CHINE : Evergrande, menacé de défaut, poursuit sa chute en bourse

Comment Evergrande menace l’economie chinoise ? Un défaut du promoteur surendetté apparaît inévitable. Une faillite du géant de l’immobilier pèserait sur la croissance chinoise, principal moteur de l’économie mondiale ces dernières années.

Qui est Evergrande ?

Evergrande est une société de promotion immobilière, leader dans les villes de 3e et 4e catégories. L’immobilier est un maillon essentiel du patrimoine des ménages et  les grandes banques et compagnies d’assurance y sont exposées.

Le gouvernement souhaite éviter une envolée spéculative des prix de l’immobilier dans ces villes de façon qu’une majorité de la population puisse vivre confortablement… avec plusieurs enfants !
La régulation plus sévère décidée par les autorités a entraîné une baisse des transactions immobilières de 8,5 % sur un an (à fin juillet 2021) et une grande défiance des marchés à l’égard des promoteurs immobiliers.  Evergande en est une bonne illustration. La holding a une dette de près de 300 Mds$, dont près du tiers doit être remboursé en 2022.

Une faillite de ce groupe pourrait entraîner des réactions en chaîne et créer une situation systémique, c’est du moins ce que craignent les marchés. Il est vrai que les autres promoteurs ont fortement baissé en bourse, de même que le secteur financier. Un tel cas de figure est possible mais peu probable selon nous. Le pouvoir ne laissera pas une crise financière se développer et une politique monétaire plus souple sera adoptée, de même que le soutien des banques nationales sera sûrement apporté.

Les difficultés d’Evergrande

Il faut également noter que les dettes de la société Evergrande sont essentiellement détenues par les intermédiaires financiers chinois, surtout les banques chinoises, en RMB. Bien qu’il y ait un risque de contagion, la crise « China Evergrande » reste une affaire chinoise, ce qui serait loin d’être une crise internationale comme la faillite de Lehman Brothers.

Prime de risque de marché 

Mais en attendant, cela va créer une forte volatilité sur les marchés. La prime de risque sur les actions chinoises a donc logiquement monté ces dernières semaines et devrait rester assez élevée : l’implication gouvernementale croissante dans la vie des entreprises montre en effet que les intérêts publics peuvent être ponctuellement plus importants que ceux des actionnaires. Dans ce contexte de volatilité accrue, il y aura également des opportunités d’investissement.

Cet événement ne nous semble pas remettre en cause le potentiel structurel des investissements sur ces marchés à moyen et long termes. La place grandissante de la Chine dans l’économie et la finance internationale, l’ouverture réelle des marchés de capitaux chinois ainsi que leurs dynamiques sectorielles et thématiques confèrent à ces investissements un attrait particulier dans une allocation globale.

La Chine est confrontée à quelques grands problèmes structurels qui, à bien des égards, sont similaires à ceux auxquels les États-Unis et l’Europe sont également confrontés :

  • Un problème sociétal exacerbé avec une grande disparité de richesses au sein de la population qui risque d’affecter la cohésion nationale. Le Président Xi Jinping souhaite une nation où « tout le monde devienne riche »…
  • Un problème de natalité. Après plusieurs années de politique de l’enfant unique, la pyramide des âges est déformée et les jeunes générations ne font plus assez d’enfants : le coût du logement, de l’éducation et des soins sont trop élevés…
  • Un problème d’adaptation de l’économie vers une économie décarbonée
  • Ces questions de fond s’ajoutent également la volonté de rendre l’économie moins dépendante des exportations, de limiter l’influence des grandes valeurs de l’économie numérique…

La différence avec les pays occidentaux est que ces questions structurelles sont abordées de manière très directe – à la limite autoritaire – et sont souvent « mal communiquées au monde externe », ce qui est rendu possible par une gouvernance et un régime politique différent.

Le Président Xi Jinping avait déjà expliqué qu’il s’engageait dans une voie « d’assainissement » de l’économie et du pays.

Dans un premier temps, un certain nombre de mesures (quelquefois brutales) avaient été prises pour limiter l’influence des grandes entreprises de l’économie numérique et de leurs dirigeants (nous nous souvenons des épisodes autour de Jack Ma, dirigeant d’Alibaba, de Didi, de Tencent…). Cela avait provoqué un décrochage boursier significatif des équivalentes chinoises aux GAFAM(1) américaines.

Depuis le printemps dernier, le Président Xi Jinping a mis l’accent sur cette question de la natalité en prenant quelques mesures qui ont marqué les esprits : limitation des entreprises d’éducation en ligne (aux tarifs élevés, largement utilisées par les ménages les plus aisés), interdiction des jeux en ligne au-delà d’une certaine durée, pénalisation des casinos, mesures contre les hausses du prix de l’immobilier résidentiel…