Chute historique des fonds durables

fonds durables

Le début de l’année 2025 marque une rupture significative pour le secteur de l’investissement durable. Selon la dernière analyse publiée par Morningstar, les fonds durables. Qu’ils soient sous forme de fonds ouverts ou d’ETF – ont connu un net désintérêt de la part des investisseurs. Ce retournement s’inscrit dans un contexte global incertain. Où les tensions géopolitiques et une contestation croissante des critères ESG (Environnement, Social, Gouvernance) redéfinissent les priorités des marchés. Ce phénomène, inédit par son ampleur, remet en question l’enthousiasme qui animait jusqu’ici le développement de la finance durable.

Une décollecte record qui reflète un retournement de tendance

Après avoir enregistré 18,1 milliards de dollars de souscriptions nettes au dernier trimestre 2024. Les fonds durables ont subi une perte nette de 8,6 milliards de dollars au cours du premier trimestre 2025. Ce contraste saisissant illustre un changement brutal dans les comportements des investisseurs. Désormais plus prudents, voire défiants, vis-à-vis des stratégies ESG.

Les investisseurs américains ont poursuivi leur désengagement pour un dixième trimestre consécutif. Tandis que l’Europe, longtemps considérée comme le bastion de la finance durable. A enregistré pour la première fois des sorties nettes à hauteur de 1,2 milliard de dollars. En Asie, la tendance est également à la baisse. Tandis que seules quelques régions comme le Canada et l’Australie/Nouvelle-Zélande enregistrent encore des entrées nettes.

Les actifs ESG sous pression : une valeur en repli

La valeur totale des actifs gérés dans les fonds durables à l’échelle mondiale a légèrement diminué. S’établissant à 3 159 milliards de dollars fin mars 2025. Ce repli est en partie attribué à la mauvaise performance des marchés actions. En particulier aux États-Unis, mais il témoigne aussi d’un essoufflement de la dynamique ESG.

Ce recul ne concerne pas uniquement les montants investis : il s’accompagne d’une transformation en profondeur de l’offre elle-même. Les sociétés de gestion réévaluent leurs gammes de produits durables. Souvent dans un souci de clarification ou d’adaptation aux critiques croissantes.

Des lancements au ralenti et une consolidation marquée

Le nombre de nouveaux fonds ESG lancés au premier trimestre 2025 s’élève à seulement 54 dans le monde. Un chiffre modeste qui traduit un net ralentissement de l’innovation dans ce secteur. Ce repli est particulièrement visible en Europe, où les gérants de fonds semblent opter pour une approche plus prudente, en raison d’une pression réglementaire croissante et d’un climat politique moins favorable à l’ESG.

Parallèlement, les opérations de changement de nom de fonds se sont accélérées. En Europe, 335 produits ont été renommés, et parmi eux, 116 ont choisi d’abandonner toute référence explicite à l’ESG. Cette tendance reflète une volonté de repositionner les produits pour éviter d’éventuelles accusations de “greenwashing” ou de promesses non tenues.

Fermetures et fusions : vers une rationalisation de l’offre

Autre signal fort de la réorientation du marché : de nombreux fonds ESG ont été soit liquidés, soit fusionnés. En Europe, 94 produits ont ainsi disparu, tandis qu’aux États-Unis, 20 fonds ont été fermés, un record pour un seul trimestre.

Cette vague de rationalisation pourrait être interprétée comme une forme de maturité du marché : après une phase d’expansion rapide, les acteurs cherchent désormais à consolider leurs positions, à mieux cibler leurs offres et à s’adapter à une demande devenue plus exigeante et plus sélective.

Un avenir incertain entre scepticisme et repositionnement stratégique

« Ce trimestre marque un véritable tournant, tant au niveau des flux que dans la perception même de l’investissement durable ». Observe Hortense Bioy, responsable de la recherche sur l’investissement durable chez Morningstar Sustainalytics. Selon elle, les défis ne manquent pas : montée de la défiance envers les critères ESG, tensions géopolitiques croissantes. Complexité réglementaire accrue… autant de facteurs qui pourraient continuer de freiner l’élan ESG.

Toutefois, ce contexte pourrait aussi être l’occasion pour les gestionnaires d’actifs de réaffirmer la pertinence de l’investissement durable en clarifiant leurs approches, en améliorant la transparence et en développant des produits plus robustes. Le secteur entre donc dans une phase de transition, où seuls les acteurs les plus solides et les plus crédibles parviendront à tirer leur épingle du jeu.

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