
La dette publique française est au cœur des débats économiques et politiques depuis plusieurs années. Longtemps perçue comme un levier de croissance et un outil de stabilisation économique. Elle devient aujourd’hui une source d’inquiétude croissante en raison de l’augmentation des taux d’intérêt et du retour de l’inflation. Alors que la charge de la dette explose, de nombreuses voix s’élèvent pour alerter sur sa soutenabilité et sur les risques économiques et sociaux qu’elle engendre.
Ceci est un extrait d’une interview, sélectionné par votre média Green Finance, qui donne la parole à tous, même si cela peut vous déplaire et nous déclinons toute responsabilité sur la source et les propos de cet extrait.
Une dette publique qui explose sous l’effet de l’inflation et des taux d’intérêt
L’État emprunte à des taux historiquement bas depuis plusieurs décennies. Ce qui a permis d’accumuler une dette conséquente sans que son remboursement ne pèse excessivement sur les finances publiques. Toutefois, avec le retour de l’inflation et la hausse des taux d’intérêt, cette mécanique s’est inversée.
Entre 2020 et 2022, la charge annuelle du remboursement de la dette en France est passée de 25 à 46 milliards d’euros. Soit une quasi-doublure en seulement deux ans. Cette explosion s’explique principalement par l’augmentation des taux d’intérêt sur les emprunts d’État. Qui alourdit mécaniquement le coût de la dette.
Jusqu’à récemment, les banques centrales, à travers des politiques d’achats massifs d’obligations d’État, assuraient un financement bon marché et quasi illimité des déficits publics. Cependant, leur priorité étant désormais de lutter contre l’inflation. Elles ne peuvent plus continuer à soutenir les États de cette manière. Par conséquent, ces derniers doivent à nouveau convaincre les marchés financiers de leur capacité à honorer leurs engagements. Ce qui les expose à une pression accrue et à un risque de défiance.
Une dette publique de moins en moins soutenable
Le principal problème ne réside pas uniquement dans le niveau absolu de la dette, mais dans son manque de soutenabilité. Théoriquement, une dette publique peut être supportable si elle permet de générer suffisamment de croissance pour couvrir au moins le paiement de ses intérêts. Or, ce n’est plus le cas en France depuis 2007.
Chaque année, même en mobilisant l’ensemble de la richesse créée. Le pays ne parvient pas à couvrir les seuls intérêts de sa dette. Cette situation crée un cercle vicieux : pour rembourser les échéances passées, il faut s’endetter davantage, ce qui alourdit encore la charge de la dette. Ce phénomène est souvent comparé à une bulle : plus elle gonfle, plus le risque d’explosion est grand.
Dans certains cas, la situation peut conduire à une perte de confiance des marchés financiers, avec des conséquences potentiellement dévastatrices. Le Royaume-Uni en a récemment fait les frais lorsqu’un programme économique jugé trop dépensier a entraîné une envolée des taux d’intérêt et une intervention d’urgence de la banque centrale pour stabiliser la situation.
Le risque de dépendance aux créanciers internationaux
Lorsque la dette devient trop lourde à supporter, les États peuvent se retrouver dans une position de dépendance vis-à-vis de leurs créanciers, notamment étrangers. L’histoire récente offre plusieurs exemples de pays contraints de céder des actifs stratégiques en échange d’un allégement de leur dette. La Grèce, frappée par une crise financière majeure, a ainsi dû céder une partie du port du Pirée à la Chine en échange d’un soutien financier.
Un endettement excessif peut donc mettre en péril la souveraineté économique d’un pays, en limitant sa capacité à financer ses propres politiques et en le rendant vulnérable aux exigences de ses créanciers.
Vers un changement de paradigme ?
Face à cette situation, plusieurs solutions existent pour redresser les finances publiques et sortir de cette spirale d’endettement. La première consiste à maîtriser les dépenses publiques, en réduisant notamment les dépenses de fonctionnement de l’État et en améliorant l’efficacité des politiques publiques.
Une autre voie est celle de la relance de la croissance par l’investissement productif. Actuellement, seuls 3 % des dépenses publiques sont consacrés à l’investissement, tandis que la majeure partie sert à financer le fonctionnement courant de l’État. S’endetter pour investir dans l’avenir, par exemple à travers l’innovation ou la réindustrialisation, pourrait permettre de générer une croissance durable et ainsi rendre la dette plus soutenable.
Enfin, certaines réformes structurelles sont régulièrement évoquées : réduction du nombre de parlementaires, refonte de la fonction publique, suppression de certaines instances administratives jugées inefficaces, ou encore baisse des impôts de production pour redynamiser l’industrie.
Les conséquences sociales d’une dette publique excessive
Au-delà des répercussions économiques, l’explosion de la dette publique a des conséquences directes sur la société. Une part croissante du budget de l’État étant consacrée au remboursement des intérêts, cela réduit d’autant les marges de manœuvre pour financer des services publics essentiels comme la santé, l’éducation ou la sécurité.
Dans un contexte de tensions budgétaires, les gouvernements sont souvent contraints d’adopter des mesures d’austérité, qui peuvent se traduire par une diminution des prestations sociales, un gel des salaires des fonctionnaires ou encore une baisse des investissements dans les infrastructures publiques. De telles décisions accentuent les inégalités et alimentent un sentiment de défiance envers les institutions.
Par ailleurs, l’incertitude économique engendrée par un endettement excessif peut peser sur la consommation des ménages et sur l’investissement des entreprises, freinant ainsi la croissance et aggravant encore la situation financière du pays.
Le risque d’un effet dominos en Europe
La dette publique française ne peut être analysée isolément, car elle s’inscrit dans un contexte plus large au sein de la zone euro. Plusieurs pays européens, notamment l’Italie et l’Espagne, affichent également des niveaux d’endettement très élevés.
Si un État venait à rencontrer des difficultés majeures pour rembourser sa dette, cela pourrait provoquer un effet domino et ébranler l’ensemble de l’économie européenne. En 2010, la crise de la dette grecque avait déjà failli déstabiliser la zone euro, nécessitant des plans de sauvetage d’urgence de la part de la Banque centrale européenne et du FMI.
Aujourd’hui, avec des dettes publiques largement supérieures à celles d’il y a dix ans et des marges de manœuvre budgétaires plus réduites, une nouvelle crise de la dette pourrait avoir des répercussions encore plus graves sur l’ensemble du continent.
Quelle place pour la monnaie et la banque centrale ?
Un autre élément central dans le débat sur la dette publique concerne le rôle des banques centrales. Pendant plusieurs années, la Banque centrale européenne (BCE) a maintenu des taux d’intérêt très bas et racheté massivement des obligations d’État, permettant ainsi aux pays les plus endettés de se financer à moindre coût.
Mais avec la remontée de l’inflation, la BCE a changé de stratégie en relevant ses taux directeurs et en réduisant progressivement son soutien aux marchés obligataires. Cette évolution rend le refinancement de la dette plus coûteux et pousse les États à revoir leur politique budgétaire.
Certains économistes plaident pour une modification des règles monétaires afin de permettre aux banques centrales d’intervenir davantage dans le financement des États en difficulté. Cependant, une telle approche pose la question de la crédibilité de la monnaie et du risque d’une inflation incontrôlée si trop de liquidités sont injectées dans l’économie.
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