer la sortie des combustibles fossiles.
Ces installations permettront de lisser les fluctuations liées à la production intermittente des énergies renouvelables, tout en apportant une réponse rapide en cas de déséquilibre du réseau.

Hertz 1 se distingue par une innovation majeure : une connexion au réseau de transport 330 kV via un câble souterrain, une première en Estonie. Cette avancée technique renforce la résilience du système électrique et facilite l’intégration d’une production renouvelable toujours plus importante.

Une construction déjà bien engagée

Sur le terrain, le projet est déjà concret.
Hertz 1 a été mis sous tension le 1er octobre 2025, et sa mise en service complète est attendue pour la fin de l’année.
Hertz 2, actuellement en construction, devrait être opérationnel d’ici fin 2026.

Ces avancées traduisent une approche pragmatique : les acteurs du projet ne se contentent pas de planifier l’avenir, ils le bâtissent déjà.
Pour Karl-Joonatan Kvell, Directeur Général d’Evecon, « Hertz 1 et Hertz 2 incarnent la transition énergétique en action. Ils ne sont pas des concepts, mais des infrastructures tangibles au service de la souveraineté énergétique de l’Estonie et de l’Europe ».

Trois partenaires complémentaires au service de la transition

Corsica Sole : l’expertise insulaire exportée à l’échelle européenne

Acteur français indépendant de l’énergie solaire, Corsica Sole s’est imposé comme l’un des leaders européens du stockage par batteries.
Avec plus de 150 MWc de centrales solaires et 360 MWh de stockage déjà en exploitation, l’entreprise met aujourd’hui son savoir-faire acquis dans les territoires insulaires au service de la stabilité du réseau continental.
Son fondateur, Michael Coudyser, souligne que « le stockage d’énergie est la clé pour libérer tout le potentiel des énergies renouvelables et garantir l’autonomie énergétique européenne ».

Evecon : le moteur de la transition balte

Basée à Tallinn, Evecon est l’un des principaux développeurs d’énergies renouvelables d’Estonie.
Depuis 2020, l’entreprise a déjà livré 260 MW de projets et prévoit d’atteindre 400 MW supplémentaires d’ici 2026.
Son portefeuille de développement dépasse 2,6 GW, répartis entre le solaire, l’éolien terrestre et le stockage.
Grâce à BSP, Evecon franchit une nouvelle étape, passant du statut de développeur national à celui d’acteur clé de la sécurité énergétique régionale.

Mirova : la finance durable au service du climat

Filiale de Natixis Investment Managers, Mirova est un pionnier de la finance durable.
Son engagement dans BSP illustre sa stratégie : investir dans des infrastructures concrètes qui allient impact environnemental positif et rendement à long terme.
« Hertz 1 et Hertz 2 démontrent que le stockage à grande échelle est non seulement viable, mais essentiel à la décarbonation du mix énergétique européen », explique Raphaël Lance, Directeur mondial des actifs privés chez Mirova.

Des partenaires financiers engagés dans l’avenir de l’énergie

La NIB, par la voix de son président André Küüsvek, considère ce projet comme un instrument clé pour la sécurité énergétique régionale.
De son côté, Edmond de Rothschild AM, via sa plateforme de dette infrastructurelle BRIDGE, voit dans BSP un projet emblématique de sa vision d’investissement durable.
Enfin, la BERD, qui a déjà investi plus de 4 milliards d’euros dans les États baltes, souligne la valeur stratégique du stockage d’énergie pour garantir la stabilité et la résilience des réseaux électriques face aux défis climatiques.

Un signal fort pour l’Europe de demain

L’aboutissement du financement de la Baltic Storage Platform dépasse largement le cadre estonien.
Il symbolise une évolution structurelle : l’énergie européenne entre dans une nouvelle ère, où le stockage devient l’épine dorsale du système électrique.
Ces projets illustrent la volonté commune des institutions publiques et du secteur privé de construire une Europe énergétique autonome, résiliente et bas carbone.

Alors que le continent accélère sa sortie des énergies fossiles, Hertz 1 et Hertz 2 apparaissent comme des modèles de coopération européenne réussie, démontrant qu’innovation, investissement et durabilité peuvent aller de pair.

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Mirova renforce sa stratégie de gestion durable des terres

Mirova

Mirova, société de gestion affiliée à Natixis Investment Managers et pionnière de l’investissement durable, franchit une nouvelle étape majeure dans le développement de sa stratégie dédiée à la gestion durable des terres. L’entreprise annonce l’arrivée de trois investisseurs catalytiques d’envergure internationale : le Department for Environment, Food & Rural Affairs (DEFRA) du Royaume-Uni, Affaires Mondiales Canada (GAC) et The Coca-Cola Foundation.
Cette évolution marque un tournant décisif pour la finance à impact, à un moment où la transition écologique s’impose comme un impératif collectif à l’échelle mondiale.

Une annonce stratégique à l’aube de la COP30

Cette décision intervient dans un contexte clé pour la lutte contre le changement climatique et la préservation de la biodiversité. À l’approche de la COP30 au Brésil, la mobilisation des acteurs publics, privés et philanthropiques autour des solutions fondées sur la nature n’a jamais été aussi forte.
L’annonce s’inscrit également dans la première édition de la Paris Climate & Nature Week, un événement soutenu par Mirova et Natixis Investment Managers, et coïncide avec le dixième anniversaire de l’Accord de Paris. Ce double symbole illustre la montée en puissance de la finance durable comme levier incontournable de la transition écologique.
Depuis une décennie, Mirova a su construire une expertise reconnue dans le capital naturel, démontrant qu’il est possible d’allier performance financière et régénération des écosystèmes.

Un intérêt croissant des acteurs publics et institutionnels

L’entrée de DEFRA, GAC et The Coca-Cola Foundation s’ajoute à un premier cercle d’investisseurs tels qu’Abeille Assurances, Allianz France, BNP Paribas Cardif, FMO-Proparco et la SDG Impact Finance Initiative (SIFI).
Cette nouvelle vague d’engagements confirme une tendance de fond : les investisseurs recherchent des solutions à fort impact, capables de concilier rentabilité et transformation systémique.
Avec plus de 100 millions d’euros levés pour cette deuxième génération de fonds, Mirova consolide une coalition mondiale d’acteurs publics, privés et philanthropiques. L’objectif final de 350 millions d’euros reste à portée, soutenu par un appui du Fonds vert pour le climat (GCF) à hauteur de 75 millions d’euros. Cette alliance incarne une nouvelle forme de coopération financière, centrée sur la résilience des chaînes de valeur et la restauration des terres dégradées.

La puissance de la finance mixte pour accélérer l’impact

La stratégie de gestion durable des terres de Mirova repose sur un modèle de finance mixte particulièrement innovant. En combinant capitaux publics concessionnels et investissements privés, cette approche permet de réduire les risques pour les investisseurs tout en mobilisant des ressources à grande échelle.
Grâce à une structure en tranches, la stratégie attire une diversité d’acteurs — des fonds institutionnels aux family offices — et facilite leur entrée sur la classe d’actifs du capital naturel, encore émergente mais en pleine expansion.

Les fonds mobilisés sont dirigés vers des projets agricoles et forestiers bas carbone et résilients, intégrant des pratiques d’agriculture régénératrice, de foresterie durable et d’agroforesterie. L’objectif est clair : mesurer l’impact concret sur le climat, la biodiversité et les communautés locales.
Une attention particulière est portée à l’inclusion sociale et à l’autonomisation des femmes dans les régions émergentes, là où les défis environnementaux et socio-économiques sont les plus pressants.

Des alliances stratégiques au service de la nature

Pour garantir la qualité et la crédibilité des projets soutenus, Mirova collabore étroitement avec des organisations de référence telles que le Forest Stewardship Council (FSC) et la Rainforest Alliance. Ces partenariats permettent d’identifier des initiatives à fort potentiel et d’assurer la traçabilité des bénéfices environnementaux et sociaux générés sur le terrain.
Les projets s’étendent à travers l’Afrique, l’Amérique latine et l’Asie, contribuant à restaurer des millions d’hectares d’écosystèmes dégradés tout en soutenant les moyens de subsistance des communautés locales.

Mirova a également lancé une facilité d’assistance technique gérée par la Catalytic Finance Foundation, destinée à renforcer la performance environnementale et sociale des projets financés. Cette initiative traduit une conviction forte : la réussite d’un investissement durable repose autant sur l’accompagnement des acteurs de terrain que sur le financement lui-même.

Une vision à long terme pour une finance régénératrice

Selon Gautier Quéru, Managing Director Natural Capital chez Mirova, cette dynamique témoigne d’une évolution profonde du secteur :

“Les solutions fondées sur la nature ne sont plus un complément, elles sont désormais au cœur de la réponse climatique et de la préservation de la biodiversité. À travers notre stratégie de gestion durable des terres, nous structurons une nouvelle classe d’actifs tournée vers la restauration des écosystèmes et la résilience des chaînes de valeur.”

À l’heure où les risques physiques liés au changement climatique s’intensifient, notamment dans les systèmes alimentaires et les chaînes d’approvisionnement mondiales, Mirova démontre qu’une finance régénératrice peut devenir un moteur de transformation globale.
La société illustre comment la coopération entre secteurs public et privé peut déboucher sur des solutions concrètes, mesurables et reproductibles pour relever les défis écologiques de notre siècle.

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Marchés émergents : le retour en force d’un pilier stratégique de la finance mondiale

marchés émergents

Les marchés émergents, longtemps restés dans l’ombre des mastodontes américains et des valeurs refuges occidentales, s’imposent à nouveau comme une classe d’actifs incontournable. Dans un contexte économique mondial bousculé par les tensions géopolitiques, l’évolution du dollar et la transition énergétique, ces économies en pleine mutation attirent un regain d’intérêt des investisseurs. Ce retour en grâce s’appuie sur des fondamentaux solides, une diversification accrue et des perspectives de croissance durable.

Un environnement global favorable à la redécouverte des émergents

L’affaiblissement du dollar et les incertitudes entourant la politique commerciale américaine redessinent les équilibres mondiaux. Dans ce nouveau contexte, les marchés émergents apparaissent moins vulnérables et plus attractifs. Leur valorisation actuelle, encore largement inférieure à celle des marchés développés – avec un écart de près de 30 % entre l’indice MSCI Emerging Markets et le MSCI World – offre un potentiel de rattrapage difficile à ignorer.

Ces économies bénéficient également d’une exposition moindre aux tensions commerciales internationales, ce qui renforce leur résilience face aux turbulences globales. Pour les investisseurs, cette décorrélation structurelle représente une opportunité précieuse de diversification et de performance dans un environnement financier où la prévisibilité se raréfie.

L’Inde, moteur structurel de la croissance asiatique

Parmi les pays émergents, l’Inde se distingue comme une locomotive économique durable. Portée par une série de réformes structurelles ambitieuses – modernisation du système fiscal, simplification administrative et digitalisation rapide – elle affiche une croissance du PIB comprise entre 6 et 7 % par an.

Les secteurs de l’immobilier, des services financiers et de la consommation domestique bénéficient particulièrement de cette dynamique. La montée en puissance d’une classe moyenne jeune et connectée, soutenue par des politiques ciblées en faveur des ménages modestes, stimule la demande intérieure et favorise l’investissement privé. L’Inde s’impose ainsi comme un pôle incontournable de la nouvelle géographie économique mondiale.

L’Amérique latine : un potentiel sous-estimé malgré l’instabilité

Souvent perçue comme une région à haut risque politique, l’Amérique latine démontre néanmoins une capacité remarquable à générer de la valeur pour les investisseurs patients. Ses entreprises, menées par des dirigeants expérimentés et agiles, réussissent à croître à un rythme supérieur à celui de leurs économies domestiques.

Des pays comme le Brésil, le Chili ou le Mexique affichent des fondamentaux encourageants, portés par les matières premières, les énergies renouvelables et les technologies vertes. Si la volatilité politique demeure une réalité, les valorisations raisonnables et la profondeur de certains marchés offrent un terrain fertile pour les stratégies actives de long terme.

Asie du Nord et Europe de l’Est : les nouveaux bastions technologiques

La Corée du Sud et Taïwan incarnent la puissance technologique du monde émergent. Leurs entreprises dominent des secteurs stratégiques comme les semi-conducteurs et l’intelligence artificielle, à l’image du géant TSMC, essentiel à la chaîne d’approvisionnement mondiale. Ces économies, dotées d’une main-d’œuvre hautement qualifiée et d’un écosystème d’innovation robuste, bénéficient de flux d’investissement stables et d’un positionnement clé dans la transition numérique mondiale.

En Europe de l’Est, la Pologne tire profit de sa proximité économique avec l’Union européenne. Les fonds européens, combinés à des politiques budgétaires favorables venues d’Allemagne, soutiennent une croissance soutenue et une modernisation rapide de son tissu industriel. Cette dynamique place le pays parmi les acteurs les plus prometteurs de la région.

Des moteurs structurels puissants pour une croissance durable

Les marchés émergents ne reposent plus uniquement sur les matières premières ou la main-d’œuvre bon marché. Ils s’appuient désormais sur des moteurs structurels puissants : innovation technologique, développement durable, transformation sanitaire et montée en gamme des biens de consommation. L’essor des classes moyennes et la progression de l’inclusion financière – dans des économies encore peu bancarisées – ouvrent la voie à de nouvelles sources de croissance interne.

Cette mutation structurelle confère à la classe d’actifs émergente une dimension plus équilibrée et pérenne. Les investisseurs qui adoptent une gestion active, sélective et durable peuvent désormais y trouver non seulement des perspectives de rendement attractives, mais aussi une exposition à la croissance mondiale de demain.

Une place centrale retrouvée dans les portefeuilles mondiaux

La montée en puissance des marchés émergents ne relève pas d’un simple cycle conjoncturel : elle s’inscrit dans la durée. Ces économies en transformation offrent un triple avantage – performance, durabilité et diversification – à un moment où les marchés développés montrent des signes de maturité.

Dans un monde économique multipolaire, les marchés émergents redeviennent un pilier essentiel de la construction de portefeuilles robustes. Ils offrent aux investisseurs une exposition stratégique à la croissance mondiale, à l’innovation et à la transition vers une économie plus durable.

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La gestion d’actifs européenne en 2025 : entre domination de BlackRock

Souveraineté européenne

L’édition 2025 du rapport Europe Fund Family Digest publiée par Morningstar dresse un panorama complet du paysage européen de la gestion d’actifs. En analysant les 100 plus grands gestionnaires de fonds et leurs gammes commercialisées sur le continent. L’étude révèle une industrie à la fois en pleine mutation et confrontée à de puissants défis structurels. Domination des géants américains, essor des stratégies passives, consolidation du secteur. Montée en puissance des ETF actifs et transformation progressive de l’investissement durable.

BlackRock renforce son hégémonie sur le marché européen

En tête du classement, BlackRock poursuit une croissance impressionnante. En incluant sa marque phare iShares, le groupe gère désormais plus de 1 600 milliards d’euros d’actifs en fonds communs et ETF domiciliés en Europe. Cette position quasi hégémonique le place à un niveau équivalent à la somme des trois concurrents suivants. UBS, Amundi et DWS.
Le succès de la gamme iShares illustre la domination du passif dans la stratégie du géant américain. Plus de 75 % de ses encours sont désormais gérés selon des approches indiciels. Cette puissance repose sur des économies d’échelle colossales. Une efficacité opérationnelle sans équivalent et une marque devenue synonyme d’investissement passif mondial.
Face à cela, les acteurs européens peinent à rivaliser. Amundi et DWS, via leurs marques Lyxor et Xtrackers, se positionnent également sur ce créneau. Mais à une échelle bien moindre.

Le passif s’impose, mais l’actif résiste encore

Si les fonds indiciels et ETF gagnent du terrain en Europe, ils ne dominent pas encore le marché comme aux États-Unis. D’après Morningstar, les fonds actifs représentent encore près des deux tiers des actifs totaux gérés par les 100 plus grands gestionnaires européens. Soit environ 7 000 milliards d’euros.
Ce rapport de force contraste avec celui observé outre-Atlantique, où les produits passifs représentent désormais la majorité absolue des encours.
Cette progression du passif s’explique par la recherche croissante de frais réduits et de transparence. Mais le modèle européen, davantage orienté vers la distribution bancaire et assurantielle, freine encore cette transition. En effet, les ETF, échangés directement en Bourse. Contournent les circuits traditionnels de distribution, remettant en cause le modèle de rémunération des réseaux historiques.

Une industrie européenne fragmentée et en quête de consolidation

L’étude souligne la grande dispersion du marché européen. Les trois plus grands gestionnaires d’actifs ne concentrent qu’un quart des encours totaux des 100 premiers groupes. Contre la moitié pour les trois leaders américains (Vanguard, BlackRock et Fidelity).
Cette fragmentation structurelle crée un environnement hautement concurrentiel, où la taille devient un atout décisif. Selon Thomas DeFauw, analyste senior chez Morningstar, la pression sur les marges incite les sociétés à fusionner ou mutualiser leurs forces. Le rachat d’AXA Investment Managers par BNP Paribas illustre cette tendance vers la consolidation. Destinée à renforcer les économies d’échelle et la rentabilité dans un contexte de baisse des frais.
À l’inverse, certaines boutiques spécialisées, comme Fundsmith ou Flossbach von Storch, continuent de tirer leur épingle du jeu grâce à une approche ciblée et une forte cohérence stratégique, souvent fondée sur une philosophie d’investissement à long terme.

Lire l’étude complète ici.

L’essor des ETF actifs : un segment en pleine effervescence

Longtemps marginal, le marché des ETF actifs connaît un essor notable. Ces produits hybrides, combinant gestion discrétionnaire et cotation en continu, séduisent de plus en plus d’investisseurs pour leur transparence et leur coût compétitif.
JPMorgan s’impose comme le premier fournisseur européen d’ETF actifs, concentrant la majeure partie des encours. Si les stratégies discrétionnaires dominent encore, 2025 marque une accélération des flux vers les stratégies systématiques, notamment sur les actions.
Ce développement traduit une volonté des investisseurs européens d’accéder à des solutions flexibles. Capables d’allier performance active et efficacité structurelle propre aux ETF. Toutefois, l’Europe reste loin de l’adoption massive observée aux États-Unis, où le marché de la retraite constitue un moteur essentiel de croissance.

Actifs privés et finance durable : deux fronts d’innovation

Le rapport souligne également les débuts d’une convergence entre actifs privés et actifs publics. Des véhicules comme les LTAF (Long-Term Asset Funds) au Royaume-Uni et les ELTIF (European Long-Term Investment Funds) sur le continent permettent désormais aux investisseurs particuliers d’accéder à des classes d’actifs auparavant réservées aux institutionnels, notamment le private equity ou les infrastructures.
Cette démocratisation des actifs illiquides pourrait transformer durablement le paysage de l’investissement européen en élargissant la palette d’opportunités à long terme.
Parallèlement, la finance durable continue d’évoluer sous l’effet des nouvelles réglementations. Les règles européennes de dénomination ESG ont conduit à un vaste mouvement de rebranding : plus de 880 fonds ont modifié leur nom entre 2024 et 2025. Cependant, peu d’entre eux ont réellement changé de stratégie ou d’objectif, traduisant un certain décalage entre communication et transformation réelle.
Morningstar observe néanmoins que de nombreux fonds actifs ont renforcé leurs critères d’exclusion et accru la part d’investissements durables dans leurs portefeuilles.

La bataille de la qualité : talent, stabilité et innovation

Au-delà des encours, Morningstar accorde une attention particulière à la qualité des équipes de gestion. Les firmes où la stabilité et la continuité sont les plus fortes tendent à offrir de meilleures performances à long terme. Des acteurs comme MFS, Artemis ou Capital Group se distinguent par la longévité de leurs gérants et une succession planifiée, garantissant une gestion cohérente.
De même, des maisons comme Vanguard et Dimensional obtiennent des notes élevées pour leur culture d’entreprise centrée sur l’investisseur, leur transparence et leurs coûts maîtrisés. Vanguard, par exemple, poursuit son ambition de démocratiser l’investissement à bas coût tout en explorant de nouveaux segments, comme les obligations ou les actifs privés.

Une industrie en mutation profonde

L’étude de Morningstar met en lumière une industrie européenne de la gestion d’actifs à la croisée des chemins :

  • consolidation et montée en puissance des géants,
  • progression rapide du passif,
  • essor des ETF actifs,
  • transition lente mais réelle vers la durabilité et les actifs privés.

Dans ce contexte, les sociétés capables d’allier taille critique, innovation et excellence de gestion seront les mieux placées pour prospérer. La décennie à venir pourrait bien redéfinir l’équilibre entre acteurs historiques, nouveaux entrants et modèles émergents au cœur d’un marché en pleine recomposition.

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Swiss Life Asset Managers renforce sa présence en Espagne avec la prise de contrôle d’Educare

Swiss Life Asset Managers

Le groupe Swiss Life Asset Managers annonce l’acquisition d’une participation majoritaire dans Educare, l’un des principaux opérateurs privés du secteur éducatif à Madrid. Cette opération, réalisée pour le compte de plusieurs fonds d’infrastructures. S’inscrit dans une stratégie de long terme visant à soutenir des projets à forte valeur sociale et à fort potentiel de développement.

Un partenariat pour bâtir l’avenir de l’éducation à Madrid

Fondée en 1977, Educare s’est imposée comme une référence dans l’enseignement madrilène. En accompagnant plus de 10 000 élèves chaque année, de la maternelle au lycée. L’entreprise gère aujourd’hui huit établissements et emploie plus de 900 collaborateurs.

Avec l’arrivée de Swiss Life Asset Managers à son capital, Educare bénéficie d’un partenaire financier solide. Prêt à soutenir la modernisation de ses infrastructures et le développement de ses programmes pédagogiques. Le PDG d’Educare, Carlos Madruga, demeure actionnaire, garantissant la continuité du projet éducatif et des valeurs fondatrices de l’entreprise. Excellence, inclusion et bien-être des élèves.

Pour Swiss Life Asset Managers, cet investissement illustre la volonté du groupe d’ancrer durablement son engagement dans les infrastructures sociales. Notamment dans le domaine de l’éducation. Il s’agit par ailleurs du huitième investissement du groupe en Espagne, consolidant ainsi sa présence sur un marché jugé stratégique.

Une vision partagée : croissance durable et excellence éducative

L’accord entre Swiss Life Asset Managers et Educare repose sur une philosophie commune. Celle d’un développement à long terme fondé sur la qualité, la durabilité et la responsabilité sociale.

« Investir dans Educare, c’est contribuer à l’avenir de l’éducation en Espagne ». Explique Gabriele Damiani, Head Core/Core+ Infrastructure International chez Swiss Life Asset Managers. Selon lui, cette collaboration vise à allier la stabilité financière et la capacité d’innovation d’un grand groupe à l’expertise pédagogique d’un acteur de terrain.

De son côté, Carlos Madruga voit dans cette alliance « une étape clé pour consolider et élargir un projet éducatif fondé sur l’excellence et l’engagement humain ». L’investissement permettra notamment de renforcer la qualité des infrastructures, d’enrichir les programmes éducatifs et de maintenir un environnement d’apprentissage épanouissant.

Cette approche illustre la volonté commune de préserver l’identité d’Educare tout en lui offrant les moyens de poursuivre sa croissance.

Swiss Life Asset Managers : une stratégie d’investissement à long terme

Avec plus de 165 ans d’expérience dans la gestion d’actifs, Swiss Life Asset Managers a bâti sa réputation sur une approche rigoureuse et responsable de l’investissement. Sa division Infrastructure Equity, créée en 2011, gère aujourd’hui plus de 12 milliards d’euros d’actifs à travers l’Europe. Elle a déjà mené plus de 80 opérations dans les domaines de l’énergie, des transports, des télécommunications et des infrastructures sociales.

La prise de participation dans Educare s’inscrit dans la continuité de cette stratégie : investir dans des actifs durables. Porteurs d’impact social, et offrant des perspectives de rendement stables sur le long terme.

Au 30 juin 2025, Swiss Life Asset Managers gérait 281,8 milliards de francs suisses d’actifs. Dont plus de 137 milliards pour des clients tiers. Présente dans huit pays européens, la société compte plus de 2 300 collaborateurs et se classe parmi les leaders européens de l’investissement immobilier et infrastructurel.

L’éducation comme pilier du développement durable

Au-delà de la simple transaction financière, cette opération symbolise une conviction partagée : l’éducation est une infrastructure essentielle du futur. En investissant dans Educare, Swiss Life Asset Managers affirme sa volonté de participer activement à la transformation du système éducatif espagnol. En soutenant des projets qui allient innovation, inclusion et performance environnementale.

L’objectif est clair : créer un cadre d’apprentissage propice à l’épanouissement des jeunes générations. Tout en assurant la pérennité économique et sociale des établissements concernés. Cette démarche s’inscrit dans la philosophie globale du groupe : « construire l’indépendance financière pour permettre à chacun de vivre selon ses propres choix ».

Une alliance tournée vers l’avenir

Grâce à ce partenariat, Educare dispose désormais des ressources nécessaires pour accélérer son développement tout en conservant son identité. L’appui de Swiss Life Asset Managers ouvre la voie à de nouveaux projets éducatifs à Madrid et dans d’autres régions espagnoles, consolidant la position du groupe comme un acteur de référence dans les infrastructures sociales européennes.

Cette acquisition illustre une tendance de fond : la convergence entre investissement responsable et impact social durable, deux leviers que Swiss Life Asset Managers place désormais au cœur de sa stratégie.

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Les fonds durables européens à la croisée des chemins

fonds durables européens

Au troisième trimestre 2025, le marché européen de la finance durable a connu une dynamique contrastée. Les fonds classés Article 8 du règlement SFDR (promouvant des caractéristiques environnementales et sociales) ont enregistré une forte reprise, attirant près de 75 milliards d’euros de capitaux, soit leur meilleur trimestre depuis 2021. En revanche, les fonds Article 9, censés poursuivre un objectif d’investissement durable clair, continuent de subir des retraits massifs — 7,1 milliards d’euros de sorties, marquant leur huitième trimestre consécutif de reflux.
Ce mouvement révèle un glissement des préférences des investisseurs : une recherche d’exposition à des produits “durables” mais flexibles, au détriment de stratégies trop strictement étiquetées “vert foncé”.

L’essor de l’investissement durable : d’une niche militante à un pilier de la finance mondiale

Au début des années 2000, l’investissement responsable restait un segment confidentiel, souvent porté par des institutions éthiques ou confessionnelles. Les stratégies d’exclusion – consistant à écarter les entreprises liées à des secteurs controversés comme le tabac, les armes ou les énergies fossiles – dominaient largement.

L’explosion du concept ESG, dans les années 2010, a changé la donne. Sous la pression conjuguée des ONG, des régulateurs et des citoyens, les grands acteurs financiers ont intégré ces critères dans leurs politiques d’investissement. Entre 2016 et 2022, selon les données compilées par Morningstar, les encours des fonds dits « durables » ont été multipliés par cinq, dépassant les 2 500 milliards de dollars à l’échelle mondiale.

Cet essor a reposé sur plusieurs moteurs :

  • la prise de conscience climatique, accentuée par l’Accord de Paris de 2015 ;
  • la demande croissante des investisseurs institutionnels, soucieux de gérer les risques liés aux transitions énergétique et sociale ;
  • l’émergence de labels et réglementations (SFDR, taxonomie européenne, etc.) ;
  • et enfin, la volonté des jeunes générations d’investir selon leurs valeurs.

Mais cette expansion rapide a aussi généré des zones d’ombre : confusion sur les définitions, multiplication des labels, divergence des méthodologies ESG et accusations de « greenwashing ».

La normalisation réglementaire : un nécessaire encadrement de la promesse verte

Face à la prolifération de fonds se revendiquant durables, l’Union européenne a voulu instaurer un cadre commun. Le Règlement SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation), entré en vigueur en 2021, impose aux sociétés de gestion de classifier leurs fonds selon trois catégories :

  • Article 6 : fonds sans objectif durable explicite ;
  • Article 8 : fonds promouvant des caractéristiques environnementales ou sociales ;
  • Article 9 : fonds ayant un objectif d’investissement durable explicite.

Cette distinction, censée apporter transparence et comparabilité, a paradoxalement entraîné une vague de reclassifications. De nombreux fonds initialement labellisés « Article 9 » ont été rétrogradés vers « Article 8 » par crainte d’être accusés de surpromesse.

Selon les données de Morningstar Sustainalytics, près de 40 % des fonds européens Article 9 en 2022 ont été reclassés en Article 8 en 2023. Une évolution que Hortense Bioy analyse comme « un signe de maturité du marché ». Elle précise :

« Les gestionnaires d’actifs se montrent plus prudents. Ils comprennent que la crédibilité prime désormais sur le volume. Cette clarification était nécessaire pour restaurer la confiance des investisseurs. »

En parallèle, la taxonomie européenne – qui définit les activités économiques considérées comme durables – constitue une autre brique essentielle du dispositif. Cependant, sa complexité et son caractère évolutif continuent de susciter débats et incertitudes.

La question de la performance : mythe ou réalité d’un surcroît de rendement durable ?

L’un des grands arguments de l’investissement durable fut longtemps celui d’une meilleure performance ajustée au risque. L’idée : les entreprises vertueuses, mieux gérées, seraient plus résilientes sur le long terme.

Les études académiques et empiriques offrent toutefois des résultats nuancés. Selon Morningstar, la performance moyenne des fonds durables européens entre 2018 et 2023 reste comparable à celle des fonds traditionnels, avec une légère surperformance dans les secteurs technologiques et de consommation, mais un retard dans l’énergie et les matières premières.

Pour Hortense Bioy, il serait erroné de réduire la durabilité à un simple critère de performance financière :

« L’investissement durable n’est pas une stratégie miracle. C’est avant tout une approche de gestion des risques extra-financiers et une façon d’aligner le capital sur les grandes transitions sociétales. »

De fait, les fluctuations des prix de l’énergie depuis la guerre en Ukraine ont rappelé une évidence : les marchés restent sensibles à des logiques macroéconomiques classiques. Les fonds fortement désengagés des énergies fossiles ont souffert de la flambée des cours pétroliers en 2022.

Cependant, sur le long terme, la tendance structurelle reste favorable aux entreprises alignées sur la transition énergétique, notamment dans les secteurs des énergies renouvelables, de la mobilité verte et de l’efficacité énergétique.

Le greenwashing : le talon d’Achille de la finance durable

L’un des reproches majeurs adressés à la finance durable est celui du greenwashing, cette pratique consistant à embellir l’image écologique d’un produit financier ou d’une entreprise sans engagement réel.

En 2023, plusieurs gestions d’actifs ont été sanctionnées par des autorités de marché pour communication trompeuse. La conséquence : une méfiance croissante des investisseurs, notamment institutionnels, qui exigent davantage de traçabilité des données ESG.

Morningstar Sustainalytics, dont la mission principale est d’évaluer le risque ESG des entreprises, joue un rôle crucial dans cette quête de transparence. Son approche repose sur l’analyse de la matérialité financière : évaluer les enjeux ESG susceptibles d’affecter la performance économique d’une entreprise.

« L’objectif n’est pas de distribuer des bons ou mauvais points moraux, mais d’évaluer comment les facteurs environnementaux et sociaux influent sur la valeur à long terme », rappelle Hortense Bioy.

Cette approche pragmatique séduit de plus en plus d’investisseurs, car elle permet d’intégrer les critères ESG sans tomber dans une approche idéologique.

Les investisseurs face à la complexité des données ESG

La fiabilité des données reste l’un des principaux défis de l’investissement durable. Les entreprises publient des informations hétérogènes, souvent non vérifiées, et les agences de notation ESG utilisent des méthodologies divergentes.

Une étude de Morningstar Sustainalytics a montré que la corrélation moyenne entre les scores ESG de différents fournisseurs ne dépasse pas 0,6 — contre 0,99 pour les notations de crédit. Autrement dit, deux agences peuvent avoir des avis diamétralement opposés sur la durabilité d’une même entreprise.

Pour les investisseurs, cette disparité rend la comparabilité difficile et peut engendrer des arbitrages incohérents. Les régulateurs travaillent donc à renforcer les standards de publication (CSRD en Europe, ISSB à l’échelle mondiale) afin d’uniformiser les pratiques.

Dans cette optique, Hortense Bioy souligne l’importance d’une interopérabilité internationale des normes :

« Nous devons éviter la fragmentation des cadres de reporting. Les investisseurs opèrent à l’échelle mondiale ; ils ont besoin d’un langage commun pour évaluer les risques et les opportunités ESG. »

Le retour de balancier : vers une finance durable plus réaliste

Depuis 2022, on observe un recul relatif des flux vers les fonds durables, notamment en Europe. Plusieurs facteurs expliquent ce reflux :

  • la hausse des taux d’intérêt, qui a redirigé les capitaux vers des placements obligataires plus classiques ;
  • la baisse des performances boursières des entreprises vertes ;
  • et la lassitude d’une partie du public face à la complexité du discours ESG.

Pour autant, il ne s’agit pas d’un désaveu, mais d’une phase de consolidation. Les fonds les plus solides – ceux qui reposent sur des méthodologies transparentes et cohérentes – continuent d’attirer les capitaux de long terme.

Comme le résume Hortense Bioy :

« Le marché fait le tri. L’investissement durable entre dans une nouvelle phase : celle de la crédibilité. »

Les nouvelles tendances : impact, transition et double matérialité

La prochaine génération d’investissement durable ne se limite plus à exclure ou à sélectionner ; elle vise à mesurer l’impact concret.

Les fonds à impact cherchent à financer des projets ou entreprises apportant une contribution mesurable aux objectifs de développement durable (ODD) de l’ONU. Ils s’inscrivent dans une logique de « double matérialité », où l’on évalue non seulement l’effet des enjeux ESG sur la performance financière, mais aussi l’impact de l’entreprise sur la société et l’environnement.

Selon Morningstar Sustainalytics, la part des fonds se réclamant de l’impact investing reste minoritaire (moins de 10 % du marché), mais leur croissance est rapide, notamment auprès des investisseurs institutionnels et des fonds souverains.

La finance de transition constitue une autre évolution clé. Elle vise à accompagner les secteurs à forte intensité carbone dans leur transformation, plutôt que de les exclure purement et simplement.

Cette approche pragmatique répond à une exigence de réalisme : la décarbonation de l’économie mondiale ne peut se faire sans l’implication des grands acteurs énergétiques et industriels.

Les marchés émergents : la nouvelle frontière de la durabilité

Longtemps centrée sur l’Europe et l’Amérique du Nord, la finance durable s’étend désormais aux marchés émergents. Ces régions, fortement exposées aux risques climatiques et sociaux, représentent un terrain d’expérimentation crucial.

Morningstar Sustainalytics observe une montée en puissance des émissions d’obligations vertes en Asie, en Amérique latine et en Afrique. En 2024, plus de 500 milliards de dollars d’obligations durables ont été émises par des pays émergents, soit une progression de 30 % sur un an.

Mais les défis restent nombreux : manque de données, instabilité politique, infrastructures financières insuffisantes. Les investisseurs doivent combiner rigueur analytique et compréhension locale.

Pour Hortense Bioy, ces marchés « ne sont pas seulement des zones de risque, mais des laboratoires de la transition ». Ils permettent d’observer comment la durabilité s’adapte à des contextes économiques hétérogènes.

Lire l’étude complète ici.

Vers un nouvel équilibre entre éthique et rendement

L’investissement durable se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins. D’un côté, la demande sociétale pour une économie responsable reste forte. De l’autre, la discipline ESG doit prouver qu’elle peut s’intégrer harmonieusement dans les logiques de performance financière.

Le défi à venir consiste à réconcilier éthique et rendement, en démontrant que la durabilité n’est pas une contrainte mais une composante stratégique du succès économique.

Les grandes maisons de gestion, accompagnées par des analystes comme Morningstar Sustainalytics, développent de plus en plus d’outils d’évaluation intégrée, combinant données financières, indicateurs de transition et critères d’impact.

Le but n’est plus seulement de « faire du vert », mais de construire des portefeuilles alignés sur un futur viable.

L’investissement durable

L’investissement durable entre dans une phase de maturité critique. Après l’euphorie des débuts et la prolifération des labels, l’heure est à la rigueur, à la transparence et à la mesure d’impact réelle.

Comme le résume Hortense Bioy, « le temps du marketing est révolu ; celui de la responsabilité commence. »

Le rôle d’acteurs comme Morningstar Sustainalytics sera décisif pour accompagner cette transition : affiner les méthodologies, harmoniser les données, et surtout, aider les investisseurs à distinguer la sincérité de la façade.

La finance durable n’a pas dit son dernier mot : elle se réinvente, plus sobre, plus exigeante, et sans doute plus crédible. Ce tournant, bien qu’inconfortable pour certains acteurs, marque la véritable entrée de l’investissement responsable dans la maturité.

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Les énergies renouvelables, nouveau moteur économique des territoires français

énergies renouvelables

Longtemps perçues à travers le seul prisme environnemental, les énergies renouvelables (EnR) s’imposent désormais comme un levier économique et fiscal majeur dans les territoires. 

C’est un cas auquel les exploitants de parcs éoliens se sont désormais habitués. Des communes, réticentes à l’origine face à l’installation de turbines sur leurs collines, ne tarissent plus d’éloges à leur égard. Car ces éoliennes, qui suscitaient hier la méfiance, génèrent aujourd’hui des recettes fiscales régulières. Des emplois locaux et de nouvelles perspectives de développement économique.

Ce changement de regard ne repose pas seulement sur des impressions locales. Il s’appuie sur des données désormais consolidées. Dans une étude rendue publique l’année dernière, l’ADEME concluait que les filières des énergies renouvelables et de récupération (EnR&R) représentaient 421 000 emplois directs en 2022. Soit une hausse de 24% par rapport à 2020. Sur la même période, leur chiffre d’affaires global a progressé de 39%, atteignant 34,2 milliards d’euros.

Les emplois générés par la croissance des énergies renouvelables se concentrent principalement dans les filières éolienne, photovoltaïque et chaleur renouvelable (biomasse, géothermie, réseaux de chaleur). Cette dynamique traduit l’industrialisation progressive du secteur : fabrication, installation, exploitation et maintenance structurent aujourd’hui une chaîne de valeur solidement ancrée dans les territoires.

Ces recettes fiscales qui changent la donne pour les communes

Cette montée en puissance des énergies renouvelables s’accompagne d’un impact budgétaire tangible pour les territoires. Les collectivités locales profitent de la croissance de la filière grâce à une fiscalité dédiée qui abonde directement leurs budgets. L’Imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER), due pour chaque installation, est fixée depuis 2024 à 8,36 €/kW de puissance installée, soit 8 360 €/MW/an pour l’éolien terrestre 

Ces recettes sont réparties entre communes, intercommunalités, départements et régions, irrigant ainsi l’ensemble du tissu territorial. Selon le Syndicat des énergies renouvelables, l’association représentative du secteur, les retombées fiscales directes issues des EnR atteignaient déjà près d’un milliard d’euros par an pour les collectivités locales en 2019.

Dans certaines communes rurales, ces revenus représentent jusqu’à 10 % du budget d’investissement annuel. Un apport significatif qui contribue à financer des équipements publics ou des projets de revitalisation locale.

Mais les énergies renouvelables ne se contentent pas de créer de nouvelles recettes fiscales. Ces filières mobilisent une part importante d’entreprises régionales : génie civil, transport, construction, maintenance, ingénierie. Les emplois générés par la maintenance et l’exploitation des installations, souvent sur plus de vingt ans, sont non délocalisables et assurent un revenu stable dans des zones rurales ou périurbaines.

Quand l’énergie solaire soutient le monde rural

Cette dynamique d’ancrage local trouve une traduction très concrète dans le monde agricole. L’essor de l’agrivoltaïsme illustre la convergence entre transition énergétique et développement rural. Selon le ministère de la Transition énergétique, cette pratique consiste à combiner sur une même parcelle production agricole et production d’électricité solaire, grâce à des structures photovoltaïques adaptées à l’activité agricole.

Les premiers retours d’expérience confirment le potentiel du modèle. D’après une étude conjointe de l’Inrae et de l’ADEME, certaines cultures sensibles à la chaleur enregistrent une hausse de rendement de 10 à 20% dans certaines expérimentations, lorsque l’ombrage des panneaux est piloté de manière adaptée.

Sur le plan économique, les exploitants agricoles peuvent percevoir un revenu complémentaire lié à la production solaire, dont le niveau dépend des modèles contractuels et des conditions locales. Les projets à vocation agrivoltaïque offrent le plus souvent entre 2 000 et 6 000 €/ha/an, selon les estimations du secteur avancées par l’association France Agrivoltaïsme.

Pour les communes rurales, ces installations génèrent également de nouvelles recettes fiscales, issues des taxes locales sur les équipements photovoltaïques. Encadré par la loi depuis mars 2023, l’agrivoltaïsme est désormais reconnu comme une filière stratégique, soutenue par un appel d’offres dédié de la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Pour les territoires, il ouvre la voie à un modèle de cohabitation vertueuse entre production d’énergie et maintien de l’activité agricole.

La transition énergétique, levier de croissance locale

La forte croissance de la filière a fait sortir la transition énergétique du seul créneau environnemental et climatique : celle-ci s’impose comme un levier de transition économique à part entière pour les territoires.

En redéployant les flux financiers, fiscaux et industriels au niveau local, les énergies renouvelables relocalisent la valeur ajoutée énergétique. Elles offrent aux collectivités de nouvelles marges de manœuvre budgétaires, soutiennent des filières régionales et renforcent la résilience des territoires face à la volatilité des prix de l’énergie.

Pensées comme de véritables écosystèmes territoriaux associant participation citoyenne, planification et gouvernance partagée, les énergies renouvelables pourraient bien devenir l’un des moteurs d’une croissance française à la fois plus sobre, plus circulaire et plus ancrée localement.

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Gouvernance européenne, réindustrialisation et enjeux démocratiques : un regard depuis l’industrie

Souveraineté européenne

Les débats autour de la gouvernance européenne, de la réindustrialisation et des transformations industrielles soulèvent des interrogations profondes sur l’efficacité des structures politiques et économiques actuelles. Dans cette discussion, des acteurs issus du secteur industriel exposent leur perception des décisions européennes. De l’impact des régulations sur l’économie, et des défis liés à la compétitivité de l’industrie française et européenne. Ces propos mettent en lumière la complexité de la gouvernance à l’échelle de l’Union européenne. Les tensions entre souveraineté nationale et règles communes, ainsi que l’importance de maintenir un lien entre l’industrie. Les citoyens et les structures politiques.

L’entretien aborde également les questions sociales et démocratiques, mettant en évidence les préoccupations liées au pouvoir d’achat. Au rôle des partis politiques et syndicats, et à l’influence des couches populaires dans le fonctionnement de la démocratie. L’ensemble illustre une vision où l’industrie n’est pas seulement un moteur économique. Mais aussi un vecteur essentiel de cohésion sociale et de stabilité démocratique.

Ceci est un extrait d’une interview, sélectionné par votre média Green Finance, qui donne la parole à tous, même si cela peut vous déplaire et nous déclinons toutes responsabilités sur la source et les propos de cet extrait.

La gouvernance européenne : enjeux et limites

Une régulation déconnectée de la réalité industrielle

L’un des points centraux soulevés est la perception d’une régulation européenne souvent déconnectée des réalités industrielles. Les décisions, telles que l’interdiction de vendre des voitures thermiques après 2035. Sont évoquées comme des exemples de mesures prises sans études d’impact approfondies. L’absence d’analyses détaillées sur les effets économiques et sociaux de telles décisions est mise en avant comme une illustration de la difficulté à aligner régulation et réalité industrielle.

La complexité du processus décisionnel européen est également soulignée. La fixation de l’année 2035 résulte d’un compromis entre différentes instances, sans fondement analytique solide. Cette situation est perçue comme problématique, car elle impose aux industriels des changements rapides. Alors même qu’ils n’ont pas encore développé les compétences nécessaires pour produire de manière compétitive dans ces nouvelles conditions.

Les défis de coordination à 27 États membres

La gouvernance à 27 membres de l’Union européenne est décrite comme intrinsèquement complexe. La coordination des décisions devient difficile lorsqu’il s’agit de faire évoluer des industries stratégiques ou de créer des champions européens face à la concurrence mondiale. L’exemple des satellites, avec des projets de fusion entre grandes entreprises européennes pour rivaliser avec des acteurs globaux comme SpaceX ou Amazon. Illustre cette tension entre nécessité de concentration industrielle et cadre réglementaire européen souvent inadapté.

L’intervention suggère un recentrage de la Commission sur ses compétences réelles, en insistant sur l’importance de la subsidiarité. Ce qui peut être géré efficacement au niveau national ne devrait pas être imposé par une administration européenne centrale. Cela inclut la possibilité pour des États volontaires de s’associer pour des projets spécifiques, notamment dans le domaine de la défense. Afin de garantir efficacité et maintien des compétences industrielles.

L’industrie comme pilier de la réindustrialisation et de la compétitivité

Industrie et création d’emplois

Les propos développent l’idée que l’industrie n’est pas seulement un moteur économique, mais un vecteur de création d’emplois et de maintien de classes moyennes stables. L’intégration de nouvelles technologies telles que l’intelligence artificielle. La robotisation et la 5G est présentée comme une opportunité pour accroître la productivité et la compétitivité des entreprises européennes. L’histoire industrielle, des métiers à tisser à la machine à vapeur, illustre que les révolutions technologiques n’ont pas détruit l’emploi à long terme. Mais ont permis la création de nouvelles filières et compétences.

La réindustrialisation est ainsi liée directement au maintien de la cohésion sociale et à la santé démocratique. Un affaiblissement du tissu industriel se traduit mécaniquement par une marginalisation des couches populaires et des classes moyennes. Qui peuvent alors se tourner vers des solutions politiques extrêmes.

Le rôle des patrons et des organisations professionnelles

Le dialogue insiste sur le rôle essentiel des chefs d’entreprise, qu’il s’agisse de grands groupes ou de PME. Dans la structuration économique et sociale du pays. Les organisations professionnelles, telles que le MEDEF, le CEPME ou l’UTP, sont citées comme des vecteurs pour exprimer les préoccupations de l’industrie. Influencer la gouvernance et promouvoir l’innovation. Au-delà de la critique de la régulation, il est proposé que ces acteurs soient porteurs d’espoir et de perspectives, en montrant leur engagement concret dans des projets productifs et éducatifs. Par exemple en sensibilisant les jeunes aux métiers industriels.

Les enjeux démocratiques et sociaux

Pouvoir d’achat et vote extrême

L’entretien relie directement la dégradation du pouvoir d’achat aux mouvements vers les extrêmes politiques. La hausse du coût de la vie et l’inflation, combinées à la diminution de l’emploi industriel local. Créent un sentiment d’abandon chez les classes populaires et moyennes. Cette situation est vue comme un moteur de radicalisation politique. Accentuant le vote pour les partis extrêmes et fragilisant la stabilité démocratique.

Partis politiques, syndicats et associations : piliers de la société

L’importance des partis politiques et syndicats forts est soulignée comme essentielle pour structurer la vie démocratique. Et garantir une représentation efficace des citoyens. Les associations, quant à elles, sont présentées comme des instruments de cohésion sociale. L’entretien critique les méthodes de gouvernance participative par tirage au sort. Considérant qu’elles ne remplacent pas le rôle des structures institutionnelles organisées. L’accent est mis sur la nécessité d’un engagement citoyen structuré. Et sur la responsabilité des acteurs politiques à se concentrer sur des analyses sérieuses et informées des enjeux cruciaux pour le pays.

Gouvernance et dérive du pouvoir

Croissance naturelle du pouvoir et limites institutionnelles

Le processus de dérive du pouvoir est abordé sous l’angle théorique. En référence à la tendance historique des structures de pouvoir à s’étendre au-delà de leur mandat initial. Au niveau européen comme national. Des institutions s’approprient des compétences qu’elles ne possèdent pas légalement. Créant des tensions et des incohérences dans la gestion des politiques publiques. L’entretien met en avant la nécessité pour les citoyens. Et les institutions de veiller à ce que les mandats soient respectés. Afin de limiter l’expansion non légitime du pouvoir.

Importance de la responsabilité citoyenne

Face à ces dérives, les moyens d’action démocratiques incluent le vote, les manifestations et les autres formes d’expression citoyenne. L’équilibre entre droit à manifester et responsabilité sociale est évoqué, soulignant que la répression n’est pas acceptable. Mais que la contestation doit être structurée et orientée vers la résolution des problèmes. L’entretien appelle à un engagement citoyen actif pour garantir que le pouvoir reste conforme à son mandat.

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Dette sociale hors de controle et en peril.

Dette sociale

Dette sociale : un bien commun en péril ? Nicolas Dufourcq alerte sur l’État-providence hors de contrôle

Quand la dette devient le miroir d’une société

« La dette galope, elle est hors de contrôle. » Le ton est donné. Dans une récente interview au Journal du Dimanche, Nicolas Dufourcq, Directeur général de Bpifrance, revient sur l’enjeu fondamental de la dette sociale française, au moment de la sortie de son ouvrage La dette sociale de la France (Odile Jacob). 

Son constat est clair : l’État-providence, comparable à la nature, est un bien commun qui transcende les clivages politiques. Ni de droite, ni de gauche, mais universel. 

Pourtant, ce modèle, construit patiemment depuis la Libération et souvent cité comme « l’exception française », vacille sous le poids de ses contradictions internes.

La dette sociale, longtemps reléguée dans les débats budgétaires, devient un enjeu central de stabilité et de soutenabilité. Elle incarne à la fois un projet de solidarité et un fardeau financier. Elle est aussi une ligne de fracture idéologique : faut-il continuer à investir dans le social comme moteur de cohésion, ou réduire l’ampleur de l’État-providence pour garantir sa survie ?

L’ambition de Nicolas Dufourcq n’est pas de raviver les polémiques, mais d’éclairer. Comprendre les sources historiques, politiques et financières de cette dérive est indispensable pour construire des solutions. Cet article propose d’explorer ses arguments et de les mettre en perspective avec les apports des grands économistes de Keynes à Hayek, de Friedman à Piketty pour replacer la dette sociale au cœur du débat sur la transition économique et sociétale.

I. L’État-providence, bien commun universel

Dufourcq rappelle une vérité essentielle : l’État-providence n’appartient pas à une couleur politique. Il est né d’un consensus après-guerre, porté par le Conseil National de la Résistance, au moment où la France sortait de la Seconde Guerre mondiale exsangue mais déterminée à bâtir un modèle social protecteur. Retraites, sécurité sociale, assurance chômage : autant de piliers conçus comme une digue contre les inégalités et la pauvreté.

Comparer l’État-providence à la nature est une métaphore puissante. De la même façon qu’on considère l’environnement comme un patrimoine commun, l’État social doit être vu comme un socle partagé. John Rawls, philosophe de la justice, affirmait qu’une société juste se juge à la manière dont elle traite les plus vulnérables. Dans cette optique, l’État-providence est une infrastructure morale autant qu’économique.

Les économistes keynésiens ont depuis longtemps mis en avant la fonction stabilisatrice de la dépense publique sociale. Keynes considérait la politique budgétaire comme un outil de régulation des cycles : en période de crise, la dépense sociale amortit le choc, soutient la demande et évite l’effondrement. Cette logique a été confirmée lors de la crise de 2008 puis du Covid-19 : sans protection sociale, la récession aurait été encore plus brutale.

Amartya Sen, prix Nobel d’économie, a quant à lui souligné le rôle du bien-être collectif dans le développement. L’accès à la santé et à l’éducation n’est pas seulement une question d’équité, mais aussi un levier de croissance. En ce sens, l’État-providence n’est pas une charge mais un investissement de long terme.

Mais alors, comment expliquer que ce modèle protecteur se retrouve aujourd’hui menacé par ses propres finances ?

II. Une dette sociale qui explose

Le cœur du problème, selon Dufourcq, réside dans la dynamique incontrôlée de la dette sociale. Cette dette, distincte de la dette de l’État, est portée par la CADES (Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale). Créée en 1996, elle devait initialement solder les déficits accumulés de la Sécurité sociale. Mais au lieu de se résorber, la dette sociale s’est régulièrement reconstituée, comme une plaie qui se rouvre sans cesse.

Aujourd’hui, elle dépasse les 160 milliards d’euros. Les causes sont multiples :

Vieillissement de la population et explosion des dépenses de retraite.

Hausse structurelle des dépenses de santé, accentuée par les innovations médicales et le Covid-19.

Déficits chroniques de l’assurance chômage, liés aux transformations du marché du travail.

Politiques de baisse de cotisations sociales non compensées.

Comparée à d’autres pays européens, la France se distingue par la générosité de son système social, mais aussi par sa difficulté à contenir les déficits. L’Allemagne a mené, dès les années 2000, des réformes Hartz qui ont réduit le poids de la dette sociale. Les pays nordiques, eux, ont ajusté leur modèle en privilégiant la responsabilisation fiscale et la flexibilité du travail. Les États-Unis, à l’inverse, n’ont jamais construit de véritable protection sociale universelle, ce qui limite leur dette sociale… mais au prix d’inégalités massives.

Friedrich Hayek, grand critique de l’interventionnisme étatique, affirmait que toute expansion illimitée de l’État-providence conduit à une perte de liberté et d’efficacité. Milton Friedman, quant à lui, dénonçait les gaspillages liés à la gestion publique. Leurs mises en garde résonnent dans l’alerte de Dufourcq : un système social généreux mais mal financé peut s’effondrer sur lui-même.

III. Les racines du dérapage financier

Pourquoi la dette sociale française dérape-t-elle ? Dufourcq pointe plusieurs causes structurelles.

D’abord, le financement repose largement sur les cotisations sociales, c’est-à-dire sur le travail. Or, le taux d’emploi, notamment des jeunes et des seniors, reste plus faible qu’ailleurs en Europe. La base contributive est trop étroite par rapport aux dépenses.

Ensuite, les recettes fiscales liées au capital et aux entreprises ont été réduites dans un contexte de concurrence internationale et européenne. Pour rester attractifs, les États abaissent la fiscalité, ce qui prive les systèmes sociaux de ressources. Joseph Stiglitz, prix Nobel, a souvent dénoncé cette « course vers le bas » qui mine la capacité des États à financer leurs biens publics.

Du côté des dépenses, le vieillissement démographique exerce une pression constante. En 2050, un Français sur trois aura plus de 60 ans. Les retraites et les soins de longue durée absorberont une part croissante du PIB.

Enfin, la crise sanitaire a creusé un trou béant : près de 60 milliards d’euros de déficits sociaux ont été transférés à la CADES pendant le Covid.

Thomas Piketty, dans Le Capital au XXIe siècle, rappelle que la redistribution est la condition de la stabilité démocratique. Mais il souligne aussi que, sans réforme fiscale progressive, les inégalités risquent de se creuser, rendant le financement de l’État-providence encore plus instable.

La tension est donc double : comment maintenir la cohésion sociale sans compromettre la soutenabilité financière ?

IV. Quelles solutions possibles ?

Face à cette équation, Dufourcq appelle à sortir des postures idéologiques pour trouver des solutions pragmatiques. Plusieurs pistes se dessinent.

1. Élargir l’assiette de financement

Plutôt que de concentrer le financement sur les salaires, pourquoi ne pas diversifier les sources ? La TVA sociale, par exemple, permet de faire contribuer la consommation plutôt que seulement le travail. Certains économistes suggèrent aussi de taxer davantage le capital ou les flux financiers internationaux.

2. Réformes paramétriques des retraites

Allongement de la durée de cotisation, recul de l’âge de départ : autant de mesures impopulaires mais nécessaires pour équilibrer les comptes. Keynes, pourtant fervent défenseur de la dépense publique, rappelait que tout investissement doit être soutenable dans le temps.

3. Efficacité et productivité des dépenses publiques

Digitalisation, simplification administrative, lutte contre la fraude : autant de leviers pour réduire le gaspillage. L’État-providence doit se réinventer comme un service moderne et agile.

4. Lien avec les enjeux ESG et la transition

La dette sociale n’est pas qu’un problème financier. Elle conditionne la capacité de la France à réussir sa transition écologique et sociale. Comment financer la neutralité carbone si les finances sociales absorbent toute la marge budgétaire ? Les Objectifs de Développement Durable (ODD) de l’ONU rappellent que le progrès social et la soutenabilité environnementale sont indissociables.

V. Vers un consensus pour l’avenir

L’appel de Nicolas Dufourcq vise à dépasser le clivage droite/gauche. La dette sociale n’est pas une arme politique, mais un défi collectif. Comme la nature, elle doit être gérée dans une logique de bien commun.

Pour y parvenir, il faut une gouvernance rénovée. L’Europe pourrait jouer un rôle en harmonisant certaines règles de financement social. La Banque centrale européenne, qui a montré sa capacité à acheter massivement de la dette publique, pourrait-elle étendre son rôle aux dettes sociales ? La question reste ouverte.

Surtout, il faut un pacte de confiance entre citoyens et institutions. Les Français doivent croire que chaque euro de cotisation sert réellement à financer la solidarité. La transparence, l’évaluation et la pédagogie économique sont essentielles.

Préserver l’exception française sans la condamner (?)

La dette sociale française n’est pas un accident passager. Elle est le produit d’une histoire, d’un modèle généreux, mais aussi de décalages financiers persistants. Nicolas Dufourcq a raison de rappeler que le sujet ne doit pas être instrumentalisé : il s’agit de l’avenir de notre cohésion nationale.

Comme le disait Keynes, « à long terme, nous serons tous morts ». 

Mais à court et moyen terme, nous avons la responsabilité d’assurer la pérennité de notre modèle social. Sans réforme, la dette sociale risque de miner la crédibilité budgétaire de la France et de fragiliser la solidarité entre générations.

À l’inverse, une refondation intelligente, élargissant le financement, modernisant les dépenses, et articulant l’État-providence avec la transition écologique, pourrait transformer cette crise en opportunité.

La dette sociale n’est pas qu’une ligne comptable. Elle est le reflet de nos choix de société. 

La question n’est pas de savoir si l’État-providence survivra, mais sous quelle forme et avec quelle légitimité. 

L’enjeu est clair : construire un modèle durable, équitable et soutenable, fidèle à l’esprit du Conseil National de la Résistance et adapté aux défis du XXIe siècle.

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Nordea Asset Management renforce son pôle de gestion systématique obligataire

Nordea Asset Management

Nordea Asset Management renforce son pôle de gestion systématique obligataire avec l’arrivée de Lucette Yvernault et Marton Huebler. Ce duo expérimenté consolide les capacités quantitatives du groupe, répondant à la demande croissante d’approches data-driven alliant performance, rigueur du risque et durabilité.

Dans un environnement de marché où la sophistication des stratégies quantitatives devient un avantage compétitif majeur, Nordea Asset Management annonce le renforcement de son expertise en gestion systématique avec deux nominations clés : Lucette Yvernault, nommée responsable de la gestion systématique obligataire, et Marton Huebler, qui rejoint en tant que gérant de portefeuille senior.
Ces nominations marquent une nouvelle étape dans le développement de l’offre de gestion quantitative du groupe, en particulier dans le domaine du Systematic Fixed Income.

Une dynamique d’expansion stratégique

En intégrant Lucette Yvernault et Marton Huebler, Nordea Asset Management confirme sa volonté d’élargir ses capacités d’investissement systématique au segment obligataire. L’objectif : offrir à ses clients institutionnels et professionnels des solutions innovantes, fondées sur la donnée et capables de générer de la performance ajustée au risque dans la durée.

Les deux experts rejoignent l’équipe Multi-Assets dirigée par Asbjørn Trolle Hansen, qui supervise aujourd’hui plus de 150 milliards d’euros d’actifs, dont plus de 70 milliards investis dans les solutions BetaPlus Enhanced Equity.
Ce renforcement s’inscrit dans la continuité du développement d’une approche systématique transversale, combinant recherche quantitative, discipline de gestion et rigueur du contrôle des risques.

Des profils expérimentés au service de la performance durable

Lucette Yvernault apporte à l’équipe plus de vingt ans d’expérience en gestion obligataire mondiale. Elle a notamment occupé des postes à haut niveau chez Fidelity International, où elle a piloté le développement de stratégies systématiques actives et à faible tracking error, représentant plusieurs milliards d’euros d’encours.
Son expertise couvre l’ensemble du spectre obligataire : stratégies LDI (Liability Driven Investment), portefeuilles intégrant des critères ESG, et mandats sur mesure destinés à des investisseurs institutionnels.

Son arrivée symbolise la volonté de Nordea Asset Management de concilier sophistication technique et responsabilité dans ses approches d’investissement. En se basant sur les outils analytiques déjà développés au sein de l’équipe Multi-Assets, elle pilotera la création de solutions systématiques obligataires combinant gestion active, rigueur quantitative et pilotage du risque.

À ses côtés, Marton Huebler rejoint l’équipe en tant que gérant de portefeuille senior. Également issu de Fidelity International, il a occupé des fonctions de responsabilité en recherche quantitative obligataire et dispose d’un parcours solide dans la conception de stratégies systématiques appliquées aux marchés de taux.
Son approche, fondée sur l’exploitation intelligente des signaux de marché et la modélisation des facteurs de performance, complète parfaitement la vision stratégique portée par la nouvelle direction du pôle.

Tous deux seront basés à Londres, rattachés à Asbjørn Trolle Hansen, et auront pour mission de déployer des stratégies systématiques obligataires destinées à un large éventail d’investisseurs institutionnels.

L’essor de la gestion systématique obligataire

Le développement de la gestion systématique appliquée aux marchés obligataires répond à une tendance de fond : la recherche d’alternatives efficaces dans un environnement de taux plus volatil et de cycles économiques plus courts.
Les investisseurs institutionnels, confrontés à des marges de manœuvre plus limitées, recherchent désormais des stratégies capables de combiner discipline quantitative, diversification et efficacité opérationnelle.

L’approche systématique consiste à formaliser les décisions d’investissement à partir de modèles quantitatifs, fondés sur des données économiques, de marché ou comportementales.
Cette méthodologie permet d’exploiter des signaux de marché de manière rigoureuse, tout en maîtrisant les biais émotionnels souvent présents dans la gestion discrétionnaire.

Nordea Asset Management, déjà reconnu pour son expertise en gestion multi-actifs et quantitative, étend ainsi ses compétences vers les marchés de taux, où la combinaison entre algorithmes, big data et contrôle des risques devient un différenciateur stratégique.

Une réponse à la demande croissante des investisseurs

La montée en puissance des approches systématiques ne relève pas d’un simple effet de mode.
Dans un contexte de coûts de financement plus élevés et de resserrement réglementaire, les investisseurs recherchent des solutions à la fois efficaces en termes de frais et capables de délivrer une performance excédentaire stable.

La gestion systématique obligataire s’inscrit dans cette logique : elle repose sur des modèles éprouvés, capables d’identifier des sources de rendement alternatives, tout en respectant des cadres de risk management stricts.
Cette approche attire notamment les grands investisseurs institutionnels – fonds de pension, assureurs et gestionnaires d’actifs – qui privilégient aujourd’hui des stratégies à la fois scalables, transparentes et robustes.

En renforçant son expertise dans ce domaine, Nordea Asset Management anticipe les besoins d’un marché en pleine mutation, où la data science et l’automatisation deviennent des composantes essentielles de la gestion de portefeuille.

Une équipe au service de la recherche et de l’innovation

Sous la direction d’Asbjørn Trolle Hansen, l’équipe Multi-Assets a déjà démontré sa capacité à combiner innovation technologique et discipline d’investissement.
Les nouvelles recrues viendront capitaliser sur les travaux de recherche existants, notamment sur l’analyse des facteurs de performance, la gestion du risque et l’exploitation des données à grande échelle.

Cette stratégie vise à créer une plateforme systématique intégrée, où la recherche quantitative et la gestion active se renforcent mutuellement.
Les modèles développés pourront ainsi être adaptés à différents segments de marché, avec des approches différenciées selon les profils de risque, les horizons d’investissement et les contraintes réglementaires des clients.

Pour Nordea Asset Management, l’enjeu est double : consolider sa position d’acteur de référence en Europe dans la gestion systématique, tout en accélérant l’intégration de la durabilité et des critères ESG dans ses modèles.

Une vision tournée vers la durabilité et la performance

Cette extension de compétences s’inscrit pleinement dans la philosophie du groupe : concilier performance financière, rigueur scientifique et responsabilité durable.
L’objectif n’est pas seulement d’accroître la capacité de gestion, mais de repenser la manière dont les portefeuilles obligataires peuvent générer de la valeur à long terme, dans un cadre plus transparent et mesurable.

Les nouveaux outils systématiques permettront d’analyser de manière fine l’exposition aux risques climatiques, aux facteurs sociaux et de gouvernance, tout en intégrant ces paramètres au cœur de la construction de portefeuille.
Une approche qui répond aux attentes croissantes des investisseurs institutionnels, pour qui les performances durables deviennent désormais un standard, non une exception.

Une étape clé dans la stratégie de Nordea Asset Management

L’arrivée de Lucette Yvernault et Marton Huebler représente bien plus qu’un renfort opérationnel : c’est un signal fort envoyé au marché.
Nordea Asset Management poursuit son expansion dans la gestion systématique en capitalisant sur l’expertise humaine alliée à la puissance de la donnée.

Cette démarche illustre la volonté du groupe de bâtir des solutions capables de s’adapter à la complexité des marchés financiers actuels — en combinant la rigueur des modèles quantitatifs, la précision du contrôle du risque et la vision long terme d’une gestion responsable.

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